Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2019 par lequel le maire de Paris s'est opposé à l'exécution des travaux demandés par la déclaration préalable déposée le 18 juillet 2019 et référencée DP 075 116 19 V0469, afférente à la réalisation d'une terrasse sur une partie du terrasson du toit de l'immeuble sis 54 avenue de New-York dans le XVIème arrondissement, en tant qu'elle retire la décision de non-opposition à déclaration préalable née avant sa notification et, à titre subsidiaire, d'annuler le même arrêté et d'enjoindre au maire de Paris de lui délivrer une décision de non-opposition dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1923139 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté, mais n'a pas fait droit aux conclusions à fin d'injonction.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 juin 2021 et un mémoire enregistré le 14 octobre 2022, la Ville de Paris représentée par la société civile professionnelle Foussard-Froger, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1923139 du 15 avril 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, faute d'être revêtu des signatures prévues à l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en considérant que M. A... avait rapporté la preuve de ce que la gardienne de son immeuble n'était pas habilitée à recevoir des plis pour son compte, et que la preuve n'était pas suffisamment rapportée de ce que le porteur de la Ville de Paris avait bien déposé la lettre de notification de l'arrêté du 13 septembre 2019 à la gardienne ;
- subsidiairement, le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en jugeant que l'annulation de la décision du 13 septembre 2019, en tant qu'elle emportait retrait de la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable de travaux, avait en soi pour effet de rendre M. A... titulaire d'une nouvelle autorisation tacite - ce qui rendait sans objet les conclusions à fin d'injonction ;
- aucun des moyens articulés à l'encontre de l'arrêté litigieux devant les premiers juges n'était de nature à justifier l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2019 ou, subsidiairement et en tout état de cause, que l'annulation n'a pas pour effet de rendre M. A... titulaire d'une autorisation tacite de non-opposition à déclaration préalable, mais commande simplement que la Ville de Paris réexamine sa demande à compter de la date à laquelle il aura sollicité, le cas échéant, confirmation de ladite demande.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 juillet 2021, M. C... A..., représenté par Me Le Neel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge de la Ville de Paris en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et les administrations ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- les observations de Me Froger, avocat de la Ville de Paris, et de Me Le Neel, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., propriétaire d'un appartement au dernier étage d'un immeuble sis 54 avenue de New-York dans le XVIème arrondissement de Paris, a déposé le 18 juillet 2019 une déclaration préalable, référencée DP 075 116 19 V0469, pour la réalisation d'une terrasse sur une partie du terrasson du toit " à la Mansart " de cet immeuble. Par un courrier du 30 juillet 2019, le maire de Paris lui a indiqué que le délai d'instruction de sa demande était porté à deux mois, soit jusqu'au 18 septembre 2019 puis, par un arrêté du 13 septembre 2019, il s'est opposé à la déclaration préalable. M. A... ayant demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté, cette juridiction a fait droit à ses conclusions par un jugement du 15 avril 2021 dont la Ville de Paris relève appel devant la Cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient la Ville de Paris, la minute du jugement attaqué est revêtue des signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut donc qu'être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme : " À défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / (...) a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable ; (...) ". Aux termes de l'article R. 424-10 du même code : " La décision (...) s'opposant au projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, ou, dans les cas prévus à l'article R. 423-48, par échange électronique ".
4. En premier lieu, la Ville de Paris soutient que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en considérant que M. A... avait rapporté la preuve de ce que la gardienne de son immeuble n'était pas habilitée à recevoir des plis pour son compte, et que la preuve n'était pas suffisamment rapportée de ce que le porteur de la Ville de Paris avait bien déposé la lettre de notification de l'arrêté du 13 septembre 2019 à la gardienne.
