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16/12/2022 | FRANCE | N°21PA03929

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 décembre 2022, 21PA03929


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... et M. F... E... ont, par deux requêtes distinctes, demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'amende forfaitaire mise à la charge de chacun d'entre eux pour un montant de 1 500 euros au titre de l'année 2012 pour non déclaration en 2013 d'un compte détenu à l'étranger.

Par un jugement nos 2013855-2013856/1-1 du 12 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par deux requêtes distinctes

enregistrées le 13 juillet 2021, M. D... E... et M. F... E..., représentés par Me Eric Planc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... et M. F... E... ont, par deux requêtes distinctes, demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'amende forfaitaire mise à la charge de chacun d'entre eux pour un montant de 1 500 euros au titre de l'année 2012 pour non déclaration en 2013 d'un compte détenu à l'étranger.

Par un jugement nos 2013855-2013856/1-1 du 12 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par deux requêtes distinctes enregistrées le 13 juillet 2021, M. D... E... et M. F... E..., représentés par Me Eric Planchat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des amendes litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, en ce qui concerne chacune des deux requêtes, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ne peuvent pas être considérés comme titulaires des comptes bancaires qui appartenaient à la fondation Sanyi nonobstant leur qualité d'ayant droit économique ;

- la réponse ministérielle C... du 29 décembre 2015 a précisé que l'obligation déclarative ne concerne que les titulaires de ces comptes et les bénéficiaires d'une procuration sur ces comptes ;

- ils ne bénéficiaient pas de procuration sur le compte bancaire appartenant à la fondation ;

- il n'est pas établi pas qu'ils utiliseraient le compte bancaire appartenant à la fondation ;

- compte tenu de la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2016-554 QPC relative à l'amende proportionnelle de l'article 1736 du code général des impôts et au regard du principe de l'interprétation stricte des textes instituant une sanction fiscale, l'amende forfaitaire ne peut être regardée comme exigible.

Par des mémoires en défense enregistrés le 28 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de ces requêtes.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par MM. E... ne sont pas fondés.

Par des ordonnances du 17 janvier 2022, la clôture de l'instruction de ces deux requêtes a été fixée au 7 février 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Planchat, représentant MM. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... E... et M. F... E..., qui sont frères, ont souhaité régulariser auprès de l'administration fiscale leur situation fiscale au regard d'avoirs détenus à l'étranger non déclarés, conformément à la circulaire n° 672 du 21 juin 2013 dite " circulaire Cazeneuve ". Ils ont chacun déposé le 8 octobre 2014 un dossier de régularisation comprenant notamment la déclaration d'un compte détenu par la fondation Sanyi et ouvert sous le n° 240/584.520 au sein de la banque UBS de Genève. La procédure transactionnelle n'ayant pas abouti, les intéressés ont fait l'objet d'un contrôle fiscal. L'administration a considéré, nonobstant les explications apportées par les intéressés, qu'ils étaient co-titulaires du compte via la fondation. Ce compte n'ayant pas été mentionné dans les déclarations de revenus des contribuables souscrites en 2013 au titre de l'année 2012, l'amende fiscale prévue au IV de l'article 1736 du code général des impôts a été mise à leur charge. MM. E..., par les deux requêtes distinctes susvisées, relèvent appel du jugement en date du 12 juillet 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge de ces amendes. Ces requêtes sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, par conséquent, de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.

2. En premier lieu, aux termes du IV de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A (...) sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte (...) non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires ". Aux termes de l'article 1649 A du même code : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (...) ". Enfin, aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. / II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. (...) III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. Un compte est réputé être détenu par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci en est titulaire, co-titulaire, bénéficiaire économique ou ayant droit économique. Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident ".

3. Il résulte des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts et de l'article 344 A de l'annexe III à ce code que l'obligation de déclaration ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire mais également sur les comptes qu'il a utilisés.

4. Les requérants soutiennent que, s'ils disposaient de la qualité d'ayant droit économique de la fondation Sanyi créée par leur mère en 1998, c'est bien la fondation Sanyi qui était propriétaire du compte bancaire litigieux ouvert en Suisse et que cette fondation, sise hors de France, n'était pas soumise à l'obligation de déclarer ce compte conformément au droit français.

5. Il est constant que M. D... E... et M. F... E... avaient la qualité d'ayant droit économique concernant le compte litigieux, comme l'établit le formulaire A " identification de l'ayant droit économique " daté du 21 juillet 2008 et transmis par les requérants lors du dépôt de leur dossier de régularisation. De surcroît, il est constant que, depuis le décès de leur mère en 2012, M. D... E... et M. F... E... avaient tout pouvoir sur la fondation A... en tant que seuls bénéficiaires. Enfin, le relevé de fortune du 31 décembre 2012 du compte bancaire en litige, dont la valeur probante n'est pas sérieusement contestée, fait apparaître que des achats et ventes de produits financiers ont été réalisés sur la majorité des catégories de produits financiers détenus, en exécution d'ailleurs d'un mandat discrétionnaire accordé à la banque UBS par les intéressés en vue d'une gestion dynamique du compte. Au regard de ces seules circonstances, et alors même que MM. E... ne disposaient pas de procuration sur ce compte, c'est à bon droit que l'administration a, pour l'application des dispositions précitées des articles 1649 A et 1736 du code général des impôts, regardé M. D... E... et M. F... E... comme soumis à l'obligation de déclarer ledit compte.

6. En deuxième lieu, les requérants, à supposer qu'ils aient entendu le faire, ne sont pas fondés à se prévaloir, eu égard à sa date, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à M. C..., parlementaire, n° 82934 du 29 décembre 2015 qui, au demeurant, ne concerne pas le cas des contribuables disposant d'un compte bancaire par l'intermédiaire d'une fondation dont ils sont les ayants droit économiques.

7. Enfin, l'amende proportionnelle prévue par le deuxième alinéa du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts ayant été déclarée contraire à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016, l'amende forfaitaire prévue par le premier alinéa du 2 du IV du même article, qui s'applique indépendamment du montant du solde des comptes non déclarés, était, contrairement à ce qui est soutenu, applicable. MM. E... n'en contestent pas utilement l'application en faisant valoir que le Conseil constitutionnel n'a jamais indiqué que l'amende forfaitaire était exigible quand le solde des comptes bancaires en cause est supérieur à 50 000 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. D... E... et de M. F... E... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à M. F... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. B...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 21PA03929, 21PA03949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03929
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-16;21pa03929 ?
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