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10/11/2022 | FRANCE | N°20PA03435

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 10 novembre 2022, 20PA03435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Class J a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, pour un montant total de 203 273 euros.

Par un jugement n°1816287 du 7 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Class J a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, pour un montant total de 203 273 euros.

Par un jugement n°1816287 du 7 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 novembre 2020 et 9 mars 2022, la SARL Class J, représentée par Me Planchat, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1816287 du 7 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Class J soutient que :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

- la procédure d'imposition méconnait les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales en ce que ni les montants annoncés par la proposition de rectification du 15 décembre 2014 ni les nouvelles conséquences financières indiquées par la lettre d'information du 28 novembre 2017 ne correspondent aux montants effectivement mis à sa charge par l'avis de mise en recouvrement du 15 décembre 2017 ;

- l'administration n'a pas porté à sa connaissance la méthode de reconstitution de recettes employée ;

- la proposition de rectification du 15 décembre 2014 ne mentionne, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, aucun motif de droit permettant à l'administration d'assimiler à des recettes les sommes portées au crédit du compte courant d'associé du gérant ;

- l'avis de mise en recouvrement ne se référait, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, à aucun document comportant l'information prévue par les dispositions de l'alinéa 1er de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales.

S'agissant du bien-fondé des impositions :

- la méthode de reconstitution utilisée, fondée sur l'enrichissement du gérant, est, en l'absence de toute confusion de patrimoine entre son patrimoine et celui de son gérant, radicalement viciée dans son principe.

Par un mémoire en défense et un mémoire en duplique, enregistrés les 18 janvier 2021 et 22 mars 2022, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la SARL Class J ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Soyez, rapporteur ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations présentées par Me Planchat pour la SARL Class J.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Class J, dont le gérant et associé est M. A..., exploite un fonds de commerce de vente de poissons, crustacés, huîtres et coquillages, produits de la mer et de vins, et vend directement à une clientèle de particuliers et des restaurateurs. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2013, à l'issue de laquelle le service, après avoir écarté la comptabilité comme étant irrégulière et non probante, a assimilé les sommes figurant au compte courant d'associé de M. A... à des distributions au sens de l'article 111 c du code général des impôts, qu'elle a reconstituées à partir de ces sommes. Elle a notifié à la société, par une proposition de rectification du 15 décembre 2014, suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, des rehaussements, au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, en matière d'impôt sur les sociétés, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et, selon la procédure de taxation d'office, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, assortis des intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts ainsi que des majorations pour manquement délibéré prévues par l'article 1729 du même code. Par une lettre d'information du 28 novembre 2017, l'administration a informé la société de l'abandon des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de la modification des montants de droits, taxes et pénalités. La société demande au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des exercices 2011 à 2013. Elle relève régulièrement appel du jugement du 7 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. En raison de la séparation existant entre le patrimoine d'une société et celui de son gérant, l'administration ne peut estimer que l'enrichissement du gérant révèle l'existence de recettes dissimulées de la société que si la comptabilité de cette dernière est dépourvue de valeur probante, si le fait que le gérant se comporte en maître de l'affaire est établi et si des circonstances précises et concordantes tirées du fonctionnement même de l'entreprise permettent de démontrer une confusion de patrimoine entre le patrimoine de la société et le patrimoine de son gérant.

3. D'une part, il est constant que la société a comptabilisé globalement et mensuellement ses recettes, sans fournir de pièce justificative de leur détail. La SARL Class J n'avait conservé ni les bandes de la caisse enregistreuse classique non informatisée dont elle disposait, ni les tickets Z journaliers des caisses. Elle se bornait à distinguer les recettes en espèces par différence entre le montant journalier global des recettes et les recettes réglées par les autres moyens de paiement. En outre, des sommes non justifiées, pour des montants significatifs, ont été constatées au crédit du compte courant d'associé du gérant. L'ensemble de ces irrégularités étaient de nature à priver la comptabilité de valeur probante pour l'ensemble de la période soumise au contrôle et justifient, en conséquence, le rejet de la comptabilité de la SARL Class J.

4. D'autre part, la société requérante ne conteste pas que M. A..., associé

ultra-majoritaire de la SARL Class J, était tout à la fois son associé ultra-majoritaire et son gérant de fait et de droit, et était à ce titre titulaire de la signature sur les comptes bancaires de la société, disposait sans contrôle des fonds sociaux de la société, recrutait le personnel et était en rapport avec les fournisseurs. En conséquence, il s'ensuit que M. A... doit bien être regardé comme le seul maître de l'affaire.

5. Toutefois, la SARL Class J fait valoir que les sommes portées au crédit du compte courant d'associé de M. A..., dont l'administration a considéré qu'ils n'avaient pour contrepartie aucun mouvement d'écritures sur des comptes de tiers, notamment de clients, et qu'ils correspondaient à des chèques ou des virements de personnes tierces à la société, correspondent à des apports en compte courant de M. A..., provenant de fonds personnels de ce dernier, et de prêts personnels ou d'avances lui ayant été consentis par des tiers à la société, notamment de sociétés dont il est gérant, ou de prélèvements dans les comptes courants qu'il détient dans ces sociétés, et qui visaient à financer l'activité de la société. Si elle ne produit aucun contrat de prêt justifiant de l'origine de ces sommes, si elle admet qu'elle n'a pas remboursé toutes les sommes empruntées et que plusieurs des sommes portées au crédit du compte courant de son gérant proviennent de sociétés contrôlées par ce dernier, son fonctionnement exposé ci-dessus, exempt de flux financiers entre la société et les comptes personnels de son gérant, de liens juridiques ou d'affaires et de flux financiers avec les sociétés contrôlées par son gérant, ne confirme pas la confusion dont se prévaut l'administration entre son patrimoine social et celui de M. A.... Il s'ensuit que la méthode de reconstitution à laquelle l'administration a effectivement procédé est radicalement viciée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Class J est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires mises à sa charge et à en obtenir la décharge.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Class J en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1816287 du 7 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La SARL Class J est déchargée, en droits, intérêts de retard et pénalités, des compléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Class J la somme de 1 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la requête de la SARL Class J sont rejetées pour le surplus.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à La société à responsabilité limitée (SARL) Class J et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

J-E. SOYEZLe président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA03435 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03435
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-10;20pa03435 ?
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