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28/10/2022 | FRANCE | N°22PA01703

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 octobre 2022, 22PA01703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 février 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2203703 du 15 mars 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 3 février 2022, a enjoint au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours à compter d

e la mise à disposition au greffe de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 février 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2203703 du 15 mars 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 3 février 2022, a enjoint au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours à compter de la mise à disposition au greffe de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de Me Fauveau Ivanovic au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du 15 mars 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a fait droit au moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- c'est également à tort qu'il lui a enjoint de délivrer à M. A... un dossier de demande d'asile en procédure normale, alors que M. A... ne pouvait en tout état de cause relever que de la procédure accélérée ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 17 juin 2022, M. A..., représenté par Me Fauveau Ivanovic, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- c'est à bon droit que le premier juge a annulé cet arrêté sur le fondement de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté du préfet de police du 3 février 2022 a été pris en méconnaissance de l'article 4 de ce règlement.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 juin 2022.

Par un courrier du 17 août 2022 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'existence d'un non-lieu à statuer sur le recours du préfet de police, dans la mesure où l'arrêté de transfert de M. A... en date du 3 février 2022 n'est plus susceptible d'exécution à l'expiration d'un délai de six mois ayant couru à compter de la notification du jugement du 15 mars 2022 au préfet de police.

Un mémoire en réponse au moyen d'ordre public a été enregistré le 19 août 2022 pour le préfet de police.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 février 2022 le préfet de police a décidé le transfert de M. A..., ressortissant mauritanien né le 31 décembre 1996, aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police fait appel du jugement du 15 mars 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours à compter de la mise à disposition du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de l'avocat de M. A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le préfet de police relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur l'exception de non-lieu à statuer sur les conclusions du préfet de police tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement :

2. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. ". Aux termes de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) / Lorsqu'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Le président du tribunal administratif statue dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours (...). ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article

R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Si le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 a été interrompu par l'introduction, par M. A..., d'un recours contre l'arrêté du 3 février 2022, un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter de la notification au préfet de police, le 15 mars 2022, du jugement du même jour rendu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application du paragraphe 2 de l'article 29, en raison de l'emprisonnement ou de la fuite de l'intéressé, ou que la décision de transfert aurait été exécutée à la date d'expiration de ce délai de six mois. Dès lors, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. A....

6. Par suite, les conclusions de la requête d'appel du préfet de police tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement, par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a fait droit aux conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. A..., sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions du préfet de police tendant à l'annulation de l'article 4 du jugement :

7. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué : " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat (...). ".

8. Le non-lieu à statuer, constaté sur les conclusions de la requête d'appel du préfet de police tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement, ne permet pas au juge d'appel de se prononcer sur le bien-fondé de l'article 4 du même jugement, par lequel le tribunal administratif, regardant l'Etat comme la partie perdante dans l'instance qui lui était soumise, a mis à sa charge une somme de 1 000 euros sur le fondement de ces dispositions. Les conclusions du préfet de police dirigées contre ce dernier article ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée par l'avocat de M. A... au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet de police en tant qu'elles tendent à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement n° 2203703 du 15 mars 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de police est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 28 octobre 2022.

La rapporteure,

C. B...Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

Le président,

S. CARRERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°22PA01703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01703
Date de la décision : 28/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : IVANOVIC FAUVEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-28;22pa01703 ?
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