Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler son compte-rendu d'entretien professionnel réalisé au titre de l'année 2018.
Par un jugement n° 1900205 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique enregistrés le 24 août 2020, le 26 octobre 2020 et le 8 septembre 2022, M. A..., représenté par la SCP Buk Lament-Robillot, avocats aux Conseils, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900205 du 13 février 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler son compte-rendu d'entretien professionnel réalisé au titre de l'année 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors, d'une part, qu'il n'a pas été informé, préalablement à l'audience du 16 janvier 2020, du sens des conclusions du rapporteur public et de ce qu'il pouvait se rapprocher du greffe du tribunal à cette fin et, d'autre part, que le jugement ne vise pas le mémoire qu'il a produit et qui a été enregistré le 3 mai 2019 ;
- le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation, d'une insuffisance de motifs et d'une inexacte qualification juridique des faits ;
- il a insuffisamment motivé son jugement s'agissant de la prise en compte de la volonté de l'administration de le cantonner à des tâches inutiles et irréalisable, révélatrice d'un harcèlement moral ;
- le compte-rendu d'entretien professionnel attaqué est entaché d'inexactitude matérielle des faits ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2010-302 du 19 mars 2010 ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;
- l'arrêté du 7 décembre 2010 relatif à l'entretien professionnel et à la reconnaissance de la valeur professionnelle des secrétaires administratifs du ministère de la défense ;
- l'arrêté du 10 septembre 2012 relatif à l'entretien professionnel et à la reconnaissance de la valeur professionnelle des fonctionnaires et de certains agents non titulaires civils du ministère de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été intégré dans le corps des secrétaires administratifs du ministère de la défense à compter du 1er novembre 2003. Il a occupé successivement les fonctions de chef du bureau finances au commissariat de l'armée de terre jusqu'en 2004 puis, chef de la cellule pilotage/contrôle de gestion/qualité au centre de doctrine et d'emploi des forces (CDEF) entre 2004 et 2009. A compter de son arrivée en Nouvelle-Calédonie, le 26 janvier 2009, M. A... a exercé les fonctions d'adjoint au chef du service transit militaire interarmées de Nouvelle-Calédonie (SMTI-NC) au sein du commandement supérieur des forces de Nouvelle-Calédonie (Comsup NC), jusqu'au 15 février 2012. Il a ensuite été affecté auprès de la délégation à l'information et à la communication du groupement de soutien de la base de défense de la Nouvelle-Calédonie (Dicom-GSBdD NC) pour y exercer les fonctions d'assistant de l'officier " pilotage-contrôle interne ". De 2013 à 2016, le requérant a occupé le poste de référent du " système de management intégré " (SMI) au sein du bureau " Pilotage/contrôle interne/Synthèse " de la délégation à l'information et à la communication du Groupement de soutien de la base de défense de Nouvelle-Calédonie (Dicom-GSBdD NC). Au mois de février 2019, date à laquelle le compte rendu d'entretien professionnel au titre de l'année 2018 de M. A... lui a été notifié, il occupait au sein du même bureau un poste d'assistant de l'officier pilotage - contrôle interne. M. A... relève appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de son compte-rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si M. A... soutient qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, il n'a pas été mis à même de prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience du tribunal qui s'est tenue le 16 janvier 2020, il ressort du dossier de première instance, d'une part, que l'avis d'audience en date du 27 décembre 2019 qui lui a été adressé par le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et dont il a accusé réception le 8 janvier 2020, l'informait de la possibilité de prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience, en consultant l'application Sagace au moyen du code d'accès qui lui avait été communiqué, et l'invitait, en cas d'impossibilité de consulter en ligne l'application Sagace, à prendre contact avec le greffe, et d'autre part, que le sens des conclusions a été mis en ligne le 14 janvier 2020. Par suite, le moyen manque en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
4. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que celui-ci a répondu au mémoire aux fins de production de pièces présenté le 3 mai 2019 par M. A..., et que les pièces justificatives jointes à ce mémoire ont été prises en compte. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est entaché d'irrégularité pour n'avoir pas visé ce mémoire, et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la requête, ont suffisamment exposé, au point 11 du jugement attaqué, les motifs sur lesquels ils se sont fondés pour écarter le moyen tiré de ce que
l'absence de réponse de sa hiérarchie à ses différentes demandes tendant à l'octroi des informations et moyens nécessaires à la réalisation de ses missions, révèle l'existence d'une situation de harcèlement. Ils ont à ce titre relevé que les éléments de faits avancés par M. A..., à savoir l'absence de réponse de sa hiérarchie à des courriels produits à l'instance, dans lesquels il sollicite de sa hiérarchie des moyens et une formation pour lui permettre de satisfaire aux objectifs qui lui ont été fixés, ne sont pas suffisant pour faire présumer l'existence d'un harcèlement ou d'une discrimination. Si M. A... conteste l'appréciation ainsi effectuée par le tribunal, une telle critique ressortit du bien-fondé du jugement.
6. En quatrième lieu, hormis dans le cas où les juges de première instance ont méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à eux et ont ainsi entaché leur jugement d'irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. A... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation, d'une insuffisance de motifs et d'une inexacte qualification juridique des faits.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. Aux termes de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 : " (...) l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct ". Aux termes de l'article 2 du décret
n° 2010-888 du 28 juillet 2010 : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. / Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance. ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. / Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. / Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. / Le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui le signe pour attester qu'il en a pris connaissance puis le retourne à l'autorité hiérarchique qui le verse à son dossier ".
