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16/12/2022 | FRANCE | N°21PA01807

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 décembre 2022, 21PA01807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GCRI a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, ainsi que des amendes qui lui ont été infligées au titre de ces trois exercices.re des frais exposés.

Par un jugement n° 1902325/2-1 du 9 février 2021, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer à

concurrence d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a prononcé une réduction de base ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GCRI a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, ainsi que des amendes qui lui ont été infligées au titre de ces trois exercices.re des frais exposés.

Par un jugement n° 1902325/2-1 du 9 février 2021, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a prononcé une réduction de base imposable à hauteur de 100 euros et la décharge correspondante, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 avril 2021 et le 7 février 2022, la société GCRI, représentée par Me Bastien Contat, demande à la Cour :

1°) à titre principal d'annuler ce jugement du 9 février 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant le tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a écarté une partie des frais supportés par la société à hauteur de 25 695,67 euros et de prononcer la décharge correspondante ;

4°) à titre encore plus subsidiaire, d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a confirmé l'application de la pénalité de l'article 1759 du code général des impôts pour un montant de 65 514 euros et de réduire cette pénalité à un montant de 39 818 euros ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est irrégulière en raison du défaut de motivation du rejet de la réclamation préalable ;

- l'insuffisante motivation en fait de la proposition de rectification méconnaît les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; il en est de même de la réponse à ses observations ;

- le résultat évalué des exercices en litige est exagéré dès lors que des frais d'acquisition supplémentaires, des frais financiers, des charges de copropriété et des taxes foncières doivent être pris en compte à hauteur respectivement de 17 385,29 euros, 2 381,50 euros, 5 033,88 euros et de 925 euros ;

- la pénalité de l'article 1759 du code général des impôts n'est pas fondée ;

- elle doit être réduite à hauteur du montant des charges et variations de stocks supplémentaires déductibles du chiffre d'affaires.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la base d'imposition au titre de l'exercice clos en 2014 doit être réduite de

925 euros, ce qui a seulement pour effet d'augmenter le déficit de cet exercice, ce montant pouvant être imputé par la société sur sa prochaine déclaration, et que les autres moyens soulevés par la société GCRI ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société GCRI, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, à la suite de laquelle l'administration lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, suivant la procédure de taxation d'office, en application de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, au titre des exercices 2015 et 2016, assorties de majorations pour non dépôt des déclarations dans le délai imparti par une mise en demeure, d'amendes fondées sur les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts ainsi que, pour les trois exercices vérifiés, de l'amende prévue par l'article

1729 D du même code. Le Tribunal administratif de Paris, par un jugement du 9 février 2021 dont la société GCRI relève appel, a constaté un non-lieu à statuer à concurrence de 328 euros en conséquence d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, réduit la base imposable de la société à hauteur de 100 euros, prononcé la décharge correspondante et a rejeté le surplus des conclusions de la requête présentée devant lui par la société.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen, inchangé en appel, tiré de ce que la décision de rejet de la réclamation préalable n'aurait pas été suffisamment motivée, un tel moyen étant sans incidence tant sur la régularité de la procédure d'imposition elle-même que sur le bien-fondé des impositions.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions [...] ".

4. Il résulte de la proposition de rectification du 22 novembre 2017 que l'administration a reconstitué la comptabilité de la société après avoir constaté le défaut de présentation de documents comptables. La proposition de rectification précise que les montants retenus au titre du chiffre d'affaires des exercices en litige sont ceux déclarés par la société en cours de contrôle, corroborés par les crédits bancaires constatés et fournit le détail des charges admises par catégorie pour chacun des exercices. Ainsi, les bases et éléments servant au calcul de l'imposition d'office et ses modalités de détermination ont été suffisamment portées à la connaissance de la société GCRI, qui a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office, non contestée, sur le fondement du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales en matière d'impôt sur les sociétés. La société requérante ne peut dès lors utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 57 du même livre. Et dès lors qu'elle a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office, elle ne soutient pas utilement que la réponse à ses observations, en l'occurrence un simple courriel de son expert-comptable en date du 19 décembre 2017, par lequel il se bornait à joindre un relevé de cotisation URSSAF et à demander une remise gracieuse des amendes pour absence de tenue d'une comptabilité informatisée, serait insuffisamment motivée.

5. Il résulte de ce qui précède que la société GCRI n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Et aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". En vertu de ces dispositions, il appartient à la société GCRI, qui a régulièrement fait l'objet d'une taxation d'office au titre de l'impôt sur les sociétés, d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge à l'issue de cette procédure.

7. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " et aux termes de l'article 39 de ce même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...). "

En ce qui concerne la variation des stocks :

8. En premier lieu, s'agissant du bien immobilier acquis à Vincennes le 25 avril 2013 et revendu le 10 octobre 2014, le service a admis, au titre de la variation des stocks pour l'exercice clos en 2014 11 676,08 euros de frais liés à cette acquisition. Si la société requérante soutient que l'administration aurait omis de prendre en compte 4 733,56 euros de frais supplémentaires, elle n'établit pas, par les pièces produites, qui ne permettent de reconstituer que partiellement les frais accessoires à cette acquisition, que cette somme n'aurait pas déjà été prise en compte par l'administration au titre des frais retenus pour l'exercice clos en 2014.

