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16/12/2022 | FRANCE | N°21PA05005

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 décembre 2022, 21PA05005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles lui-même et son épouse ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010 ainsi que " l'intégralité des impositions mises à leur charge ".

Par un jugement n° 2004737/1-1 du 12 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a constaté un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instan

ce et rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles lui-même et son épouse ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010 ainsi que " l'intégralité des impositions mises à leur charge ".

Par un jugement n° 2004737/1-1 du 12 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a constaté un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 septembre 2021 et 17 mars 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Eric Planchat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il leur est défavorable ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige au titre des années 2009 et 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les propositions de rectification du 14 décembre 2017 sont insuffisamment motivées ;

- l'administration ne démontre pas que la société Largely Investments SA constituait un montage artificiel ;

- l'application des pénalités de 80 %, qui doit se fonder sur le comportement du contribuable à la date de souscription des déclarations, est discriminatoire par rapport à celle appliquée aux contribuables qui ont eu un comportement vertueux mais postérieur à la date de la déclaration ;

- ces majorations sont, par suite, incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec l'article premier de son premier protocole additionnel ;

- il convient, sauf à méconnaître le contradictoire de la procédure d'imposition, de demander à l'administration fiscale le détail des rehaussements.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la décision 2016-614 QPC du 1er mars 2017 du Conseil constitutionnel ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Planchat, représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 12 juillet 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté la demande de M. A... en ce qu'elle tendait à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assignées à son foyer fiscal au titre des années 2009 et 2010.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

3. Les propositions de rectification du 14 décembre 2017 relatives aux années 2009 et 2010 comportent la désignation des impositions concernées, des années d'imposition et des bases d'imposition. Elles explicitent le détail des sommes taxées selon le mode forfaitaire, sur la base de l'actif estimé de la société Largely Investments calculé à partir de ses avoirs bancaires, et selon le mode réel, en identifiant, pour chacun des comptes bancaires sur la base desquels ont été effectuées les rectifications, le montant des revenus de placement, des plus-values, des impôts payés et des frais prélevés par la banque. Elles précisent l'origine des informations ayant permis de déterminer ces montants et fournissent en annexe, en ce qui concerne l'année 2010, le détail des mouvements de compte ayant permis la détermination des bases. Si les requérants font valoir qu'il existe des écarts entre les chiffres figurant dans le texte des propositions de rectification et ceux figurant sur les documents annexes, il apparaît que les chiffres invoqués par les requérants pour se prévaloir de tels écarts ne prennent pas en compte l'intégralité des sommes indiquées sur les documents annexes. En tout état de cause, les erreurs de calcul qui auraient pu être commises par l'administration fiscale ne sauraient révéler par elles-mêmes une insuffisance de motivation. Les propositions de rectification indiquent également les modalités de calcul des rectifications déterminées selon un mode forfaitaire. Il en résulte que ces propositions de rectification, qui permettaient à M. et Mme A... de formuler utilement leurs observations, étaient suffisamment motivées, conformément aux dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. Aux termes de l'article 123 bis du code général des impôts : " 1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique - personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable - établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants. /Pour l'application du premier alinéa, le caractère privilégié d'un régime fiscal est déterminé conformément aux dispositions de l'article 238 A par comparaison avec le régime fiscal applicable à une société ou collectivité mentionnée au 1 de l'article 206. /2. Les actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus indirectement par la personne physique mentionnée au 1, s'entendent des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus par l'intermédiaire d'une chaine d'actions, de parts, de droits financiers ou de droits de vote (...). /3. Les bénéfices ou les revenus positifs mentionnés au 1 sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de l'entité juridique établie ou constituée hors de France ou, en l'absence d'exercice clos au cours d'une année, le 31 décembre. Ils sont déterminés selon les règles fixées par le présent code comme si l'entité juridique était imposable à l'impôt sur les sociétés en France. L'impôt acquitté localement sur les bénéfices ou revenus positifs en cause par l'entité juridique est déductible du revenu réputé constituer un revenu de capitaux mobiliers de la personne physique, dans la proportion mentionnée au 1, à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés. /Toutefois, lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un Etat ou territoire n'ayant pas conclu de convention d'assistance administrative avec la France, ou qui est non coopératif au sens de l'article 238-0 A le revenu imposable de la personne physique ne peut être inférieur au produit de la fraction de l'actif net ou de la valeur nette des biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable, calculée dans les conditions fixées au 1, par un taux égal à celui mentionné au 3°du 1 de l'article 39./ (...) ". A compter du 1er janvier 2010 le 4 bis de cet article dispose que : " Le 1 n'est pas applicable, lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un Etat de la Communauté européenne, si l'exploitation de l'entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de cette entité juridique par la personne domiciliée en France ne peut être regardée comme constitutive d'un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française ".

