Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les arrêtés du
6 août 2021 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois.
Par un jugement n° 2111262 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois, a enjoint au préfet de police de prendre toute mesure utile pour qu'il soit mis fin au signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 décembre 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 2111262 du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la requête de M. B....
Il soutient que :
- dès lors qu'aucun délai de départ volontaire n'avait été octroyé à M. B..., il était tenu de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français sauf circonstance humanitaire qui n'existe pas ici ;
- la durée de 24 mois a été fixée en fonction des critères prévus à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... constituant notamment une menace pour l'ordre public ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2022, M. B..., représenté par
Me Launois, conclut à la confirmation du jugement, à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 25 septembre 1995 à Sidi Boumehdi au Maroc, a été interpelé le 5 août 2021. Par des décisions du 6 août 2021, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination duquel il pourra être reconduit, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Le préfet de police relève appel du jugement du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a annulé la décision lui interdisant le retour sur le territoire français du 6 août 2021 pour une durée de 24 mois et enjoint au préfet de police de prendre toute mesure utile pour qu'il soit mis fin au signalement de
M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Montreuil :
2. Pour annuler la décision contestée, le premier juge s'est fondé sur une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Aux termes de l'article 25 de la convention d'application de l'Accord de Schengen du
14 juin 1985 : " 1. Lorsqu'une Partie Contractante envisage de délivrer un titre de séjour à un étranger qui est signalé aux fins de non-admission, elle consulte au préalable la Partie Contractante signalante et prend en compte les intérêts de celle-ci ; le titre de séjour ne sera délivré que pour des motifs sérieux, notamment d'ordre humanitaire ou résultant d'obligations internationales. / Si le titre de séjour est délivré, la Partie Contractante signalante procède au retrait du signalement, mais peut cependant inscrire cet étranger sur sa liste nationale de signalement. / 2. Lorsqu'il apparaît qu'un étranger titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'une des Parties Contractantes est signalé aux fins de non-admission, la Partie Contractante signalante consulte la Partie qui a délivré le titre de séjour afin de déterminer s'il y a des motifs suffisants pour retirer le titre de séjour. / Si le titre de séjour n'est pas retiré, la Partie Contractante signalante procède au retrait du signalement, mais peut cependant inscrire cet étranger sur sa liste nationale de signalement. ".
4. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). "
5. Le jugement est fondé sur la circonstance que cette décision aurait pour conséquence d'interdire à M. B... de revenir en France et dans tout pays de l'espace Schengen alors qu'il était titulaire, à la date d'édiction de l'arrêté contesté, d'une carte d'identité italienne valable du 31 août 2020 jusqu'au 25 septembre 2030 portant la mention " non valida per l'espatrio ", et d'un permis de séjour italien (permesso di soggiorno) portant la mention " Permesso di soggiorno - Illimitata " délivré le 5 septembre 2011.
6. Outre que ces seuls éléments ne constituent pas des circonstances humanitaires au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 612-6 précité, il ne résulte pas des stipulations de l'article 25 de la convention d'application de l'accord de Schengen, lesquelles prévoient que lorsqu'un étranger est titulaire d'un titre de séjour délivré par l'une des parties contractantes, l'Etat signalant limite l'inscription de l'intéressé à sa liste nationale de signalement, à moins que l'Etat qui a délivré ce titre, saisi par l'Etat signalant, estime qu'il existe des motifs sérieux pour retirer le titre de séjour, que la décision d'interdiction de retour sur le territoire prise à son encontre aurait, par elle-même, pour effet de lui interdire de se rendre sur le territoire de l'Etat italien où un permis de séjour lui a été délivré. Par ailleurs, les conditions d'exécution du signalement sont sans incidence sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français dont le principe et la durée sont régis par les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code précité.
7. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire prise le 8 août 2020 par le préfet de la Seine-Saint-Denis à laquelle il s'est soustrait et que lors de son audition par les services de police le 5 août 2021, il a déclaré être entré en 2020 en France où il n'il n'a pas d'enfant à charge et a reconnu être l'auteur de faits d'escroquerie commis le même jour.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a accueilli le moyen tiré de l'erreur d'appréciation pour annuler la décision du 6 août 2021 interdisant le retour sur le territoire français à M. B... pour une durée de 24 mois.
9. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... :
10. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et refusant d'accorder un délai de départ volontaire n'étant entachées d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, ne peut qu'être écarté.
11. La décision mentionne que M. B... représente une menace pour l'ordre public dès lors que son comportement a été signalé le 5 août 2021 pour escroquerie, qu'il allègue être entré sur le territoire français en 2020, qu'il ne peut se prévaloir de liens suffisamment anciens et caractérisés avec la France étant constaté qu'il se déclare sans enfant à charge et qu'il a fait l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 8 août 2020 à laquelle il s'est soustrait. Elle est ainsi suffisamment motivée.
12. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né en 1995, n'est entré en France, selon ses déclarations, qu'en 2020, qu'il n'a pas de charge de famille et que son comportement a été signalé le 5 août 2021 pour escroquerie. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant la décision contestée, le préfet de police a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis.
14. Lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. La décision portant interdiction à M. B... de revenir sur le territoire français pendant un délai de vingt-quatre mois n'étant pas illégale, pour les motifs énoncés ci-dessus, le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à exciper de la prétendue illégalité du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 6 août 2021 du préfet de police portant interdiction de retour sur le territoire français. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 2111262 du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.
Le rapporteur,
J.F C...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06692