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28/10/2022 | FRANCE | N°21PA01824

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 octobre 2022, 21PA01824


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2100495 du 10 mars 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexam

iner sa situation dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'Etat le verseme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2100495 du 10 mars 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au bénéfice de son conseil au titre des frais liés à l'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100495 du 10 mars 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés par M. D... en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit d'observation.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant bangladais né le 15 août 1982, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), par une décision du 21 mars 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 7 octobre 2020. Par un arrêté du 15 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par la présente requête, le préfet de la Seine-Saint-Denis relève régulièrement appel du jugement du 10 mars 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au bénéfice de son conseil au titre des frais liés à l'instance.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code, dans sa version applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...). ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 dudit code, dans sa version applicable : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le recours présenté par M. D... aux fins d'annulation de la décision de l'OFPRA du 21 mars 2019 a été rejeté par une décision de la CNDA lue en audience publique le 7 octobre 2020. M. D... bénéficiait ainsi du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à cette date, et non jusqu'à celle de la notification de la décision, en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, estimant que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les dispositions précitées l'article L. 743-1 du même code, faute de notification régulière de la décision de la CNDA, a annulé l'arrêté en litige pour ce motif.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés en première instance :

En ce qui concerne le moyen de légalité externe soulevé à l'encontre de l'ensemble des décisions :

5. Par un arrêté n° 2020-2175 du 2 octobre 2020, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis du 5 octobre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à Mme C... E..., adjointe à la cheffe du bureau de l'asile, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions portant obligation de quitter le territoire et celles fixant le pays à destination duquel sera éloigné un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de ce que ces décisions auraient été signées par une autorité incompétente doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

7. L'arrêté du 15 décembre 2020, qui vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique que la demande d'asile présentée par M. D... a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA aux dates précisées au point 1. L'arrêté comporte également l'appréciation du préfet selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale et que ce dernier n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, la décision attaquée répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté rappelé ci-dessus ni des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'était pas tenu de faire état de tous les éléments relatifs à la situation de M. D..., aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé.

9. En troisième lieu, pour les motifs indiqués au point 3, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit au motif qu'il bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué faute de notification de la décision de la CNDA. Au demeurant et en tout état de cause, il ressort du relevé d'information de la base de données " Telemofpra " relative à l'état des procédures de demande d'asile, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en application des dispositions précitées de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la décision de la CNDA du 7 octobre 2020 a été notifiée à M. D... le 30 octobre 2020.

10. En quatrième lieu, M. D... soutient que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de prendre en considération l'ensemble des éléments caractérisant sa situation personnelle et les conséquences qu'elle est susceptible d'entraîner au regard en particulier des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, d'une part, la mesure d'éloignement en litige n'implique pas par elle-même le retour de M. D... dans son pays d'origine. D'autre part, M. D... n'assortit ses allégations d'aucune précision relative à sa situation personnelle susceptible de retenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de son éloignement du territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant entachée d'aucune illégalité pour les motifs précédemment énoncés, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, doit en conséquence être écarté.

12. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile (...). / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

13. Si M. D... soutient que son retour au Bangladesh l'expose à un risque de subir des traitements inhumains et dégradants en raison d'un conflit foncier l'opposant à des membres de la Ligue Awami, il n'assortit ses allégations d'aucune précision, ni d'aucune pièce justificative susceptible d'établir les risques actuels et personnels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, alors même que sa demande d'asile a été définitivement rejetée le 7 octobre 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 15 décembre 2020 obligeant M. D... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros à son avocat au titre des frais liés à l'instance. Par suite, ce jugement doit être annulé, et la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil doit être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2100495 du 10 mars 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... D....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 28 octobre 2022.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01824


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01824
Date de la décision : 28/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-28;21pa01824 ?
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