9. En deuxième lieu, s'agissant du bien immobilier acquis au Plessis-Robinson le 28 mars 2013 et revendu le 30 juillet 2015, le service a admis 15 920,39 euros de frais liés à cette acquisition. Il résulte des pièces produites pour partie pour la première fois en appel, que la société justifie s'être acquittée d'un montant total de frais de 21 400,39 euros. Elle est donc fondée à soutenir que les frais d'acquisition pris en compte au titre de l'exercice clos en 2015 ont été minorés de 5 480 euros, correspondant à des émoluments du vendeur pour 1 951,43 euros, des émoluments d'avocat pour 2 085,66 euros, des droits d'enregistrement pour 586 euros, des frais de publication pour 400 euros et d'intérêts de retard pour 456,91 euros.

10. En dernier lieu, s'agissant du bien immobilier acquis à La Queue en Brie le 23 octobre 2013, revendu le 20 avril 2016, l'administration a admis 10 814,73 euros de frais en lien avec cet achat, correspondant à une quittance de paiement délivrée par un avocat le 1er décembre 2014. La société GCRI justifie également s'être acquittée de 3 353,80 euros par la production d'une seconde quittance de paiement délivrée par cet avocat le même jour correspondant aux émoluments de l'avocat saisissant, de 2 317,93 justifiés par une facture du 5 novembre 2014 relative aux émoluments de l'avocat adjudicataire et un relevé bancaire attestant de son règlement ainsi que de 1 258 euros de frais d'enregistrement et de publicité justifiés par une facture de la direction générale des finances publiques du 26 janvier 2015 et un règlement de ce montant par un compte CARPA du 3 février 2015. En revanche, elle ne produit pas de justificatif probant s'agissant du règlement des frais d'enregistrement et de publicité s'élevant à 222 euros pour lequel seul un règlement CARPA sans justificatif d'objet est produit. Par suite, le montant de la variation de stock pour l'exercice 2016 doit être rehaussé de 6 930 euros.

11. Il résulte de ce qui précède que la société GCRI est fondée à solliciter le rehaussement des frais d'acquisition des immeubles à hauteur de 5 480 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et de 6 930 euros au titre de l'exercice clos en 2016.

En ce qui concerne les charges :

12. En premier lieu, la société requérante justifie de l'existence de l'ouverture d'une ligne de crédit de 500 000 euros par un contrat sous seing privé signé le 13 septembre 2013 et s'être acquittée des frais financiers de 2 381,50 euros en 2014 dans le cadre de ce contrat.

13. En deuxième lieu, elle justifie avoir réglé 545,53 euros, débités le 2 janvier 2014 de son compte bancaire, correspondant à des charges de copropriété de son immeuble à Vincennes, ainsi que le démontre l'appel de charges du 7 avril 2014 produit. Elle n'établit pas en revanche s'être acquittée de 1 053,10 euros au même titre et n'est pas plus fondée à demander la déduction, au titre de charges, du remboursement de caution d'un locataire d'un montant de 1 549,58, dont elle ne justifie pas et dont, en tout état de cause, l'encaissement ne constituait pas un produit.

14. En dernier lieu, il est constant qu'elle s'est acquittée d'un montant total de 925 euros de taxes foncières, charges déductibles de son résultat au titre de l'exercice clos en 2014, ainsi que l'admet le ministre en défense. Toutefois, contrairement à ce qu'il indique, il y a lieu de déduire ce montant, de même que ceux de 2 381,50 euros et de 545,53 euros mentionné aux points 12. et 13., du résultat imposable de l'exercice 2015, par imputation du déficit de l'exercice 2014 augmenté à due concurrence.

15. Il résulte de ce qui précède que la société GCRI est fondée à obtenir la réduction de son bénéfice imposable de l'exercice clos en 2015, pour un montant complémentaire de 3 852 euros.

Sur l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

16. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " et aux termes de l'article 1759 de ce code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ".

17. Il résulte de l'instruction que les bénéfices de la société n'ont été ni mis en réserve, ni incorporés à son capital à hauteur de ses résultats rectifiés, et que la société requérante n'a pas répondu à la demande de désignation des bénéficiaires des sommes regardées comme distribuées que lui a adressée l'administration. Par suite, en application des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, l'administration était en droit de soumettre la société GCRI à une amende de 100 % des revenus considérés comme distribués.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société GCRI est seulement fondée à obtenir que sa base imposable à l'impôt sur les sociétés soit réduite de 9 332 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et de 6 930 euros au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que la décharge, en droits, pénalités et amendes de l'article 1759, des impositions correspondantes. Pour le surplus, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

DECIDE :

Article 1er : La base imposable de la société GCRI à l'impôt sur les sociétés est réduite de 9 332 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et de 6 930 euros au titre de l'exercice clos en 2016.

Article 2 : La société GCRI est déchargée, en droits, pénalités et amendes de l'article 1759, de l'impôt sur les sociétés mis à sa charge, en conséquence de la réduction des bases d'imposition prononcée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 1902325/2-1 du 9 février 2021 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société GCRI la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société GCRI et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le rapporteur,

E. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01807


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01807
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CONTAT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-16;21pa01807 ?
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