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14/12/2022 | FRANCE | N°22PA03886

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 14 décembre 2022, 22PA03886


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

En premier lieu, M. F... C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2211071 du 8 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a admis M. C... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du préfet de police du 4 mai 2022, a enjoint au préfet de police de procéder au réexame

n de la situation de M. C... A... dans un délai de quinze jours et a mis à la charge de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

En premier lieu, M. F... C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2211071 du 8 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a admis M. C... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du préfet de police du 4 mai 2022, a enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. C... A... dans un délai de quinze jours et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. C... A... ou à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance.

En second lieu, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le préfet de police a de nouveau décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2214127 du 29 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 17 juin 2022, a enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. C... A... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. C... A... ou à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 29 juin 2022 sous le n° 22PA02974, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris du 8 juin 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013, dès lors que la brochure A intitulée : " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " lui a bien été remise, et que ce n'est que suite à une erreur purement matérielle que l'étiquette apposée sur la page de garde de cette brochure A correspond à celle du guide de

demandeur d'asile, également remis le même jour au requérant contre signature ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. C... A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête enregistrée le 19 août 2022 sous le n° 22PA03886, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris du 29 juillet 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que la brochure A intitulée : " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " lui a bien été remise, dès le 25 février 2021, et que ce n'est que suite à une erreur purement matérielle que l'étiquette apposée sur la page de garde de cette brochure A correspond à celle du guide de demandeur d'asile, également remis le même jour au requérant contre signature ; en tout état de cause, M. C... A..., qui a été reçu de nouveau en préfecture le 10 juin 2022, en exécution du premier jugement du tribunal en date du 8 juin 2022 annulant un premier arrêté de transfert du 4 mai 2022, s'est vu de nouveau remettre les brochures A et B, éditées en arabe ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. C... A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé M. Perroy, rapporteur public désigné en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., né le 1er janvier 1997 au Darfour (Soudan), a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Après avoir été informé par le ministère de l'intérieur de ce que le relevé de ses empreintes avait révélé que M. C... A... avait présenté une demande d'asile en Italie, le 24 novembre 2021, le préfet de police a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ayant expressément accepté, le 8 avril 2022, de reprendre en charge M. C... A..., le préfet de police a décidé le transfert de celui-ci par un arrêté du 4 mai 2022. Par un jugement du 8 juin 2022 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 mai 2022 et a enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. C... A.... Par un arrêté du 17 juin 2022, le préfet de police a de nouveau décidé le transfert de ce dernier en Italie. Le préfet de police relève régulièrement appel, d'une part, du jugement du 8 juin 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 mai 2022 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. C... A... dans un délai de quinze jours et, d'autre part, du jugement du 29 juillet 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 juin 2022 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. C... A... dans un délai de quinze jours.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées nos 22PA02974 et 22PA03886, présentées par le préfet de police, concernent la situation d'une même personne et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 22PA03886 :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

3. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Pour annuler l'arrêté du 17 juin 2022 du préfet de police, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a jugé que le préfet de police n'établit pas avoir remis à M. C... A... la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ". Toutefois, le préfet de police produit, pour la première fois en appel, les éléments établissant que M. C... A... s'est vu remettre en temps utile, le 10 juin 2022, la brochure " A " ainsi que la brochure " B ", intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ", en langue arabe qu'il a déclaré comprendre, et que ces documents étaient complets. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. C... A... :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-00263 en date du 18 mars 2022, régulièrement publié le 25 mars 2022 au Bulletin officiel de la Ville de Paris, le préfet de police a donné délégation à M. B... D..., attaché d'administration de l'Etat, signataire de l'arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