8. Il ressort des pièces du dossier que pour l'année 2018, les objectifs suivants avaient été fixés à M. A... : premièrement, élaborer, rédiger et mettre à jour les organigrammes fonctionnels suite au déploiement du SMI, en prenant contact avec les différents services et bureaux de la Dicom GSBdD NC, en pilotant les réunions en tant qu'expert du domaine, en rédigeant les documents normalisés et en les mettant à jour en fonction des mutations tout au long de l'année ; deuxièmement, élaborer une cartographie des risques par service et rédiger les référentiels de contrôle interne correspondants ; troisièmement, animer le réseau des correspondants SMI, en communiquant sur l'avancée des travaux au sein de la Dicom et en publiant de procédures validées sur le site Intradef. Le compte-rendu d'entretien indique que l'objectif n° 2 est devenu non pertinent, du fait de l'absence de déploiement du SMI au sein des services. Les deux autres objectifs sont considérés comme n'ayant pas été atteints. S'agissant de l'objectif n° 1, il est indiqué que M. A... a présenté un seul projet de note sur l'ensemble de l'année, qu'il n'a rédigé aucun document normalisé, n'a piloté aucune réunion et n'a effectué aucun compte-rendu bimensuel. S'agissant de l'objectif n° 3, il est relevé que la rédaction d'un article par trimestre était demandée à M. A... pour promouvoir le SMI au sein de la Dicom GSBdD NC mais qu'il n'a fait aucune proposition. Par ailleurs, dans la partie VI du compte-rendu d'entretien d'évaluation, sous la rubrique " évaluation globale des résultats ", la case " Agent dont les résultats sont insuffisants par rapports aux objectifs fixés " a été cochée. L'appréciation littérale de Mme B..., supérieure hiérarchique directe de M. A... précise que " M. A... ignore son supérieur hiérarchique et ne répond pas aux sollicitations professionnelles. Il ne démontre aucune implication dans son travail et refuse de collaborer avec le reste du bureau de pilotage. Son attitude inacceptable a pesé sur l'ambiance et la productivité du bureau ".
9. M. A... ne conteste pas ne pas avoir atteint les résultats qui lui étaient fixés, s'agissant des objectifs n° 1 et n° 3, mais soutient que ceux-ci étaient irréalistes et qu'il n'avait pas les moyens de les atteindre. Il fait valoir que son évaluateur ne mentionne pas les demandes répétées de moyens supplémentaires qu'il a adressées à sa hiérarchie et les refus opposés à ses demandes de formation et produit pour l'établir des extraits de courriels sollicitant des moyens ou une formation, adressés à sa supérieure hiérarchique directe ou à l'autorité hiérarchique. Il se prévaut également de l'absence de désignation formelle des pilotes de processus au sein de chaque service en 2018, du refus de sa hiérarchie de lui donner accès aux logiciels utilisés dans le cadre de la démarche pilotage contrôle interne qui contribuent à l'analyse des risques notamment comptables, et de l'absence de pré-requis à la mise en place du contrôle interne (CI) conformément aux directives 2017 du centre d'analyse et de contrôle interne (CACI) .Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment du compte rendu d'entretien professionnel de M. A... pour 2018 qu'à titre principal, il lui a été reproché un comportement inadapté vis à vis de sa hiérarchie, un refus de tout dialogue avec son chef de bureau et une absence d'implication dans son travail qui ne peuvent en tout état de cause pas s'expliquer par un manque de moyens ou de formation. D'autre part, M. A... ne conteste pas les faits qui ont conduit son notateur à considérer que les objectifs n° 1 et n° 3 n'avaient pas été atteints, à savoir l'absence de rédaction d'un document normalisé, de pilotage de réunion ou de proposition d'article pour promouvoir le SMI au sein de la Dicom GSBdD NC. Si M. A... prétend qu'il a toujours affiché une volonté d'assurer les tâches qui lui avaient été confiées et que l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de le faire était imputable à sa hiérarchie, il ressort de sa fiche de poste, actualisée en août 2017, que la rédaction ou l'aide à la rédaction de certains des documents dont il regrette l'absence de communication de la part de sa hiérarchie relevait, précisément, de ses missions. Par ailleurs, si M. A... soutient qu'il n'a pas, depuis 2016, accès aux logiciels " métiers " utilisés dans le cadre du pilotage et du contrôle interne, il n'établit pas qu'il ne pouvait pas conduire tout ou partie de la mission qui lui avait été confiée sans le recours à ces logiciels et que cela expliquerait ses difficultés à satisfaire ses objectifs, alors au surplus qu'en défense, le ministre des armées soutient sans être contesté qu'il n'existe pas à proprement parler de logiciel de pilotage en Nouvelle-Calédonie, en-dehors du PXY4 auquel seul le chef de bureau a accès, et que M. A... utilise un tableur Excel. Il en va de même de la circonstance que sa hiérarchie n'aurait pas, selon lui, respecté la directive de 2017 du centre d'analyse et de contrôle interne (CACI) et les recommandations du rapport d'audit de l'inspection du commissariat des armées (ICA) du 20 avril 2018, sur lesquels il a fondé ses demandes de moyens. Enfin, si M. A... soutient que sa hiérarchie a refusé les formations qu'il a demandé en matière de management des risques et de contrôle interne, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'extrait du compte-rendu de son entretien d'évaluation au titre de 2014, que M. A... donnait à cette date entière satisfaction dans le cadre de ses fonctions, similaires à celles qu'il occupait en 2018, ses capacités de travail en équipe et d'écoute, ses qualités rédactionnelles et son implication, notamment, étant qualifiées d'excellentes. Alors qu'il disposait donc, ainsi que le soutient le ministre, des compétences nécessaires, M. A... n'établit pas que les objectifs qui lui ont été assignés pour 2018 étaient, comme il le soutient, fondamentalement irréalisables et que la décision attaquée serait entachée d'erreur de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout de ce qui précède que, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de son compte-rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2018. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre des armées.
Copie en sera adressée au Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2022.
La rapporteure,
C. D...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02422 2