La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2022 | FRANCE | N°21PA04164

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 12 décembre 2022, 21PA04164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) Online International a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, mis à sa charge au titre de l'exercice 2012.

Le directeur régional des finances publiques de la région Île-de-France et de Paris a transmis au tribunal administratif d

e Paris, sur le fondement de l'article R. 199-1, 3ème alinéa du livre des procédures fisc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) Online International a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, mis à sa charge au titre de l'exercice 2012.

Le directeur régional des finances publiques de la région Île-de-France et de Paris a transmis au tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article R. 199-1, 3ème alinéa du livre des procédures fiscales, la réclamation de la SAS Online International du 23 septembre 2019 tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, mis à sa charge au titre des exercices 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1920348, 2009657 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la SAS Online International.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet 2021 et 8 novembre 2022, la SAS Online International, représentée par Me Adda et Me Dalmasso, avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1920348, 2009657 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités correspondantes, ainsi que des amendes prévues à l'article 1759 du code général des impôts, mis à sa charge au titre des exercices 2012, 2013 et 2014, ou à défaut, d'en réduire le montant ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et les pénalités que :

- le jugement entrepris est entaché d'erreur de droit ;

- la proposition de redressement portant sur l'année 2012 n'est pas suffisamment motivée ;

- la procédure de taxation d'office pour l'année 2014 est irrégulière ;

- le taux de charges sur les trois années doit être fixé à 95 % ;

- le taux de charges de 70 % retenu pour l'exercice 2012 doit s'appliquer sur le chiffre d'affaire rectifié par l'administration ;

- ce taux doit également s'appliquer à l'exercice 2013, l'administration étant liée par l'interprétation formelle de la loi fiscale qu'elle a exprimée pour l'exercice 2012 ;

- les factures de sous-traitance présentes pour l'année 2014, concernant la société Cybershop, doivent être admises en déduction du résultat imposable de l'exercice.

Par un mémoire, enregistré le 4 juillet 2022, et une pièce, enregistrée le 16 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à concurrence de la somme globale de 7 466 euros en droits et pénalités au titre de l'impôt sur les sociétés de l'exercice 2012, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Online International, qui exerce une activité de cyber café, de vente de téléphones portables, d'accessoires et de cartes téléphoniques, de change et de transfert d'argent, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, étendue, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, jusqu'au 31 juillet 2015. Elle demande à la Cour l'annulation du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes dirigées contre les impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et les pénalités correspondantes, consécutifs à la réintégration de charges déduites au cours des exercices 2012, 2013 et 2014, ainsi que les amendes qui lui ont été infligées en vertu de l'article 1759 du code général des impôts, et la décharge desdites impositions, pénalités et amendes.

Sur l'étendue du litige :

2. En cours d'instance, l'administration a procédé au dégrèvement d'un montant de 7 466 euros en droits et pénalités au titre de l'exercice 2012. Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dans la limite de ce dégrèvement.

Sur le surplus des conclusions aux fins de décharge :

3. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la SAS Online International ne peut utilement soutenir que le jugement entrepris est entaché d'erreur de droit pour en obtenir l'annulation.

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ".

5. La proposition de rectification adressée à la SAS Online International le 21 décembre 2015, qui comportait la désignation des impôts concernés et de l'exercice d'imposition, rappelait les bases du redressement en litige, les dispositions applicables, et les motifs ayant conduit l'administration à ne pas admettre de charges déductibles au titre de l'exercice 2012, en l'absence de tout justificatif, référence étant faite au procès-verbal de rejet de comptabilité. Elle mentionnait en outre que, par souci de réalisme et par mesure de bienveillance, le service admettait toutefois de retenir, dans un souci de réalisme économique, 150 139 euros de charges représentant 70 % du chiffre d'affaires déclaré, destinés à couvrir les achats, les frais administratifs, les frais de transport et de sous-traitance, ainsi que les salaires et charges sociales. La proposition de rectification a ainsi mis le contribuable à même de contester le principe et le montant de la réintégration des charges déduites, selon les voies de droit que la société requérante a pu au demeurant exercer. Le moyen tenant au défaut de motivation de la proposition de redressement pour l'exercice 2012 doit ainsi être écarté.