8. L'arrêté litigieux, après avoir visé le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, mentionne les éléments de fait de la situation de M. C... A..., en rappelant notamment que le relevé de ses empreintes a révélé qu'il avait irrégulièrement franchi la frontière italienne et en indiquant que les autorités italiennes ont fait connaître leur accord pour prendre en charge l'intéressé, en application de l'article 18 (1) (b) de ce règlement. Cette mention est suffisante pour permettre à M. C... A..., le cas échéant, de contester utilement la compétence de l'Italie au regard des critères fixés par le règlement. L'arrêté précise également que M. C... A... ne relève pas des clauses dérogatoires des articles 3-2 et 17 du règlement, qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale, et enfin qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. Cet arrêté satisfait ainsi aux exigences de motivation résultant des dispositions citées ci-dessus.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C... A... a bénéficié d'un entretien individuel mené dans les locaux de la préfecture de police, le 10 juin 2022. Le résumé de cet entretien, établi le jour même et versé au dossier par le préfet, sur lequel est apposé la signature de M. C... A... et le cachet de la préfecture, mentionne que l'entretien a été mené par un agent du 12ème bureau de la délégation à l'immigration de la préfecture de police, ce qui est suffisant pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national. En effet, aucun principe ni aucune disposition légale ou réglementaire n'impose la mention, sur le résumé de l'entretien individuel prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. En vertu des dispositions combinées des dispositions alors codifiées aux articles L. 741-1 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat, le préfet de police était compétent pour enregistrer la demande d'asile de M. C... A... et procéder à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande. Dans ces conditions, les services du préfet de police, et en particulier les agents recevant les étrangers, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement du 26 juin 2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Par ailleurs, M. C... A... ne saurait se plaindre de ce que la durée de l'entretien n'est pas précisée dans le compte rendu. S'il fait valoir que ce compte rendu ne fait pas mention de la possibilité de le relire avant de le signer, il n'établit pas avoir été privé de cette possibilité. Il n'établit pas davantage que lui-même et son Conseil auraient été empêchés d'en avoir communication en temps utile.

11. D'autre part, il n'est pas contesté que M. C... A... a bénéficié lors de son entretien individuel, ainsi que le permettent les dispositions citées ci-dessus, des services d'un interprète en langue arabe, qu'il a déclaré comprendre, provenant de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles l'entretien s'est déroulé auraient privé M. C... A... de la possibilité de faire valoir toute observation utile ou n'auraient pas permis d'en assurer la confidentialité.

12. En quatrième lieu, l'ensemble des règles applicables aux décisions de transfert sont entièrement déterminées par l'article 5 du règlement n° 604/2013 ainsi que par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ne peuvent donc être utilement invoquées à l'encontre d'une telle décision. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté comme inopérant. En tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 11 que M. C... A... a bénéficié d'un entretien individuel et qu'il a pu faire valoir ses observations.

13. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a saisi les autorités italiennes, le 28 mars 2022, et qu'il a obtenu leur accord pour la reprise en charge de M. C... A... le 8 avril 2022. Le moyen tiré d'une méconnaissance des articles 24 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'Etat membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'Etat membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise en œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable. (...) ".

15. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté comme inopérant dès lors qu'il ne concerne pas la légalité de l'arrêté en litige, les conditions de notification de l'arrêté préfectoral portant remise aux autorités italiennes étant en elles-mêmes sans influence sur sa légalité.

16. En septième lieu, aux termes de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. Par ailleurs, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". L'article 17 du règlement prévoit que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

18. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

19. Si M. C... A... invoque le " durcissement de la politique migratoire italienne ", en citant des propos tenus par le ministre de l'intérieur italien au printemps 2018 et repris par la presse et des extraits de rapports de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés de 2019, 2020 et 2021, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il y aurait de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Italie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs. Il ne produit par ailleurs aucun élément propre à sa situation personnelle, de nature à établir les craintes dont il fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre. Enfin et en tout état de cause, il ne fait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait personnellement exposé à des risques en cas de retour au Soudan. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 2 de l'article 3 et de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ne peuvent qu'être écartés.

20. En dernier lieu, M. C... A... se prévaut de la présence en France de son frère, qui bénéficie du statut de réfugié. Toutefois, eu égard notamment au caractère très récent de son arrivée sur le territoire français, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en décidant son transfert en Italie.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 juin 2022, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. C... A... dans un délai de quinze jours et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. C... A... ou à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande présentée par M. C... A... au tribunal administratif de Paris.

Sur la requête n° 22PA02974 :

22. Compte tenu de ce qui précède, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 22PA02974 par laquelle le préfet de police demande l'annulation du jugement du 8 juin 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ayant annulé son arrêté du 4 mai 2022.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n°2214127 du 29 juillet 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. C... A... devant le tribunal administratif de Paris sous le n°2214127 est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22PA02974.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et de l'Outre-mer et à M. F... C... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 14 décembre 2022.

La rapporteure,

C. E... La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s22PA03886, 22PA02974

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03886
Date de la décision : 14/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: M. PERROY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-14;22pa03886 ?
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