La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2022 | FRANCE | N°21PA03891

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 12 décembre 2022, 21PA03891


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 7 août 2020 par laquelle le haut-commissaire de la République en Polynésie française a prononcé sa suspension de fonction à titre conservatoire.

Par jugement n° 2000574 du 11 mai 2021 le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet 2021 et 12 avril

2022, M. B..., représenté par Me Millet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000574...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 7 août 2020 par laquelle le haut-commissaire de la République en Polynésie française a prononcé sa suspension de fonction à titre conservatoire.

Par jugement n° 2000574 du 11 mai 2021 le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet 2021 et 12 avril 2022, M. B..., représenté par Me Millet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000574 du tribunal administratif de la Polynésie française en date du 11 mai 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 7 août 2020 du haut-commissaire de la République en Polynésie française prononçant la suspension de ses fonctions à titre conservatoire, ou, à titre subsidiaire, de ne l'annuler qu'en tant qu'elle excède la suspension de son habilitation en matière de procuration ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 190 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'enquête menée par le directeur de la sécurité publique de Papeete est entachée de partialité ;

- il a été entendu dans des conditions irrégulières ;

- aucune faute grave ne peut lui être reprochée compte tenu de la procédure mise en place par le directeur de la sécurité publique pour l'établissement des procurations, et de l'absence de formation reçue ;

- il n'a commis aucune fraude ; aucune altération de volonté des mandants, ou des conditions matérielles ou de fond de présentation des procurations, n'est établie ;

- il a agi dans un contexte d'épidémie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M. B...

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au haut-commissaire de la République en Polynésie française qui, par mémoire enregistré le 21 août 2021, a demandé à ne pas être appelé à la cause.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., gardien de la paix, officier de police judiciaire affecté à la direction de la sécurité publique en Polynésie française, était habilité à authentifier les procurations déposées par les mandants en vue des élections municipales qui ont eu lieu à Papeete le 28 juin 2020. Par arrêté du 7 août 2020, le haut-commissaire de la République en Polynésie française l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, alors en vigueur. M. B... demande régulièrement à la Cour l'annulation du jugement du 11 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande dirigée contre ledit arrêté, ainsi que l'annulation de cet arrêté.

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation pour demander l'annulation du jugement attaqué.

3. Aux termes de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 susvisée : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois / Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions ". La mesure prévue par les dispositions précitées, qui a un caractère conservatoire, s'accompagne d'un maintien du traitement et est exclusivement prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public. Son maintien en vigueur ou sa prorogation sont, en l'absence de poursuites pénales, subordonnés à l'engagement de poursuites disciplinaires dans un délai raisonnable après son édiction.

4. En premier lieu, ni la mesure de suspension, ni l'enquête administrative préalable, ne constituent une sanction disciplinaire, nécessitant la convocation de l'intéressé dans des délais avant toute enquête administrative. Dès lors, M. B... ne peut utilement soutenir que l'enquête administrative interne a méconnu le principe des droits de la défense.

5. En deuxième lieu, la circonstance que le directeur de la sécurité publique, qui a mené personnellement l'enquête concernant les soupçons de fraudes électorales mettant en cause M. B..., est l'autorité qui a arrêté la procédure d'authentification des procurations, dans des conditions estimées contraires au code électoral dans la mesure où elle ne prévoit pas la présence du mandant devant l'officier de police judiciaire au cours de l'authentification, mais seulement fonctionnaire de police chargé de l'accueil des intéressés, n'est pas de nature à entacher cette enquête de partialité. Il n'est pas davantage établi que cette autorité aurait essayé d'intimider le requérant ou des témoins, ou de lui faire subir les conséquences de ses propres erreurs.

6. En troisième lieu, il est reproché à M. B... d'avoir établi, hors la présence des mandants, 293 liasses de procurations, établies au commissariat même par sa sœur, Mme A... B..., candidate sur la liste de M. F... aux élections municipales de Papeete, durant la période du 22 au 25 juin 2020, alors qu'il n'était pas de permanence. Il lui est également reproché d'avoir fait signer 205 procurations, présentées par sa sœur, par d'autres de ses collègues officiers de police judiciaire. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a reconnu, lors de son audition le 27 juillet 2020 dans le cadre de l'enquête administrative, avoir pris en charge lui-même, pour signature, ou demandé à au moins l'un de ses collègues de prendre en charge et de signer, plusieurs dizaines de procurations remplies sur place, en l'absence des mandants, par sa sœur, dont il n'ignorait pas qu'elle était candidate aux élections municipales locales, et dont il a indiqué les coordonnées téléphoniques sur les formulaires d'établissement des procurations. Si M. B... soutient que le témoignage de la collègue chargée d'enregistrer les procurations signées, attestant de la présence de Mme B... au commissariat et de la validation par le requérant des procurations au fur et à mesure de leur présentation, ainsi que des demandes qu'il aurait faites à plusieurs de ses collègues de les signer pour son compte, aurait été déformé, ce témoignage ne remet pas en cause la portée des faits mentionnés ci-dessus, reconnus par le requérant ou relevés sans être contestés dans le rapport de saisine de la commission disciplinaire.

7. En dernier lieu, le contexte lié à l'organisation de la campagne de procurations par la direction de la sécurité publique de Papeete ou à la pandémie de Covid-19, alors au demeurant que la note d'organisation de la campagne de procurations réservait le cas des personnes placées dans l'incapacité de se déplacer au commissariat, l'absence de formation spécifique de M. B... à l'authentification des procurations, et l'absence alléguée d'altération de la volonté des mandants ou des conditions matérielles ou de fond de présentation des procurations, sont sans incidence sur la gravité des faits reprochés à M. B..., qui, tels qu'analysés au point précédent, et eu égard à sa qualité d'officier de police judiciaire investi d'une mission de validation des procurations, ont contribué à une organisation susceptible d'influer sur la sincérité du scrutin, et revêtent dès lors une gravité suffisante pour justifier la mesure de suspension décidée, sans être entachée erreur d'appréciation, le 7 août 2020, par le haut-commissaire de la République en Polynésie française.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 11 mai 2021, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande contre l'arrêté du 7 août 2020. Ses conclusions aux fins d'annulation et celles relatives à l'attribution des frais exposés à l'occasion de l'instance doivent, par suite, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des

outre-mer.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président

- M. Soyez, président assesseur,

- M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 12 décembre 2022.

Le rapporteur,

C. C...Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21PA03891


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03891
Date de la décision : 12/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL MLDC

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-12;21pa03891 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award