Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel il a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2208618/1-1 du 29 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Garcia, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2208618/1-1 du 29 juin 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de mettre fin à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son entier dossier doit être communiqué sur le fondement de l'article L. 641-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :
- les décisions attaquées méconnaissent le droit à être entendu et le caractère contradictoire de la procédure en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne au sens de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, de l'article 6 § 3 du Traité de l'UE, de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 5 novembre 2014 dès lors que l'arrêté a été pris sans qu'il soit auditionné sur son droit au séjour et mis en mesure de présenter ses observations de manière utile et effective ;
- elles méconnaissent le droit d'être assisté par un avocat ;
- elles sont intervenues sans examen de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle est illégale en l'absence de caractérisation d'un risque de fuite et méconnait la directive 2008/115/CE du 17 décembre 2008 ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 octobre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 16 novembre 1984, est entré en France le 31 mai 2012 selon ses déclarations. Le 27 août 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par arrêté du 11 avril 2022, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et, par un arrêté du même jour, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. M. B... relève appel du jugement du 29 juin 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions tendant à la production par l'administration de l'entier dossier de M. B... :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. L'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-7, notifiée postérieurement à la décision portant obligation de quitter le territoire français, peut être contestée dans les mêmes conditions. (...) L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. (...) ".
3. M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il n'est pas recevable à demander la communication de son dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :
4. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Enfin, aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".
5. Le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, se définit comme celui de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Toutefois, ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
6. Si M. B... soutient que son droit à être entendu a été méconnu, un tel droit implique seulement que l'intéressé soit mis en mesure de présenter spontanément des observations écrites sans qu'il soit nécessaire pour le préfet de l'inviter spécifiquement à formuler de telles observations.
7. En l'espèce, il ressort du procès-verbal d'audition du 11 avril 2022 par les services de police que M. B... a pu présenter des observations sur la légalité de son séjour et sur sa situation personnelle. Il a notamment été interrogé sur les raisons de son départ hors de son pays d'origine et son parcours, sur sa situation personnelle et familiale ainsi que sur sa situation administrative au regard des règles du droit au séjour en France. Quand bien même il n'aurait pas été informé de l'éventualité d'une mesure d'éloignement vers son pays d'origine, M. B... a été à même de présenter de manière utile et effective les éléments pertinents qui auraient pu influer sur la décision de l'autorité préfectorale. En outre, le requérant ne soutient pas avoir des informations qu'il n'aurait pas pu communiquer au préfet et qui auraient pu modifier l'appréciation sur sa situation administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne du droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense et du droit à une bonne administration, doit être écarté.
8. En deuxième lieu, il ressort du procès-verbal du 10 avril 2022 du début de garde à vue de M. B... que celui-ci a été informé de son droit d'être assisté par un avocat. Il suit de là que le moyen tiré de ce que son droit d'être assisté par un avocat aurait été méconnu doit être écarté.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. B... avant de prendre les décisions en litige contenues dans son arrêté du 11 avril 2022 lequel mentionne le précédent refus de délivrance d'un titre de séjour, sa soustraction à l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 27 août 2020, l'absence de garanties de représentation suffisantes, l'existence du risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français, le fait qu'il se déclare célibataire et sans enfant à charge et la circonstance qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier de sa situation ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, l'arrêté du 11 avril 2022 vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier le 3° de l'article L. 611-1 sur le fondement duquel la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8. En outre, l'arrêté attaqué, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, mentionne avec suffisamment de précisions les circonstances de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour décider d'éloigner l'intéressé, et notamment l'ancienneté de son séjour en France et sa situation familiale et professionnelle. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
11. En second lieu, M. B..., célibataire et sans enfant à charge, ne démontre ni l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France, ni la réalité de son intégration alors qu'il n'est pas contesté qu'il n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales en Algérie où résident ses parents ainsi que ses six frères et sœurs. Les pièces produites n'établissent pas davantage l'existence d'une réelle insertion professionnelle en France. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
12. D'une part, aux termes de l'article 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " Aux fins de la présente directive, on entend par : / (...) 7) " risque de fuite " : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) ". Aux termes de l'article 7 de cette directive : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 4. / (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, (...) les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ".
13. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".
14. Il ressort des mentions de la décision contestée que le préfet de police a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire au motif notamment qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement du 27 août 2020. Aucune circonstance particulière de nature à remettre en cause ce risque de fuite n'a en outre été invoquée par M. B.... Par suite, le préfet de police a pu légalement refuser à l'intéressé le bénéfice d'un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
15. Si M. B... soutient que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'assortit ses allégations d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen doit être écarté.
16. Il suit de là qu'aucun des moyens dirigés contre l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel le préfet de police a obligé M. B... à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière n'est fondé.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
18. En premier lieu, dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... n'est pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de son illégalité ne peut qu'être écarté.
19. En deuxième lieu, la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. B... vise notamment les articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet de police a pris en compte, au vu de la situation de l'intéressé, l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées pour fixer la durée de l'interdiction de retour en relevant que l'intéressé, qui allègue être entré en France le 31 mai 2012, célibataire et sans enfant, ne justifie pas de l'ancienneté et d'une intensité suffisante de ses liens personnels et familiaux en France et qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 27 août 2020 à laquelle il s'est soustrait. Ainsi, la décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fonde, est suffisamment motivée.
20. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 11 de la présente décision, le moyen soulevé par le requérant, tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale doit être écarté ainsi que, pour les mêmes considérations, celui tiré de ce qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
La rapporteure,
M-D A...Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22PA03209