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28/10/2022 | FRANCE | N°21PA02774

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 octobre 2022, 21PA02774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2101687 du 26 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil après avoir admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre pro

visoire, a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexamin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2101687 du 26 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil après avoir admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête enregistrée le 21 mai 2021 sous le n° 21PA02774, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101687 du 26 avril 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de ce que Mme A... bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 15 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Goujon, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de confirmer le jugement du 26 avril 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- à la date du jugement attaqué, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'avait pas justifié de la notification de l'ordonnance par laquelle la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) avait rejeté sa demande d'asile, le pli ayant été adressé à une adresse postale alors même qu'elle résidait avec son époux à une nouvelle adresse qu'elle ne pensait pas devoir communiquer urgemment aux services préfectoraux ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe général du droit à être entendu défini à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet ayant méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant en situation de compétence liée par les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et par la CNDA ;

- elle méconnaît les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie d'exception en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire sur laquelle elle se fonde.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 août 2022.

II - Par une requête, enregistrée le 11 juin 2021 sous le n° 21PA03246, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2101687 du 26 avril 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

La requête a été communiquée à Mme A... qui n'a pas produit d'observation.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Goujon, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante bangladaise née le 24 mars 1994, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'OFPRA, par une décision du 20 janvier 2020, confirmée par une ordonnance de la CNDA du 13 novembre 2020 notifiée le 20 novembre 2020. Par un arrêté du 15 janvier 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par la présente requête, le préfet de la Seine-Saint-Denis relève régulièrement appel du jugement n° 2101687 du 26 avril 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le préfet de la Seine-Saint-Denis demande, en outre, à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes susvisées nos 21PA02774 et 21PA03246, présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement du 26 avril 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 21PA02774 :

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Par une décision du 8 août 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a pas lieu d'accorder à Mme A... le bénéfice d'une admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...). ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code, dans sa version applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...). ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 dudit code, dans sa version applicable : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".

5. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 15 janvier 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a accueilli le moyen tiré de ce qu'en l'absence de production en défense, il n'était pas établi que la CNDA ait statué sur le recours de Mme A... et, par suite, que son droit au maintien sur le territoire avait pris fin en application des dispositions alors codifiées à L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort de la fiche Telemofpra versée pour la première fois en appel par le préfet de la Seine-Saint-Denis et qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, en application des dispositions précitées de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'ordonnance par laquelle la CNDA a rejeté, le 13 novembre 2020, le recours présenté par Mme A... à l'encontre de la décision du 20 janvier 2020 de l'OFPRA, a été notifiée à l'intéressée le 20 novembre 2020, préalablement à l'édiction de l'arrêté du 15 janvier 2021. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir qu'à la date de l'arrêté en litige, Mme A... ne justifiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français, et que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté au motif qu'il aurait été pris en méconnaissance des dispositions alors codifiées à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés en première instance :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-0665 du 16 mars 2020, régulièrement publié le même jour au bulletin d'informations administratives, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à Mme D... E..., signataire de l'arrêté contesté et cheffe du bureau de l'asile, à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figurent les décisions en litige, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit par suite être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

9. L'arrêté du 15 janvier 2021, qui vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique que la demande d'asile présentée par Mme A... a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA aux dates précisées au point 1 du présent arrêt. L'arrêté comporte également l'appréciation du préfet selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale et cette dernière n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, la décision attaquée qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments propres à la situation de l'intéressée, comporte un énoncé suffisamment précis des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la mesure d'éloignement et répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

10. En troisième lieu, si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant au soutien des conclusions présentées par Mme A..., il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

11. Dans le cas prévu aux dispositions alors codifiées au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, ce dernier ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient ainsi, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.

12. En l'espèce, si Mme A... soutient qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations avant l'intervention de la décision portant obligation de quitter le territoire français, cette mesure fait suite au rejet par la CNDA de sa demande d'asile. Or, ainsi qu'il vient d'être dit, dans un tel cas, aucune obligation d'information préalable ne pèse sur le préfet. Au demeurant, et alors que Mme A... a été entendue par l'OFPRA dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'elle aurait été empêchée de présenter ses observations, si elle l'avait souhaité, avant que ne soit prise la décision litigieuse. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée du droit d'être entendue qu'elle tient du principe général du droit de l'Union.

13. En quatrième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté rappelé au point 9, ni des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'était pas tenu de faire état de tous les éléments relatifs à la situation de Mme A..., aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée ou se serait estimé en situation de compétence liée par les décisions prises par l'OFPRA et par la CNDA, avant de prendre l'arrêté attaqué.

14. En cinquième lieu, pour les motifs indiqués au point 5, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit au motif qu'elle bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué faute de notification de la décision de la CNDA.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...). ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

16. Si Mme A... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le mois de septembre 2018 et fait valoir son projet de mariage avec un compatriote réfugié statutaire dont elle attend un enfant, elle ne justifie pas l'ancienneté de la communauté de vie dont elle se prévaut depuis le mois de mars 2019 par la seule production de photographies et ne démontre pas qu'à la date de l'arrêté attaqué, elle avait durablement établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, compte tenu du caractère extrêmement récent, à la date du 15 janvier 2021, des démarches administratives entreprises en vue de la célébration de son union. Par suite, il ne ressort ni des éléments tenant à sa situation personnelle qui viennent d'être énoncées, ni de la durée de son séjour sur le territoire qui n'excède pas vingt-huit mois à la date de l'arrêté en litige, que le préfet de la Seine-Saint-Denis ait porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour le même motif, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme A... sur sa situation personnelle. Ces moyens doivent par suite être écartés.

17. En septième lieu, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, relatives à l'admission exceptionnelle au séjour, ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Dès lors, Mme A... ne peut utilement s'en prévaloir pour contester la légalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

18. En dernier lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en vertu desquelles dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de ceux-ci doit être pris en considération, dès lors que son enfant n'est pas né à la date de l'arrêté contesté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

19. En premier lieu, la décision contestée vise notamment les dispositions des articles L. 513-1 à L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle la nationalité de Mme A... et précise qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou dans son pays de résidence habituelle. Par suite, la décision litigieuse comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et est suffisamment motivée.

20. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant entachée d'aucune illégalité pour les motifs précédemment énoncés, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, doit en conséquence être écarté.

21. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. ". Aux termes de l'article

L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile (...). / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

22. Si Mme A... soutient que son retour au Bangladesh l'expose à un risque de subir des traitements inhumains et dégradants et s'en rapporte à des publications présentant un caractère général sur la situation des femmes au Bangladesh, émanant en particulier de l'organisation non gouvernementale Odhikar ou à un rapport de mission de la CNDA et de l'OFPRA de 2010, elle n'assortit ses allégations d'aucune précision, ni d'aucune pièce justificative susceptible d'établir les risques actuels et personnels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, alors même que sa demande d'asile a été définitivement rejetée le 13 novembre 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

23. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 18 du présent arrêt.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 15 janvier 2021 obligeant Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu en conséquence d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter les conclusions de la demande de Mme A... auxquelles il a été fait droit en première instance.

25. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par Mme A... au titre des frais liés à l'instance doit également être rejetée.

Sur la requête n° 21PA03246 :

26. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 21PA02774 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation dans son ensemble du jugement du 26 avril 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 21PA03246 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire de Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21PA03246 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Article 3 : Le jugement n° 2101687 du 26 avril 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 4 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 5 : La demande de Mme A... présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 28 octobre 2022.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 21PA02774, 21PA03246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02774
Date de la décision : 28/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : GOUJON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-28;21pa02774 ?
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