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28/11/2022 | FRANCE | N°21PA01498

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 novembre 2022, 21PA01498


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 2011246 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté du 2 octobre 2019, enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la

mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notificatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 2011246 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté du 2 octobre 2019, enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et mis le versement de la somme de 1 250 euros à l'avocat de Mme C... à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés le 22 mars 2021 et le 17 juin 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2011246 du 19 février 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant cette juridiction.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés en première instance par Mme C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Koszczanski, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la pièce produite en langue anglaise par le préfet de police, qui ne revêt pas un intitulé conforme à l'inventaire produit, ne comporte aucune numérotation et dont la traduction n'a pas été faite par un traducteur assermenté, est irrecevable ;

- la décision portant refus de titre de séjour attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante philippine née le 7 novembre 1970, a sollicité le 22 août 2018 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 octobre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office. Le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 19 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme C... le titre de séjour sollicité.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11°A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Pour annuler la décision de refus de séjour en litige ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, le tribunal administratif de Paris a considéré qu'il ressortait des pièces produites par Mme C... que le traitement au long cours par administration de tamoxifène indispensable à la prévention du risque de récidive du cancer du sein dont elle a été atteinte, n'était pas disponible aux Philippines. Il est constant que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En appel, le préfet de police soutient, d'une part, que le traitement nécessaire à la prise en charge médicale de Mme C... est disponible aux Philippines, cette thérapie hormonale étant la plus couramment prescrite compte tenu de son accessibilité, en particulier en terme de coût financier et, d'autre part, que des traitements équivalents tels que l'anastrozole et l'exémestane, sont également disponibles aux Philippines, sans que Mme C... ne démontre qu'elle ne pourrait pas recevoir un traitement de substitution. Toutefois, l'étude médicale rédigée en langue anglaise sur laquelle se fonde le préfet de police, qui n'est pas traduite, dont la source exacte n'est pas précisée et qui n'est pas datée, ne permet pas, en tout état de cause, d'établir qu'à la date de l'arrêté attaqué, le traitement à base de Tamoxifène prescrit à Mme C... aurait été disponible aux Philippines. Il ressort en revanche des pièces produites par l'intéressée que la prescription de cette hormonothérapie n'est pas substituable ainsi qu'en atteste le certificat médical établi le 24 août 2020 par le médecin hospitalier en charge du suivi de Mme C... et témoigne d'un état antérieur. Les courriels émanant du laboratoire commercialisant ce médicament et de deux autres laboratoires, ainsi que les captures d'écran à partir du site de la principale chaîne de pharmacies du pays, confirment l'indisponibilité de ce traitement aux Philippines. Dans ces conditions, Mme C... établit qu'elle ne peut bénéficier effectivement du traitement indispensable à la prise en charge de sa pathologie dans son pays d'origine. Par suite, en prenant l'arrêté du 2 octobre 2019, le préfet de police a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B... C....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2022.

La rapporteure,

C. A...

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01498
Date de la décision : 28/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-28;21pa01498 ?
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