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21/10/2022 | FRANCE | N°21PA05909

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 octobre 2022, 21PA05909


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté du 14 février 2018 par lequel le maire de la commune de Limeil-Brévannes l'a radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 1er mars 2018, l'annulation de la décision du 15 février 2015 portant refus de prise en charge d'une pathologie au titre de l'accident de service et la condamnation de la commune de Limeil-Brévannes à lui verser la somme de 28 669,36 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir sub

is, assortie des intérêts et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté du 14 février 2018 par lequel le maire de la commune de Limeil-Brévannes l'a radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 1er mars 2018, l'annulation de la décision du 15 février 2015 portant refus de prise en charge d'une pathologie au titre de l'accident de service et la condamnation de la commune de Limeil-Brévannes à lui verser la somme de 28 669,36 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, assortie des intérêts et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1804892 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés le 19 novembre 2021 et le 12 janvier 2022, Mme B..., représentée par Me Denakpo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804892 du 24 juin 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2018 du maire de la commune de Limeil-Brévannes ;

3°) d'annuler la décision du 15 février 2015 ;

4°) de condamner solidairement la commune de Limeil-Brévannes ainsi que son assurance au paiement de la somme de 183 582,04 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Limeil-Brévannes le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du maire de la commune Limeil-Brévannes est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de fait ;

- il porte une atteinte manifestement disproportionnée à sa situation personnelle ;

- il s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral ;

- la commune de Limeil-Brévannes n'a pas produit d'avis favorable émis par la commission de réforme ;

- la commission de réforme s'est montrée partiale ;

- la mise en demeure qui lui a été adressée est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle a été remise à un enfant ;

- le délai de dix jours qui lui a été accordé pour rejoindre son poste est insuffisant ;

- la mise en demeure est insuffisamment motivée ;

- la mise en demeure ne précise pas que la radiation des cadres qu'elle encourt pourra intervenir sans mise en œuvre de la procédure disciplinaire ;

- elle n'est pas signée par l'autorité compétente ;

- le délai de dix jours qui lui a été octroyé pour rejoindre son poste est insuffisant ;

- elle a transmis des arrêts maladie à la commune de Limeil-Brévannes ;

- son absence s'explique par un accident de service ;

- la commune n'établit pas avoir tenté de prendre contact avec elle ;

- elle a subi un préjudice moral et des préjudices matériels.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2022, la commune de Limeil-Brévannes, représentée par le cabinet Richer et Associés droit public, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle a été présentée tardivement, qu'elle ne comporte pas la copie du jugement attaqué, et qu'elle reproduit les écritures de première instance ;

- la demande d'annulation de l'arrêté du 14 février 2018 présentée devant le tribunal administratif de Melun était tardive et donc irrecevable ;

- les conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 février 2015 sont irrecevables dès lors que Mme B... n'a pas produit cette décision, que ces conclusions ne sont assorties d'aucun moyen, et qu'elles sont tardives ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont été précédées d'aucune demande indemnitaire préalable ;

- le moyen tiré du défaut de saisine de la commission de réforme est inopérant ;

- aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 27 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... ;

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., titulaire du grade d'adjoint technique territoriale de deuxième classe, a exercé ses fonctions au sein du service enfance/animation de la commune de Limeil-Brévannes. Par un arrêté du 14 février 2018, le maire de Limeil-Brévannes a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste à compter du 1er mars 2018. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2018 du maire de la commune de Limeil-Brévannes, à l'annulation d'une décision du 15 février 2015 portant refus de prise en charge d'une pathologie, et à la condamnation de la commune de Limeil-Brévannes au paiement d'une somme, qu'elle porte en appel à 183 582,04 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Limeil-Brévannes en date du 14 février 2018 :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposés par la commune de Limeil-Brévannes :

S'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois [...] ". Aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / [...] / 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné [...] ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié le 26 juin 2021 à Mme B.... Or, Mme B... a déposé une demande d'aide juridictionnelle, le 29 juillet 2021, soit moins de deux mois après la date de notification du jugement attaqué. Cette demande ayant donné lieu à une décision d'admission du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 27 septembre 2021, la requête d'appel, enregistrée au greffe de la Cour le 19 novembre 2021, n'est pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Limeil-Brévannes doit être écartée.