5. Il ressort des pièces du dossier que, si la décision attaquée a été notifiée par pli postal recommandé, réceptionné par le requérant le 20 septembre 2019, la Ville de Paris a en outre cherché à notifier ladite décision, en ayant recours à un coursier, le 16 septembre 2019. La réalité de cette notification serait établie, selon les allégations de la Ville, par la production d'un bordereau de prise en charge du courrier qui mentionne la remise du pli à la gardienne de l'immeuble dans les termes suivants : " retour feuillet signé gardienne ". Toutefois, d'une part, la Ville de Paris ne produit pas ce bordereau ni aucun autre document qui puisse être regardé comme valant accusé de réception, et, d'autre part, la gardienne de l'immeuble atteste, valablement dès lors que son attestation n'est pas soumise au respect du formalisme requis par l'article 200 du code de procédure civile, qu'elle n'a pas souvenir d'avoir réceptionné le pli et qu'elle ne disposait d'aucun mandant à cette fin. Ainsi, à défaut de produire un document pouvant valoir accusé de réception, et que soit établi que le tiers auquel aurait été remis le courrier bénéficiait pour ce faire d'une autorisation, la Ville de Paris n'établit, en tout état de cause, pas la réception de ce courrier par M. A....
6. Il résulte de ce qui précède que, la Ville de Paris n'établissant pas avoir régulièrement notifié à M. A... l'arrêté du 13 septembre 2019 avant l'expiration, le 18 septembre suivant, du délai d'instruction de trois mois au terme duquel pouvait naitre une autorisation tacite par effet des dispositions précitées de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme, l'intéressé s'est ainsi trouvé, bénéficiaire d'une décision tacite de non-opposition aux travaux, objets de sa déclaration préalable du 18 juillet 2019. L'arrêté litigieux du 13 septembre 2019, régulièrement notifié le 20 septembre 2019, doit dès lors être regardé comme portant retrait de cette décision implicite de non-opposition, créatrice de droits.
7. Par suite, et comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, la décision tacite de non-opposition aux travaux objets de sa déclaration préalable ne pouvait, comme créatrice de droits, être retirée, conformément aux dispositions combinées des articles L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et les administrations, sans que son destinataire fût été mis en mesure de présenter ses observations. Il est constant que, les observations de M. A... n'ayant pas été recueillies, l'arrêté du 13 septembre 2019 a été pris au terme d'une procédure irrégulière et que l'intéressé, ainsi privé d'une garantie, était fondé à demander son annulation pour excès de pouvoir.
8. En second lieu, la Ville de Paris soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en jugeant que l'annulation de la décision du 13 septembre 2019, en tant qu'elle emportait retrait de la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable de travaux, avait en soi pour effet de rendre M. A... titulaire d'une nouvelle autorisation tacite - ce qui rendait sans objet les conclusions à fin d'injonction.
9. Lorsqu'une décision créatrice de droits est retirée et que ce retrait est annulé, y compris pour un motif tiré d'un vice de forme ou de procédure, la décision initiale est rétablie à compter de la date de lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation.
10. En l'espèce, et comme il a déjà été dit, M. A... était bénéficiaire le 18 septembre 2018 d'une décision tacite de non-opposition aux travaux objets de sa déclaration, présentant le caractère d'une décision créatrice de droits. Par suite, par application de la règle mentionnée au point précédent, cette décision s'est trouvée rétablie à compter du 15 avril 2021, date de lecture du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 13 septembre 2018 qui prononçait son retrait. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas estimé utile de prononcer à l'encontre de la Ville de Paris une injonction tendant à l'édiction d'une décision de non-opposition qui ne revêtait en l'espèce aucune inutilité, le demandeur se trouvant bénéficiaire d'une telle décision du seul fait de l'annulation prononcée. Le moyen tiré de l'absence de décision créatrice de droits doit donc être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la Ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du 13 septembre 2019 du maire de Paris. Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement doivent donc être rejetées.
Sur les frais du litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Ville de Paris, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a pas lieu de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros à verser à M. A... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Ville de Paris est rejetée.
Article 2 : La Ville de Paris versera à M. C... A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris et à M. C... A....
Copie en sera adressée au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2022.
Le rapporteur,
S. B...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03315