5. Par une décision 2016-614 QPC du 1er mars 2017, le Conseil constitutionnel a jugé que les mots " lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un État de la Communauté européenne " figurant au 4 bis de l'article 123 bis du code général des impôts applicables à compter du 1er janvier 2010 étaient contraires à la Constitution en ce qu'ils n'autorisent pas le contribuable à apporter la preuve de ce que l'interposition d'une structure établie hors de l'Union européenne ne poursuit pas un but de fraude fiscale alors que cette possibilité est prévue lorsque l'entité est établie dans un Etat de l'Union. Par la même décision, il a également déclaré conformes à la Constitution les dispositions qui prévoient, s'agissant d'un Etat non coopératif ou n'ayant pas conclu de convention administrative avec la France, une valeur plancher au revenu imposable, calculée forfaitairement, sous la réserve que le contribuable soit autorisé à apporter la preuve que le revenu réellement perçu par l'intermédiaire de l'entité juridique est inférieur au revenu défini forfaitairement.

6. Contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas des dispositions précitées telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel, que pèserait sur l'administration la charge d'apporter la preuve de l'existence d'un montage artificiel. M. A... n'est par suite pas fondé à soutenir que, faute d'apporter cette preuve, les impositions ne seraient pas fondées. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction, s'agissant de l'année 2010, que la constitution d'une société panaméenne disposant de comptes bancaires aux Bahamas et en Suisse ne procédait pas d'un montage artificiel destiné à éluder l'impôt français. Les requérants, qui sont seuls en mesure de le faire, ne fournissent aucun élément et ne développent aucune argumentation susceptible d'éclairer les motifs autres que fiscaux justifiant de la constitution de cette société et des modalités de détention de ses actifs.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 3. que les modalités de calcul des rehaussements ont été suffisamment détaillées au cours de la procédure d'imposition. En outre, le ministre a clairement explicité dans son mémoire en défense devant la Cour les écarts de chiffres invoqués par M. A... à l'appui de son moyen tiré de ce que le rehaussement était insuffisamment motivé. Ces explications ne font l'objet d'aucune contestation de la part de M. A.... En se bornant à faire valoir qu'il appartient à l'administration de produire devant la Cour les modalités de calcul des redressements, M. A... ne conteste pas valablement le bien-fondé de l'imposition. Dans ces conditions, et sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure contentieuse, lequel implique la communication aux parties des mémoires et pièces sur lesquels les juges se fondent pour prendre leur décision, il n'y a pas lieu de demander à l'administration d'explications complémentaires.

Sur les pénalités :

8. Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que la circulaire ministérielle du 21 juin 2013 prévoit que les contribuables qui ont porté à la connaissance du service de traitement des demandes de régularisation l'existence et les références de leurs comptes bancaires ouverts à l'étranger non déclarés ne fassent l'objet que d'une majoration de 40 % alors que les requérants, qui n'ont pas procédé à cette révélation et qui se trouvent ainsi dans une situation différente, ont fait l'objet d'une majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses en application du c) de l'article 1729 du code général des impôts, ne révèle aucune méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées à l'article premier de son premier protocole additionnel, et cela alors même qu'au regard de la jurisprudence nationale, le caractère intentionnel ou frauduleux de la soustraction à l'impôt est, ainsi que cela a été le cas en l'espèce en ce qui concerne M. et Mme A..., apprécié à la date de la déclaration des impositions éludées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de la demande présentée devant lui par M. A.... Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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2

N° 21PA05005


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05005
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-16;21pa05005 ?
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