S'agissant de la fin de non-recevoir tiré du défaut de production de la copie du jugement attaqué :

4. En vertu des dispositions combinées des articles R. 412-1 et R. 811-13 du code de justice administrative, les requêtes d'appel doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie du jugement attaqué.

5. Il ressort des pièces du dossier que la requête de Mme B..., enregistrée au greffe de la Cour le 19 novembre 2021, comporte la copie du jugement attaqué. Dès lors, la commune de Limeil-Brévannes n'est pas fondée à soutenir que la requête d'appel de Mme B... est irrecevable faute de production du jugement attaqué. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Limeil-Brévannes tirée de la méconnaissance de l'article R. 412-1 du code de justice administrative doit, par suite, être écartée.

S'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative :

6. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

7. La requête de Mme B... ne constitue pas la seule reproduction littérale de ses écritures de première instance et comporte en particulier un moyen nouveau, tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté. Ainsi, la requête d'appel présentée par Mme B... ne méconnaît pas les exigences posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écartée.

S'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande, présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Melun, tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de de Limeil-Brévannes en date du 14 février 2018 :

8. La date de notification de l'arrêté du 14 février 2018 n'est pas établie, le maire de la commune de Limeil-Brévannes s'étant borné à produire un accusé de réception comportant certes une signature, mais ne mentionnant aucune date de présentation ou de distribution. Mme B... doit être regardé comme ayant connaissance acquise de cet arrêté au plus tard le 13 juin 2018, date à laquelle elle a signé un recours gracieux contestant cet arrêté, adressé au maire de la commune de Limeil-Brévannes. Or, Mme B... a présenté, dans sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Melun le même jour, des conclusions à fin d'annulation de cet arrêté. Ainsi, la demande, présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Melun, tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Limeil-Brévannes en date du 14 février 2018, n'était pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de cette demande doit être écartée.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté :

9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

10. Ainsi, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure, qui constitue une garantie pour l'intéressé au sens du principe rappelé ci-dessus, doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé et l'informant du risque encouru d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable.

11. Si Mme B... a fait l'objet de deux mises en demeure, par courriers en date du 22 novembre 2017 et du 19 janvier 2018, lui enjoignant de rejoindre son poste sous peine de radiation des cadres pour abandon de poste, ces mises en demeure ne l'informaient pas que cette radiation pouvait être mise en œuvre sans qu'elle bénéficie des garanties de la procédure disciplinaire. Ainsi, l'arrêté du 14 février 2018 par lequel le maire de la commune de Limeil-Brévannes a prononcé la radiation de Mme B... pour abandon de poste a été édicté à la suite d'une procédure irrégulière. Ce vice de procédure a privé Mme B... d'une garantie. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre cet arrêté, Mme B... est fondé à en demander l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 février 2015 :

12. Il n'appartient pas au juge d'appel, devant lequel l'appelant ne conteste pas la fin de non-recevoir opposée à ses conclusions par le premier juge, de rechercher d'office si cette fin de non-recevoir a été soulevée à bon droit.

13. En l'espèce, le tribunal administratif de Melun a rejeté comme irrecevables les conclusions de Mme B... dirigées contre la décision du 15 février 2015, sur le fondement de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, au motif qu'elle n'avait pas produit cette décision. Mme B... ne conteste pas le motif d'irrecevabilité ainsi opposé à sa demande. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2015 doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

14. Mme B... demande la condamnation de la commune de Limeil-Brévannes à lui verser une somme en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Toutefois, et ainsi que le fait valoir la commune de Limeil-Brévannes, ces conclusions indemnitaires n'ont pas été précédées d'une demande préalable, en méconnaissance de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2018 par lequel le maire de la commune de Limeil-Brévannes a prononcé sa radiation des cadres, et celle de cet arrêté.

Sur les frais liés à l'instance :

16. D'une part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de la commune de Limeil-Brévannes le versement au conseil de Mme B... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

17. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme B... le versement à la commune de Limeil-Brévannes d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804892 du 24 juin 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé en tant seulement qu'il a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Limeil-Brévannes en date du 14 février 2018 prononçant sa radiation des cadres.

Article 2 : L'arrêté du maire de la commune de Limeil-Brévannes en date du 14 février 2018 prononçant la radiation des cadres de Mme B... est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Limeil-Brévannes présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Limeil-Brévannes.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2022.

Le rapporteur,

K. C...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA05909 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05909
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : DENAKPO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-21;21pa05909 ?
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