6. La circonstance, à la supposer établie, que la taxation d'office décidée au titre de l'exercice 2014 serait irrégulière, faute d'avoir été précédé d'une mise en demeure, n'a, en tout état de cause, d'effet que sur la charge de la preuve.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

7. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...). ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

8. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

9. En premier lieu, la SAS Online International soutient que l'administration devait appliquer, aux recettes retenues pour déterminer ses bénéfices taxables, un taux de déduction de 95 % sur les trois années d'imposition. Toutefois, d'une part, si l'administration a appliqué un taux forfaitaire de 70 % représentatif des charges déductibles au chiffre d'affaires de l'exercice 2012, en l'absence de tout justificatif, elle a admis en déduction les charges reconnues justifiées au titre des exercices 2013 et 2014. La société requérante ne justifie pas du caractère déductible des charges réintégrées en se bornant à revendiquer l'application d'un taux forfaitaire. D'autre part, en ce qui concerne l'exercice 2012, il résulte de l'instruction que la SAS Online International a déclaré 214 485 euros de charges déductibles sans être en mesure de produire un quelconque justificatif permettant d'établir la correction des écritures comptables. L'administration, qui a établi le 12 novembre 2015 un procès-verbal pour comptabilité non probante, et pouvait écarter toutes les charges déduites, a, par mesure de bienveillance et souci de réalisme admis, un montant de 150 139 euros, représentant 70 % des recettes déclarées, sans avoir besoin de prendre un chiffre d'affaires de référence. Si, à cet égard, la société soutient que le taux de 95 % devrait être retenu par référence à la pratique de trois sociétés présentées comme comparables, il résulte de l'instruction, en tout état de cause, que ces sociétés exercent des activités non comparables à celles de la SAS Online International.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...). ". L'article L. 80 B du même livre dispose : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...). ".

11. La SAS Online International entend se prévaloir, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la prise de position formelle de l'administration qui, par la proposition de rectification du 21 décembre 2015, a admis un taux de charges de 70 % en déduction du résultat " des exercices clos les 31/12/2012 et 31/12/2013 ". Toutefois, d'une part, en retenant un taux de charges forfaitaire de 70 % à titre de tempérament, en l'absence de toute justification du caractère déductible de ces charges, alors que, s'agissant des exercices 2013 et 2014, l'administration a fondé ses redressements sur un défaut de justification de certaines charges précisément identifiées, l'administration ne saurait avoir formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait identique. D'autre part, eu égard aux mentions claires de la proposition de rectification du 21 décembre 2015, dont il ressort qu'elle concerne " la période du 01/01/2012 au 31/12/2012 " et que " les autres périodes seront susceptibles de faire l'objet d'une proposition ultérieure ", la mention d'un taux de déduction de charges de 70 % pour l'exercice 2013 revêt le caractère d'une erreur de plume sans incidence sur l'existence d'une prise de position de l'administration. La SAS Online International n'est donc pas fondée à se prévaloir d'une interprétation formelle de l'administration en sa faveur, sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, pour demander la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice 2013.

12. La société Online International soutient, en troisième lieu, que l'administration devait admettre les frais de sous-traitance d'opérations de transfert d'argent réalisée par la société Cybershop, au profit de la société RIA, inscrits en déduction du résultat de l'exercice 2014. Si la société requérante produit le contrat de sous-traitance en cause, ainsi que les statuts de la société Cybershop et les factures correspondantes, il résulte de l'instruction que cette société a déclaré ne commencer ses activités que le 14 novembre 2014 et que le transfert d'argent, objet de la sous-traitance, ne figure pas dans l'objet social de cet organisme. De plus, cette société, qui n'avait pas de salarié avant l'année 2016 et ne disposait pas de compte bancaire, disposait d'un local pour transfert d'argent répertorié sous l'enseigne Online International et non Cybershop. Par suite, la SAS Online International ne justifie pas que ces frais de sous-traitance devaient être admis en déduction de son bénéfice taxable au titre de l'exercice 2014.

En ce qui concerne les amendes prévues à l'article 1759 du code général des impôts :

13. Les conclusions aux fins de décharge des amendes prévues à l'article 1759 du code général des impôts ne sont assorties d'aucun moyen. Elles doivent donc être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'administration, que la SAS Online International n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris, par le jugement entrepris, a rejeté ses demandes. Ses conclusions dirigées contre ce jugement et celles tendant à la décharge des impositions et amendes en litige doivent dès lors être rejetées, ainsi que celles tendant à l'attribution des frais de l'instance non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de décharge de la requête, au titre de l'impôt sur les sociétés de l'exercice 2012, dans la limite de la somme globale de 7 466 euros en droits et pénalités.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Online International est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par action simplifiée (SAS) Online International et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 12 décembre 2022.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04164
Date de la décision : 12/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : ADDA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-12;21pa04164 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award