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14/12/2022 | FRANCE | N°22PA00827

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 14 décembre 2022, 22PA00827


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter dans un délai de trente jours le territoire français en désignant le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2011716 du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

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Par une requête, enregistrée le 22 février 2022, et deux mémoires aux fins de production...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter dans un délai de trente jours le territoire français en désignant le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2011716 du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2022, et deux mémoires aux fins de production de pièces enregistrés les 8 mars et 8 novembre 2022, ce second mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Azoulay-Cadoch, demande à la Cour :

1°) d'annuler jugement n° 2011716 du 10 janvier 2022, ensemble l'arrêté du 29 septembre 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois en lui délivrant, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas justifié que le signataire de l'arrêté attaqué était compétent pour ce faire ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne trouvait pas à s'appliquer en ce qui concerne la délivrance d'un titre de séjour salarié ;

- la substitution de base légale à laquelle le tribunal a procédé d'office l'a privé d'une garantie ;

- le refus de séjour a été adopté en méconnaissance des articles L. 111-2, L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- il a également été adopté en méconnaissance des articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 28 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 novembre 2022 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a, sur sa proposition, dispensé M. Aggiouri, rapporteur public désigné en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les observations de Me Potier représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 9 août 1970, a sollicité le 27 juin 2018 son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 29 septembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement n° 2011716 du 10 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-1618 du 31 juillet 2020, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. F..., chef du bureau de l'accueil et de l'admission au séjour, en vue d'exercer, pour l'ensemble des attributions relevant de son bureau, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme E... A..., directrice des migrations et de l'intégration, la délégation accordée à cette dernière par l'arrêté préfectoral n° 2020-1515 du 31 juillet 2020, afin de signer notamment des décisions refusant un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que ces personnes n'auraient pas été absentes ou empêchées à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.

3. En deuxième lieu, M. B... reprend en appel le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Montreuil au point 3 du jugement.

4. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce code s'applique sous réserve des conventions internationales. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) ".

5. D'une part, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 et à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié en vertu des dispositions de l'article 3 de l'accord. Il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont substitué à la base légale erronée constituée par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile celle tirée du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non, à titre exceptionnel, la situation d'un étranger, dès lors que cette substitution de base légale n'a eu pour effet, contrairement à ce que M. B... soutient, de le priver d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que c'est à tort que le tribunal a procédé à une substitution de base légale ne peut qu'être écarté.

6. D'autre part, si M. B... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, il ne produit ni contrat de travail visé ni certificat médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en sorte qu'il n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que ces stipulations ont été méconnues.

7. Enfin, à supposer que l'appelant conteste également l'usage que le préfet a fait de son pouvoir discrétionnaire, il se borne à faire valoir une promesse d'embauche en qualité d'agent de propreté dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et à se prévaloir d'une présence de plus de dix ans sur le sol français et des liens qui l'unissent aux membres de sa fratrie. Or les justificatifs probants versés aux débats depuis l'année 2010, constitués pour l'essentiel de documents médicaux, ne font état d'aucune intégration professionnelle cependant qu'il est constant que M. B... est célibataire et sans charge de famille en France, et qu'il n'établit pas l'intensité des liens qui l'attachent à ses frères et sœurs vivant en France. Par suite, en considérant que la promesse d'embauche susmentionnée ne constituait pas, dans les circonstances de l'espèce, un motif exceptionnel de régularisation du séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation. Si M. B... fait par ailleurs valoir qu'il n'a pas été mis à même de produire le formulaire Cerfa lors de son audition devant la commission du titre de séjour, il ne ressort en tout état de cause pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet, qui n'était du reste pas en compétence liée, se serait fondé sur cette circonstance pour apprécier son expérience, sa qualification et ses perspectives d'insertion professionnelle.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractionspénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertésd'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

9. Si M. B..., né en 1970, soutient être entré sur le territoire national, selon ses déclarations, en 2003, âgé de 33 ans, il ne justifie toutefois du caractère habituel de sa présence sur le territoire national qu'à compter de l'année 2010. Il est par ailleurs, ainsi que rappelé au point 7, célibataire et sans charge de famille et il ne fait état d'aucune circonstance qui justifierait le maintien de sa présence sur le sol national. Par suite, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. B... ne peut par ailleurs utilement invoquer les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas présenté sa demande sur ce fondement.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 29 septembre 2020. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 décembre 2022.

Le rapporteur,

G. C...

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA0082702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00827
Date de la décision : 14/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: M. AGGIOURI
Avocat(s) : AZOULAY-CADOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-14;22pa00827 ?
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