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05/12/2022 | FRANCE | N°21PA06272

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 décembre 2022, 21PA06272


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 6 février 2020 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a rejeté sa demande tendant à obtenir la qualification de spécialiste en médecine vasculaire et d'enjoindre au conseil national de l'ordre des médecins de lui accorder le titre de médecin spécialiste en médecine vasculaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de r

etard.

Par un jugement n°2015131/6-1 du 8 octobre 2021, le Tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 6 février 2020 par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a rejeté sa demande tendant à obtenir la qualification de spécialiste en médecine vasculaire et d'enjoindre au conseil national de l'ordre des médecins de lui accorder le titre de médecin spécialiste en médecine vasculaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n°2015131/6-1 du 8 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 décembre 2021, 3 mai, 13 juillet, 21 septembre et 19 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Cycman, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2015131/6-1 du 8 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 6 février 2020 du conseil national de l'ordre des médecins portant rejet de sa demande tendant à obtenir la qualification de spécialiste en médecine vasculaire ;

3°) d'enjoindre au conseil national de l'ordre des médecins de lui accorder le titre de médecin spécialiste en médecine vasculaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des médecins une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige est irrégulière en raison de la composition du conseil national de l'ordre des médecins du fait de différends qu'il a eus avec certains de ses membres qui n'étaient pas impartiaux et d'une situation l'exposant à des conflits d'intérêts ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il souscrit aux conditions fixées par l'article 3 du décret du 19 mars 2004 relatif aux conditions dans lesquelles les docteurs en médecine sont susceptibles d'obtenir une qualification de spécialiste ainsi qu'aux conditions fixées par le syndicat national des médecins vasculaires dont il est membre ; les premiers juges ont commis une erreur en examinant des critères non exigés par les textes, l'article 3 du décret prévoyant une alternative (formation ou expérience professionnelle) ;

- la décision est illégale pour inégalité de traitement dans l'examen de sa demande par rapport aux dossiers d'autres confrères.

Par des mémoires en défense enregistrés les 31 mars et 6 octobre 2022, le conseil national de l'ordre des médecins, représenté par Mes Cayol et Lor, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 31 octobre 2022 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation, notamment son article L. 632-12 ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2004-252 du 19 mars 2004 ;

- l'arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me Savoldelli substituant Me Cycman, avocat de M. B..., et de Me Lor, avocat du conseil national de l'ordre des médecins.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 mars 2018, M. B..., médecin généraliste, a demandé au conseil départemental de l'ordre des médecins de lui décerner la qualification de spécialiste en médecine vasculaire. Sa demande a été rejetée par une décision du 20 février 2019. Le 28 mars suivant, M. B... a saisi le conseil national de l'ordre des médecins d'un recours administratif préalable contre cette décision. Après avis du 18 novembre 2019 de la commission nationale d'appel en médecine vasculaire, le conseil national de l'ordre des médecins a refusé de faire droit à sa demande par une décision du 6 février 2020, notifiée le 22 juillet suivant. Par jugement du 8 octobre 2021, dont M. B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 2 du décret du 19 mars 2004 relatif aux conditions dans lesquelles les docteurs en médecine peuvent obtenir une qualification de spécialiste, pris sur le fondement de l'article L. 632-12 du code de l'éducation : " L'obtention de la qualification de spécialiste (...) relève de la compétence de l'ordre national des médecins. Les décisions sont prises par le conseil départemental de l'ordre après avis d'une commission de qualification constituée par spécialité. Ces décisions sont susceptibles d'appel devant le conseil national, qui statue après avis d'une commission de qualification constituée par spécialité auprès de lui ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Pour obtenir cette qualification de spécialiste, le médecin doit justifier d'une formation et d'une expérience qui lui assurent des compétences équivalentes à celles qui sont requises pour l'obtention du diplôme d'études spécialisées ou du diplôme d'études spécialisées complémentaire de la spécialité sollicitée ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins : " Le médecin dont la qualification a été refusée par une décision du conseil départemental de l'ordre, prise après avis de la commission compétente, peut faire appel de la décision rendue auprès du Conseil national de l'ordre dans le délai de deux mois qui suit la date de notification du refus de qualification ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " Le Conseil national de l'ordre transmet sans délai la demande de qualification à la Commission nationale d'appel (...). / Après avis de la Commission nationale d'appel compétente, le Conseil national de l'ordre confirme ou infirme les décisions susvisées des conseils départementaux (...) ". Enfin, l'article 1er de l'arrêté du 30 juin 2004 portant règlement de qualification des médecins énonce que : " Sont reconnus qualifiés les médecins qui possèdent l'un des documents suivants : / 1. Le diplôme d'études spécialisées ; / 2. Le diplôme d'études spécialisées complémentaire, dit du groupe II qualifiant ; / (...) / A défaut de la possession des documents ci-dessus mentionnés, sont prises en considération les formations et l'expérience dont se prévaut l'intéressé. (...) ".

3. M. B... n'étant pas titulaire du diplôme d'études spécialisées ou du diplôme d'études spécialisées complémentaires en médecine vasculaire, il résulte de ces dispositions que, saisi d'une demande tendant à voir reconnaître la qualification de médecin spécialiste, le conseil national de l'ordre des médecins ne peut y faire droit qu'après s'être assuré que l'intéressé justifie, cumulativement, de la formation et de l'expérience requises, lui assurant des compétences équivalentes à celles qui sont requises pour l'obtention de ces diplômes.

