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22/11/2022 | FRANCE | N°21PA00817

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 22 novembre 2022, 21PA00817


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté n°2019/02-19/746 du 11 février 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer une habilitation d'accès aux zones de sûreté à accès réglementé des plates-formes aéroportuaires de F..., ainsi que la décision du 14 mars 2019 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer l'habilitation sollicitée et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1905211 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté n°2019/02-19/746 du 11 février 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer une habilitation d'accès aux zones de sûreté à accès réglementé des plates-formes aéroportuaires de F..., ainsi que la décision du 14 mars 2019 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer l'habilitation sollicitée et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1905211 du 15 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, M. B... A..., représenté par

Me To, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du

15 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2019/02-19/746 du 11 février 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer une habilitation d'accès aux zones de sûreté à accès réglementé des plates-formes aéroportuaires de F..., ensemble la décision du 14 mars 2019 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre de délivrer l'habilitation sollicitée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire préalable, en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision litigieuse et le jugement contesté se fondent sur des faits qui ne sont pas établis ;

- le jugement est entaché d'irrégularité pour avoir méconnu les principes jurisprudentiels de la procédure inquisitoire, les exigences résultant des droits de la défense et du principe de l'égalité de traitement des personnes, et l'équilibre des droits des parties, en se fondant sur un rapport administratif dépourvu de toute précision ;

- le jugement est entaché d'erreur matérielle dès lors qu'il retient à tort que la procédure pour les faits reprochés à l'intéressé serait toujours en cours d'instruction, alors que le rapport de l'administration indique que les suites sont ignorées des services ;

- le tribunal a à tort jugé que la décision attaquée était matériellement fondée alors que l'administration n'a pas justifié de la réalité des griefs qui la fondent ;

- le refus d'habilitation litigieux constitue une mesure disproportionnée ;

- la circonstance que les autres agents concernés ne se sont pas vu refuser leur habilitation démontre bien l'absence de gravité suffisante des faits reprochés ;

- le tribunal s'est à tort abstenu de vérifier le bien-fondé de l'appréciation portée par le préfet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2022, le ministre de l'Intérieur demande à la Cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code des transports ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société D... services aéroportuaires a sollicité, le 19 novembre 2018, en faveur de M. A..., le renouvellement d'une habilitation lui permettant d'accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des plates-formes aéroportuaires en vue d'exercer l'emploi de conducteur. Par arrêté du 11 février 2019, le préfet de police a opposé un refus à cette demande. M. A... a formé un recours gracieux le 5 mars 2019, rejeté le 14 mars suivant. L'intéressé a, dès lors, saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de ces décisions. Toutefois le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 15 décembre 2020 dont M. A... relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

3. Il résulte de ces dispositions que cette exigence de mise en œuvre d'une procédure contradictoire préalable ne trouve pas à s'appliquer avant l'édiction de décisions administratives ayant pour objet de se prononcer sur une demande. Par suite la décision rejetant la demande d'habilitation ou de renouvellement d'habilitation pour l'accès à une zone de sécurité n'entre pas dans le champ d'application de ces dispositions, et le moyen tiré de leur méconnaissance est dès lors inopérant.

4. Aux termes de l'article L. 6342-3 du code des transports : " Les personnes ayant accès aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes (...) doivent être habilitées par l'autorité administrative compétente. / La délivrance de cette habilitation est précédée d'une enquête administrative donnant lieu, le cas échéant, à consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. ". Aux termes de l'article R. 213-3-1 du code de l'aviation civile : " I. L'habilitation mentionnée à l'article L. 6342-3 du code des transports est demandée par l'entreprise ou l'organisme qui emploie la personne devant être habilitée. (...) / L'habilitation est délivrée ou refusée par le préfet exerçant les pouvoirs de police sur l'aérodrome lorsque l'entreprise ou l'organisme concerné est situé sur l'emprise de celui-ci, ou par le préfet territorialement compétent dans les autres cas. (...) / II. -L'habilitation peut être retirée ou suspendue par le préfet territorialement compétent lorsque la moralité ou le comportement de la personne titulaire de cette habilitation ne présente pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de l'ordre public ou sont incompatibles avec l'exercice d'une activité dans les zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre la décision litigieuse, le préfet s'est notamment fondé sur le rapport d'enquête du directeur de la police aux frontières de F... et Le Bourget, en date du 25 janvier 2019, émettant un avis défavorable à la demande de renouvellement d'habilitation du requérant, et qui retient que l'intéressé est connu pour des faits ayant eu lieu du 1er mars 2013 au 31 mars 2016 à E..., et consistant en des faits d' " escroquerie faite auprès d'un organisme de protection sociale pour l'obtention d'une allocation ou prestation indue comme auteur (brigade de gendarmerie 15863/1299-2016) " ; ce rapport d'enquête expose ensuite, de manière plus détaillée, que plusieurs employés de la société Transdev, dont M. A..., avaient présenté à la mutuelle d'entreprise AGEO des factures annuelles de mutuelle d'un montant cinq fois supérieur à la normale, ce qui avait donné lieu à une expertise financière, confirmant les frais anormalement élevés de certains employés, puis à une procédure diligentée par le parquet, dont les suites n'étaient pas connues à la date du rapport, et que M. A... avait reconnu les faits lorsqu'il avait été entendu.

