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21/10/2022 | FRANCE | N°22PA00386

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 octobre 2022, 22PA00386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2120409 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2022, M. B..., représenté

par Me Taj, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2120409 du 4 janvier 2022 du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2120409 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Taj, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2120409 du 4 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 7 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à toute autorité administrative compétente, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet de police n'a pas saisi la commission du titre de séjour, alors qu'il établit résider en France depuis plus de dix ans ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant indien né le 12 janvier 1982, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 septembre 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par Mme C... A..., attachée d'administration de l'Etat, cheffe du pôle " admission exceptionnelle au séjour " au sein de la direction de la police générale de la préfecture de police, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin, consentie par un arrêté du préfet de police du 24 août 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de police de Paris le 25 août 2021. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché l'arrêté attaqué doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / [...] 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour [...] ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour [...] ".

4. L'arrêté contesté, qui vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que " M. B... ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 435-1 du code susvisé, qu'il n'est pas en mesure d'attester de façon probante d'une ancienneté de résidence en France depuis plus de dix ans, que le seul fait de se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-1 du code susmentionné sans répondre à des considérations humanitaires ou sans justifier de motifs exceptionnels, ne permet pas à ce dernier d'entrer dans le champ d'application dudit article et que, de ce fait, la commission du titre de séjour n'a pas à être saisie pour avis ". Il ajoute " que la situation de M. B..., apprécié également au regard de son expérience et de ses qualifications professionnelles, ne permet pas davantage de le regarder comme justifiant d'un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article précité, qu'il ne déclare aucune activité professionnelle, que le seul fait de disposer d'une promesse d'embauche ne saurait constituer à lui seul un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Il précise également que " l'intéressé n'atteste pas de l'intensité d'une vie privée et familiale établie sur le territoire française, [...] qu'il est marié et père d'un enfant à charge en France, qu'il n'atteste pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger où résident ses parents et sa sœur, que la circonstance que son épouse et son enfant mineur résideraient en France ne lui confère aucun droit au séjour au regard de la législation en vigueur ", de sorte que, " compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale ". De plus, il indique " qu'il résulte de ce qui précède que l'intéressé ne peut être regardé comme établissant la réalité de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour, qu'il ne remplit par conséquent aucune des conditions prévues par l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou " travailleur temporaire ". Ainsi, la décision portant refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent. Par ailleurs, la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise, en application des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la suite du refus de titre de séjour opposé à M. B.... En conséquence, sa motivation se confond avec celle du refus du titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique, en droit comme en fait, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, ce refus est lui-même motivé. Enfin, le préfet de police a indiqué que M. B... " n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement admissible ". La décision portant fixation du pays de renvoi est donc également suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi doit être écarté.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou "vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 [...] ".

7. M. B... soutient résider en France depuis le mois d'avril 2011. Toutefois, s'il produit, au titre de l'année 2012, un avis d'imposition mentionnant un impôt nul, des attestations de domiciliation administrative indiquant l'adresse à laquelle doit être transmis son courrier administratif entre le 6 avril 2011 et le 5 avril 2012 et entre le 6 février 2012 et le 5 février 2013, des courriers datés du 15 mars 2012, du 22 mai 2012 et du 31 juillet 2012 émanant d'un établissement bancaire, un relevé bancaire, daté du 10 janvier 2012, ne comportant aucune opération réalisée au cours de l'année 2012, et un courrier émanant d'un opérateur de téléphonie daté du 20 septembre 2012, ces documents ne permettent pas, par leur nature et leur teneur, d'établir une quelconque présence de l'intéressé en France au titre de l'année 2012. Si M. B... produit également, au titre de l'année 2012, un relevé bancaire daté du 10 avril 2012, faisant état de deux mouvements seulement, une ordonnance médicale datée du 19 juin 2012, et des relevés bancaires datés du 10 août 2012, du 10 octobre 2012, du 12 novembre 2012, et du 10 décembre 2012, ces documents ne peuvent, à eux seuls, établir la présence habituelle de M. B... au cours de l'année 2012. Par ailleurs, en se bornant à produire, au titre de l'année 2015, un avis d'imposition mentionnant un impôt nul, un courrier de l'Assurance maladie daté du 10 février 2015, un compte-rendu d'analyses médicales réalisées le 18 mars 2015, une ordonnance médicale datée du 25 avril 2015, une carte individuelle d'admission à l'aide médicale d'Etat, à compter du 13 mai 2015, un compte-rendu d'analyses médicales réalisées le 21 mai 2015, une ordonnance médicale datée du 25 juin 2015, un courrier émanant de l'agence Solidarité Transport, daté du 25 juillet 2015, un compte-rendu d'analyses médicales réalisées le 27 août 2015, et un pli posté à son attention par une enseigne commerciale, portant la mention " reçu le 19 novembre 2015 ", M. B... n'établit pas sa présence habituelle au titre de cette année, en particulier au cours de son second semestre. Enfin, en se bornant à produire, au titre de l'année 2016, un avis d'imposition ne comportant la mention d'aucun revenu, une attestation émanant de l'Assurance maladie, datée du 15 mars 2016, une facture EDF datée du 10 juillet 2016, un document émanant d'un établissement bancaire, daté du 2 août 2016, ainsi que deux relevés bancaires au titre de la période comprise entre le 14 septembre 2016 et le 19 septembre 2016 et entre le 19 novembre 2016 et le 19 décembre 2016, M. B... n'établit pas sa présence habituelle au titre de cette année. Dans ces conditions, M. B... ne justifie pas avoir résidé habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Le préfet de police n'était dès lors pas tenue de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande d'admission au séjour. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. B... se prévaut de sa résidence en France depuis le mois d'avril 2011 ainsi que de la présence à ses côtés de son épouse et de son fils, né en 2019. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... n'établit pas l'ancienneté de sa présence en France depuis 2011. Par ailleurs, son épouse réside également en France en situation irrégulière. Enfin, M. B... n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales à l'étranger, où résident ses parents et sa sœur, et où il a résidé, à tout le moins, jusqu'à l'âge de 29 ans. Ainsi, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, en édictant cet arrêté, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

10. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

11. M. B... n'apporte aucune précision ni élément de preuve au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, il n'établit pas qu'il encourrait des risques personnels et effectifs pour sa sécurité en cas de retour en Inde. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 21 octobre 2022.

Le rapporteur,

K. D...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00386 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00386
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-21;22pa00386 ?
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