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14/12/2022 | FRANCE | N°21PA04071

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 14 décembre 2022, 21PA04071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1801028 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. et Mme F....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2021, M. et Mme F..., représentés par Me Cossin, de

mandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801028 du 3 juin 2021 du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1801028 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. et Mme F....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2021, M. et Mme F..., représentés par Me Cossin, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801028 du 3 juin 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées.

Ils soutiennent que :

- l'administration fiscale n'a pas apporté la preuve de leur appréhension des revenus distribués ;

- l'administration fiscale n'a pas mis en œuvre la procédure prévue par l'article 117 du code général des impôts ;

- elle n'établit pas que la société Pioneer Kings Ltd serait une société fictive ;

- l'administration n'établit pas que les achats facturés par la société Pioneer Kings Ltd correspondraient à des livraisons fictives ;

- ils ne sont ni associés ni dirigeants de la société Eurocif ou de la société Pioneer Kings Ltd ;

- l'administration fiscale aurait dû fonder les rehaussements mis à leur charge au titre de l'année 2010 sur un abus de droit ;

- ils ont été privés de la possibilité de saisir le comité de répression des abus de droit ;

- l'administration fiscale a méconnu la doctrine référencée D. adm. 13 L-153, reprise au BOI-CF-IOR-30 ;

- elle a méconnu les principes énoncés à l'article 12 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par un courrier du 16 novembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que l'administration a, à tort, fait application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales assises sur les revenus considérés comme distribués.

Par un mémoire enregistré le 21 novembre 2022, présenté en réponse au courrier du 16 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique indique que la base d'imposition aux contributions sociales de M. F... au titre de l'année 2010 a été ramenée à 863 650 euros, l'avis de dégrèvement correspondant étant produit le 22 novembre 2022.

Par un courrier du 24 novembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions en décharge présentées par M. et Mme F... à concurrence du dégrèvement partiel des cotisations supplémentaires de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, prononcé par l'administration fiscale en cours d'instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- et le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... ;

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public désigné en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La société Eurocif a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, dans le cadre de laquelle l'administration fiscale a notamment relevé que cette société avait viré des sommes s'élevant à 863 500 euros à l'attention de la société Pioneer Kings Ltd. A l'issue du contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme F..., l'administration fiscale a estimé qu'ils avaient été les bénéficiaires effectifs de ces sommes, et qu'ils avaient ainsi perçu des revenus distribués, qu'elle a, selon la procédure de rectification contradictoire, imposés entre leurs mains sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. M. et Mme F... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi mises à leur charge.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 22 novembre 2022, postérieure à l'introduction de la requête, la direction départementale des finances publiques de Seine-et-Marne a prononcé un dégrèvement des cotisations supplémentaires de contributions sociales en litige d'un montant de 26 558 euros en droits et de 24 434 euros en pénalités. A concurrence de ce dégrèvement, les conclusions aux fins de décharge présentées par M. et Mme F... sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le surplus des conclusions en décharge :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / [...] / c. Les rémunérations et avantages occultes [...] ".

4. L'administration fiscale fait valoir que, au cours de la vérification de comptabilité de la société Eurocif, elle a, dans le cadre de son droit de communication auprès du tribunal de grande instance de Paris, obtenu les pièces du dossier pénal dans lequel cette société était mise en cause, et dont il ressort qu'elle avait été bénéficiaire, entre le 15 mars 2010 et le 15 avril 2010, de plusieurs virements frauduleux commis au préjudice de la société d'aménagement et d'équipement de la région parisienne (SAERP), pour un montant total net de 909 604 euros. Elle relève ensuite que la société Eurocif avait procédé à plusieurs virements bancaires au profit de la société Pioneer Kings Ltd, pour un montant total de 863 650 euros, par quatre virements effectués respectivement le 18 février 2010, le 18 mars 2010, le 23 mars 2010 et le 26 mars 2010. Le service indique que pour justifier, auprès d'un établissement bancaire, les virements effectués au profit de la société Pioneer Kings Ltd, la société Eurocif avait présenté une facture d'un montant total de 820 650 euros ayant pour objet l'achat de matériel de télésurveillance, d'éclairage et l'achat de panneaux solaires, sur lequel figure le nom de Mme D... C..., désigné comme contact de la société Eurocif, alors que cette société ne déclare et n'emploie aucun salarié. Le service relève également que ce nom, qui apparaissait également, assorti de la mention " directrice commerciale d'Eurocif ", sur un courrier de " réception des marchandises ", a été qualifié d'identité fictive par le gérant de la société Eurocif lors de son audition par les services de police le 20 mai 2010, ce dernier précisant également, au cours de son audition du 6 septembre 2010, qu'il " [n'avait] jamais vu cette marchandise et qu'elle [n'avait] pas été livrée ". Le service ajoute qu'une autre personne interrogée, ayant déclaré rédiger des factures pour la société Eurocif, a déclaré, lors de ses auditions du 15 juillet 2010 et du 20 septembre 2010, d'une part, " qu'[il] ne [pouvait] pas savoir s'il s'agissait de vraies ou de fausses factures ", et d'autre part, que le matériel mentionné sur la facture en cause n'avait jamais été livré. De plus, l'administration fiscale indique que la société Pioneer Kings Ltd a été créée en juillet 2001 au nom de Mme B... A... épouse F..., que les numéros de téléphone portable de M. et Mme F... ont alors été transmis, et que l'adresse de correspondance alors indiquée, au 21 allée Jacques Tati à Joinville-le-Pont, correspondait à l'adresse personnelle de M. et Mme F..., les deux sièges sociaux déclarés se trouvant par ailleurs, pour l'un, à Hong-Kong, et pour l'autre 14 rue Mario Capra à Vitry-sur-Seine, adresse à laquelle M. et Mme F... étaient propriétaires d'un logement, et à laquelle se trouvait une boîte aux lettres sur laquelle étaient inscrites à la fois les mentions " F... A... " et " Pioneer King ". Elle relève également que M. F... était gérant et associé, à hauteur de 20 %, de la société civile immobilière Pioneer Kings, possédant une dénomination sociale très proche de celle de la société Pioneer Kings Ltd, laquelle détenait elle-même 60 % du capital de la société Pioneer Kings. Enfin, l'administration fiscale fait valoir que le gérant de la société Eurocif a indiqué lors de son audition par les services de police le 20 mai 2010, qu'un " certain Lec, PDG de la société Microconcept, sise rue Daumesnil à Paris, était propriétaire de la société Pioneer à Hong Kong ".