4. En premier lieu, si M. B... invoque l'irrégularité de la composition du conseil national de l'ordre des médecins en raison de différends qu'il aurait eu avec certains de ses membres, lesquels n'étaient pas impartiaux, et une situation l'exposant à des conflits d'intérêts, l'intéressé, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, n'établit pas une telle impartialité en se bornant à produire une attestation, non circonstanciée, faisant état d'une situation de " désaccord avec conflit d'intérêt au sujet de l'organisation des journées de formation médicales " angiologie pratique " l'ayant opposé à un confrère vingt ans plus tôt et à se prévaloir de sa collaboration, au demeurant confraternelle, avec la présidente de la commission nationale d'appel en médecine vasculaire, laquelle n'a pas participé à la délibération du conseil national de l'ordre des médecins.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le conseil national de l'ordre des médecins a refusé d'accorder à M. B... l'autorisation de faire état de la qualité de médecin spécialiste en maladies vasculaires aux motifs que l'intéressé, qualifié en médecine générale depuis 1993, titulaire de la compétence en angéiologie depuis 1983, d'un certificat d'université de pathologie vasculaire de l'université de Tours obtenu en 1984, qui a suivi une formation médicale continue et a participé à l'enseignement de " pathologie veineuse " du diplôme universitaire de petit appareillage et dispositifs pour maintien à domicile de l'université François Rabelais lors des sessions 2013-2014 et 2016-2017 ainsi qu'au diplôme interuniversitaire de " lasers en dermatologie angéiologie et chirurgie réparatrice " de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines pour la session 2007-2008, qui fait état de communications ainsi que de son appartenance au collège français de pathologie vasculaire, à la société française de phlébologie, à la société nord-américaine de phlébologie et à l'association régionale des médecins vasculaires Ouest Parisien, n'établissait pas avoir actualisé ses connaissances, ni avoir suivi des formations en médecine vasculaire organisées par des centres hospitaliers universitaires, ni avoir participé aux congrès et ateliers de formations théoriques et pratiques organisés par la société française de médecine vasculaire ou encore avoir participé à des actions de formation structurée dans la spécialité sollicitée du type développement professionnel continu.

6. La légalité de la décision en litige s'apprécie en fonction des formations suivies par l'intéressé et de l'expérience professionnelle acquise par lui à la date à laquelle cette décision a été prise. Le contrôle du juge sur l'appréciation à laquelle s'est livré le conseil national de l'ordre des médecins est limité à l'erreur manifeste.

7. Outre la formation suivie par M. B... rappelée ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que, concomitamment à l'exercice de son activité libérale, celui-ci a été attaché en angiologie à l'Institut Pasteur de 1996 à 1998, a travaillé à la mise au point de lasers et dopplers utilisés en médecine vasculaire et a dispensé diverses formations relatives à l'utilisation de ces instruments. Il participe aux congrès du collège français de pathologie vasculaire et de la société française de phlébologie. Les différentes fonctions et interventions de M. B... sont toutefois extérieures au milieu hospitalier et l'intéressé n'établit pas avoir suivi des formations en médecine vasculaire organisées par des centres hospitaliers universitaires telles que celles dispensées dans le cadre de l'obtention d'un diplôme d'études spécialisées ou du diplôme d'études spécialisées complémentaires en médecine vasculaire. Dans ces conditions, en dépit des qualités professionnelles de l'intéressé dont témoignent les pièces produites, le conseil national de l'ordre des médecins a pu, sans commettre de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation, estimer qu'une telle pratique n'était pas de nature à justifier la formation universitaire requise pour l'obtention de la spécialité demandée.

8. En dernier lieu, M. B... soutient qu'il aurait subi une inégalité de traitement par rapport à l'un de ses confrères dont la demande d'autorisation a été examinée par le conseil national de l'ordre des médecins le même jour que la sienne. Il expose que ce dernier, moins diplômé, et qui n'est pas membre d'une association régionale de médecine vasculaire dispensant des formations continues contrairement à lui, aurait bénéficié d'un traitement plus favorable en émettant des interrogations quant à l'influence qu'aurait pu avoir la collaboration de ce dernier avec un laboratoire partenaire de la société française de médecine vasculaire dont sont membres la plupart des membres du conseil national de l'ordre des médecins composant la formation ayant rendu la décision. Toutefois, le requérant, qui ne rapporte pas la preuve de telles allégations, n'établit pas que la situation de ce médecin serait identique à la sienne alors que la qualification est accordée par l'ordre des médecins au regard de l'examen de chaque dossier individuel. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance du principe d'égalité doit, en tout état de cause, être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à

tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du de la décision du conseil national de l'ordre des médecins. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par le conseil national de l'ordre des médecins au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le conseil national de l'ordre des médecins sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au président du conseil national de l'ordre des médecins.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

La rapporteure,

M-D A...Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06272
Date de la décision : 05/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CAYOL-CAHEN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-05;21pa06272 ?
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