6. Comme le rappelle le requérant, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties ; et s'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance; il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

7. Toutefois, l'argumentation de M. A..., qui consiste à contester la matérialité des faits à l'origine du refus d'habilitation, et à contester également avoir jamais reconnu ces faits, est démentie par le rapport d'enquête de la police de l'air et des frontières, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire. Par ailleurs, les allégations du requérant ne peuvent être regardées comme sérieuses ou suffisamment étayées alors qu'elles ne sont assorties d'aucun justificatif de nature à les corroborer. A cet égard, s'il fait valoir qu'il ne peut être attendu de lui qu'il justifie de l'existence d'un non-lieu, dès lors qu'il n'y aurait pas eu de procédure pénale, il était, en tout état de cause, en mesure, par la production notamment d'attestations de son employeur d'alors ou de la mutuelle concernée, ou d'ailleurs de ses relevés de remboursement de frais par cette mutuelle, de contester utilement la matérialité des faits de fraude qui lui sont reprochés, ce qu'il ne fait pas. Par suite, en l'absence de toute allégation suffisamment étayée de sa part, et compte tenu par ailleurs du rapport d'enquête produit par l'administration, la matérialité des faits fondant le refus litigieux pouvait être tenue pour établie, sans qu'il soit nécessaire au tribunal de faire usage de ses pouvoirs généraux d'instruction. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à invoquer une méconnaissance des " principes jurisprudentiels de la procédure inquisitoire ", pas plus que des exigences résultant des principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes, ou de l'équilibre des droits des parties. Par ailleurs, compte tenu de ce qui vient d'être dit, la matérialité des faits à l'origine de la décision de refus d'habilitation contestée étant établie, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision attaquée reposerait sur des faits inexacts.

8. De plus, s'il fait valoir qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale, cette circonstance, en tout état de cause, ne permet pas d'établir que le refus de renouvellement d'habilitation ne serait pas justifié, un tel refus n'étant pas subordonné, aux termes des dispositions précitées de l'article R. 213-3-1 du code de l'aviation civile, à l'engagement d'une procédure pénale ou à son issue.

9. Si M. A... soutient ensuite que la décision en litige serait disproportionnée par rapport aux faits en cause, il résulte de ce qui précède que ceux-ci consistent à avoir participé entre le 1er mars 2013 et le 31 mars 2016, soit pendant trois ans, avec d'autres salariés, à une escroquerie au préjudice de la mutuelle d'entreprise AGEO. Dès lors, compte tenu de la nature des faits comme de leur poursuite sur plusieurs années, l'administration a pu, à juste titre, retenir, en application des dispositions précitées de l'article R. 213-3-1 du code de l'aviation civile, que la moralité et le comportement de l'intéressé étaient incompatibles avec l'exercice d'une activité dans les zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes. Dès lors, et alors surtout que la décision en litige lui interdit seulement l'accès à la zone de sûreté à accès règlementé des

plate-formes aéroportuaires, et n'a pas pour effet de le priver de la possibilité d'exercer toutes autres fonctions n'impliquant pas un tel accès, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée présenterait un caractère disproportionné par rapport aux faits.

10. Enfin, si le requérant fait valoir que d'autres salariés auraient été impliqués dans les mêmes faits et qu'il aurait néanmoins été le seul à se voir refuser le renouvellement de son habilitation, une telle circonstance ne ressort pas des pièces du dossier, et par suite il n'est, en tout état de cause, pas fondé à en déduire que les faits en cause ne présenteraient pas un degré de gravité suffisant pour justifier le refus litigieux, pas plus qu'à invoquer l'existence d'une discrimination ou d'une rupture d'égalité.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2022.

La rapporteure,

M-I. C...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00817


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00817
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : EVODROIT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-22;21pa00817 ?
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