5. Les requérants soutiennent qu'ils n'étaient ni associés, ni dirigeants de la société Eurocif ou de la société Pioneer Kings Ltd, que Mme F... a créé la société Pioneer Kings Ltd en 2001 " pour le compte " d'un tiers, et que l'inscription " Pioneer King ", figurant sur la boîte aux lettres du logement sis 14 rue Mario Capra à Vitry-sur-Seine, faisait référence, non pas à la société Pioneer Kings Ltd, mais à la SCI Pioneer Kings dont M. F... était gérant et associé, à hauteur de 20 %. Toutefois, il n'est pas contesté que l'adresse de correspondance indiquée lors de la création de la société Pioneer Kings Ltd correspondait à l'adresse personnelle de M. et Mme F..., 21 allée Jacques Tati, à Joinville-le-Pont, que leurs numéros de téléphone portable avaient alors été transmis, et que l'un des deux sièges sociaux déclarés se trouvait 14 rue Mario Capra à Vitry-sur-Seine, adresse à laquelle M. et Mme F... étaient propriétaires d'un logement. Par ailleurs, la circonstance que l'administration fiscale n'a pas établi que la société Pioneer Kings Ltd n'avait développé aucune activité effective est en l'espèce sans incidence, les éléments relevés par le service, mentionnés au point précédent, permettant d'établir, contrairement à ce que soutiennent les requérants, que la société Pioneer Kings Ltd a perçu la somme totale nette de 863 500 euros en provenance de la société Eurocif, que ce versement rémunérait des livraisons fictives, et que M. et Mme F..., dont l'administration fiscale a démontré les liens avec la société Pioneer Kings Ltd, en ont nécessairement été les bénéficiaires effectifs. Dans ces conditions, M. et Mme F... ne remettent pas utilement en cause les recoupements effectués par l'administration fiscale, qui établissent qu'ils ont bien perçu la somme de 863 500 euros au titre de l'année 2010. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration fiscale, qui n'était pas tenue de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article 117 du code général des impôts, et n'a pas méconnu le principe d'annualité de l'impôt fixé par l'article 12 du code général des impôts, a regardé la somme de 863 650 euros comme un avantage occulte entrant dans le champ d'application du c. de l'article 111 du code général des impôts et l'a imposée sur ce fondement, entre les mains de M. et Mme F..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité ".

7. M. et Mme F... soutiennent que l'administration fiscale aurait dû fonder les rehaussements mis à leur charge au titre de l'année 2010 sur un abus de droit et qu'elle aurait dû, pour ce faire, avoir recours à la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Toutefois, l'administration fiscale, qui, en particulier, n'a pas considéré la société Pioneer Kings Ltd comme étant " fictive ", n'était nullement tenue, en l'espèce, d'avoir recours à la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, ni par ailleurs, et dès lors qu'elle a pu notifier à bon droit les impositions en litige selon la procédure de rectification contradictoire, d'informer M. et Mme F... du droit de saisir le comité de l'abus de droit fiscal prévu à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. M. et Mme F... ne sont pas fondés à se prévaloir de la doctrine référencée D. adm. 13 L-153, reprise au BOI-CF-IOR-30, dès lors qu'elle ne donne pas de la loi fiscale, dans les extraits qu'ils citent, une interprétation différente de celle dont il a été fait application.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de leurs conclusions en décharge.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme F... portant sur les cotisations supplémentaires de contributions sociales à concurrence du dégrèvement, au titre de l'année 2010, d'un montant de 26 558 euros en droits et de 24 434 euros en pénalités, prononcé le 22 novembre 2022 par la direction départementale des finances publiques de Seine-et-Marne.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme F... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, où siégeaient :

- Mme Vinot, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 décembre 2022.

Le rapporteur,

K. E...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04071
Date de la décision : 14/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : COSSIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-14;21pa04071 ?
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