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18/11/2022 | FRANCE | N°21PA00564

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 18 novembre 2022, 21PA00564


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Transavia France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision R/19-0146 du 5 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette amende à la somme de 1 euro.

Par un jugement n° 1919213/3-3 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 février 2021, la soci

té Transavia France, représentée par Me Pradon, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Transavia France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision R/19-0146 du 5 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette amende à la somme de 1 euro.

Par un jugement n° 1919213/3-3 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 février 2021, la société Transavia France, représentée par Me Pradon, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée à la somme de 1 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article 34 du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas impose l'annulation ou l'abrogation d'un visa lorsque les conditions de délivrance ne sont plus remplies ; il appartenait ainsi aux agents de la police aux frontières, lors de la dernière sortie du territoire de la passagère, le 5 février 2019, de constater la péremption du visa par la simple apposition d'un cachet " annulé ", ce qui l'aurait empêchée de revenir le 20 février 2019 ; cette abstention est fautive et de nature à minorer le montant de l'amende ;

- en s'abstenant d'apposer les cachets d'entrée et de sortie sur deux pages différentes du passeport, les agents de la police aux frontières ont également commis une faute de nature à minorer le montant de l'amende ;

- le montant de l'amende est hors de proportion au sens de l'arrêt du Conseil d'Etat n° 427744 du 11 décembre 2020.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 ;

- le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;

- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 5 juillet 2019, le ministre de l'intérieur a infligé à la société Transavia France, sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une amende de 10 000 euros pour avoir, le 20 février 2019, débarqué sur le territoire français une personne de nationalité marocaine, titulaire d'un visa Schengen manifestement périmé. La compagnie relève appel du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Par ailleurs, selon l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 821-6 du même code, l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 euros. Toutefois, en vertu du 2° de l'article L. 625-5, désormais codifié à l'article L. 821-8 du même code, l'amende n'est pas infligée lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste.

3. Ces dispositions imposent à l'entreprise de transport de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'irrégularité manifeste, décelable par un examen normalement attentif de ses agents. En l'absence d'une telle vérification, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.

4. D'autre part, aux termes de l'annexe IV du règlement (UE) n° 2016/399 du 9 mars 2016, intitulée " Modalités d'apposition du cachet " : " 1. Un cachet est systématiquement apposé sur les documents de voyage des ressortissants de pays tiers à l'entrée et à la sortie, conformément à l'article 11. (...) 3. Lors de l'entrée et de la sortie de ressortissants de pays tiers soumis à l'obligation de visa, le cachet est, en règle générale, apposé sur la page en regard de laquelle est apposé le visa ". Aux termes de la partie A intitulée " Modalités du refus d'entrée à la frontière " de l'annexe V de ce règlement : " 1. En cas de refus d'entrée, le garde-frontière compétent : (...) c) procède à l'annulation ou à la révocation du visa, le cas échéant, conformément aux conditions fixées à l'article 34 du règlement (CE) n° 810/2009 ". Et aux termes de l'article 34 du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 : " 1. Un visa est annulé s'il s'avère que les conditions de délivrance du visa n'étaient pas remplies au moment de la délivrance, notamment s'il existe des motifs sérieux de penser que le visa a été obtenu de manière frauduleuse. Un visa est en principe annulé par les autorités compétentes de l'État membre de délivrance. Un visa peut être annulé par les autorités compétentes d'un autre État membre, auquel cas les autorités de l'État membre de délivrance en sont informées. / 2. Un visa est abrogé s'il s'avère que les conditions de délivrance ne sont plus remplies. Un visa est en principe abrogé par les autorités compétentes de l'État membre de délivrance. Un visa peut être abrogé par les autorités compétentes d'un autre État membre, auquel cas les autorités de l'État membre de délivrance en sont informées (...) ".

5. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

6. En premier lieu, la société Transavia France soutient qu'en s'abstenant d'apposer les cachets d'entrée et de sortie sur deux pages différentes du passeport, les agents de la police aux frontières ont commis une faute de nature à entraîner une minoration du montant de l'amende. Elle n'invoque toutefois aucune disposition précise à l'appui de ce moyen. A supposer que la compagnie requérante ait entendu invoquer les modalités d'apposition des cachets telles qu'elles résultent des dispositions du 3. de l'annexe IV du règlement n° 2016/399 du

9 mars 2016, celles-ci n'ont en tout état de cause qu'une valeur de recommandation. Au surplus, il résulte de l'instruction que les cachets d'entrée et de sortie du passeport de la passagère en cause ne présentent aucune difficulté de lisibilité. Leur apposition par les agents précités ne présente, par suite, aucun caractère fautif.

7. En second lieu, la compagnie invoque les dispositions susvisées de l'article 34 du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009, en soutenant que, si la police aux frontières avait annulé ou abrogé le visa Schengen de la passagère à l'occasion de sa dernière sortie du territoire, le 5 février 2019, date à laquelle elle avait manifestement dépassé la durée maximale de 30 jours de séjour autorisée, l'agent d'embarquement aurait manifestement constaté qu'elle n'était pas autorisée à embarquer le 20 février 2019. Il ressort toutefois de ces dispositions que l'annulation ou l'abrogation du visa qu'elles prévoient sont subordonnées à l'examen des conditions de délivrance du visa, soit que celles-ci n'étaient en réalité pas remplies au moment de la délivrance du visa, notamment en cas de fraude, soit qu'elles ne le sont plus. Or, la circonstance que le titulaire d'un visa ne respecte pas la durée de séjour autorisée par celui-ci, qui relève des modalités d'usage du visa, est sans rapport avec les conditions de délivrance du visa, qui ne peuvent être appréciées qu'à la date de cette délivrance. Par suite, la société Transavia France ne peut utilement invoquer ces dispositions.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que, contrairement à ce que soutient la compagnie requérante, la police aux frontières n'a pas commis de faute de nature à minorer le montant de l'amende. Il ne résulte en outre pas de l'instruction que le montant de l'amende serait disproportionné par rapport aux faits reprochés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Transavia France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Transavia France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Transavia France et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Briançon, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2022.

Le rapporteur,

P. A...

La présidente,

C. BRIANÇON

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00564


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00564
Date de la décision : 18/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIANÇON
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CLYDE et CO LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-18;21pa00564 ?
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