Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2105830 du 20 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 septembre 2021 et le 11 février 2022, M. B..., représenté par Me Brevan, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105830 du 20 juillet 2021 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;
- il a méconnu son droit à être entendu ;
- seule la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile permet de justifier que les conditions prévues par l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont remplies, dès lors qu'elle ne tient pas d'audience de délibéré ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 3 de la convention des Nations unies contre la torture du 10 décembre 1984 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 24 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signée le 10 décembre 1984 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 avril 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé l'admission au séjour de M. B..., ressortissant bangladais né le 14 avril 1977, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. L'arrêté contesté, qui vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique " que la demande d'asile présentée par M. B... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 14 juin 2018, notifiée le 18 juin 2018 et que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa requête le 12 février 2021, par décision lue en audience publique ". Il précise que " l'intéressé ne justifie pas, en France, d'une situation personnelle et familiale à laquelle la présente décision porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ". Enfin, l'arrêté attaqué relève que " l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou tout autre pays où il est effectivement admissible ". Ainsi, l'arrêté attaqué, qui mentionne les textes dont il fait application ainsi que la situation personnelle de M. B... sur laquelle il se fonde, est suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....
5. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre [...] ".
6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
7. En l'espèce, M. B... soutient qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter des observations préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté. Toutefois, il n'indique pas en quoi il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu, tel qu'il est énoncé notamment au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci [...] ".
9. Contrairement à ce que soutient M. B..., il résulte des dispositions alors codifiées à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le demandeur d'asile bénéficie du droit de se maintenir en France, dans le cas où il a présenté un recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. En l'espèce, il ressort des mentions mêmes de l'arrêté contesté que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours présenté par M. B... contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 14 juin 2018 par une décision du 12 février 2021, lue en audience publique. Et en se bornant à soutenir que la Cour nationale du droit d'asile ne tient pas d'" audience de délibéré ", M. B... ne contredit pas utilement ces mentions. Ainsi, et en application des dispositions alors codifiées à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... disposait du droit de se maintenir en France jusqu'au 12 février 2021. Par suite, c'est sans méconnaître ces dispositions que le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé l'arrêté attaqué, daté du 12 avril 2021.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. B... se borne à soutenir qu'il réside en France depuis cinq ans. Toutefois, le requérant n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans. Par ailleurs, M. B... n'apporte aucune précision quant à son intégration sociale en France ou aux attaches personnelles qu'il y aurait nouées. Ainsi, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cet arrêté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
12. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : " 1. Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. / 2. Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'Etat intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ".
13. M. B... soutient qu'il encourt de graves dangers en cas de retour au Bangladesh en raison de son appartenance à la minorité hindoue. Toutefois, en se bornant à produire un courrier qui émanerait de son épouse, datée du 1er octobre 2021, ainsi qu'un courrier, daté du 10 décembre 2017, portant convocation devant le commissariat du Chandgoan, il n'établit pas qu'il encourrait des risques personnels et effectifs pour sa sécurité en cas de retour au Bangladesh, alors, au demeurant, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître le statut de réfugié, par une décision du 14 juin 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 février 2021. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 3 de la convention des Nations unies contre la torture, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision fixant le pays de renvoi au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 21 octobre 2022.
Le rapporteur,
K. A...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA05066 2