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05/12/2022 | FRANCE | N°21PA04848

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 décembre 2022, 21PA04848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2114637/8 du 23 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 27 et 30 août 2021, M. C..., représenté p

ar Me Kwemo, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2114637/8 du 23 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 27 et 30 août 2021, M. C..., représenté par Me Kwemo, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2114637/8 du 23 juillet 2021 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de deux semaines à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Kwemo au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que la brochure d'information sur l'Etat responsable de sa demande d'asile ne lui a pas été remise ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été en mesure de présenter ses observations avant son édiction ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la même convention ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Par ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 septembre 2022 à 12h.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 15 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant afghan né le 15 décembre 1983 et entré irrégulièrement sur le territoire français, a déposé une demande d'asile le 7 avril 2021 auprès des services de la préfecture de police. La consultation du système " Eurodac " ayant révélé que ses empreintes avaient été relevées le 1er mars 2021 par les autorités roumaines, le préfet de police a saisi ces dernières le 12 mai 2021 d'une demande de prise en charge de l'intéressé. Par une décision du 24 mai 2021, les autorités roumaines ont répondu favorablement à cette demande. M. C... relève appel du jugement du 23 juillet 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 15 octobre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande d'aide juridictionnelle présentée le 1er septembre 2021 par M. C.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. En premier lieu, M. C... reprend en appel les moyens développés en première instance tirés de ce que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé ainsi que de ce qu'il serait entaché de vices de procédure en ce que, d'une part, la brochure d'information sur l'Etat responsable de sa demande d'asile ne lui aurait pas été remise et, d'autre part, qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter ses observations avant l'édiction de la mesure. Cependant, le requérant ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La procédure de transfert vers l'État responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'État considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ". Le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".

5. La Roumanie, État membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales et à celles de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette présomption ne peut être renversée que s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Or, les allégations de M. C... selon lesquelles il existerait des défaillances systémiques dans la procédure d'examen des demandes d'asile en Roumanie ne sont assorties d'aucun élément permettant d'en établir le bien-fondé.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 3 de la même convention stipule " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

7. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat un non-respect des conditions d'accueil des demandeurs d'asile, qui entraînerait un risque de traitement inhumain ou dégradant, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre, l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

8. D'une part, si M. C... se prévaut de la présence en France d'une personne qu'il désigne comme son frère et qui s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire, aucune des pièces produites n'est de nature à établir le lien de parenté dont il se prévaut et il est constant que M. C... n'a séjourné sur le territoire français que pendant une faible durée à la date de l'arrêté contesté, n'apportant ainsi aucune preuve de l'intensité de ses attaches sur le territoire. D'autre part, M. C... se borne à soutenir sans l'établir qu'en cas de transfert en Roumanie, il encourt le risque d'être expulsé vers l'Afghanistan. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet de police aurait méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ainsi que le moyen tiré de ce qu'il aurait méconnu l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 en s'abstenant de faire application de la clause discrétionnaire instituée par cet article.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. HO SI A... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04848
Date de la décision : 05/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : KWEMO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-05;21pa04848 ?
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