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20/10/2022 | FRANCE | N°21PA04153

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 octobre 2022, 21PA04153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Moindou a rejeté sa demande tendant au raccordement en eau potable des bâtiments situés sur la parcelle n° 906 de la section Teremba de la commune.

Par un jugement n° 2000240 du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et des mémoires complémentai

res, enregistrés le 22 juillet 2021, 22 août 2021 et le 29 avril 2022, M. A..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Moindou a rejeté sa demande tendant au raccordement en eau potable des bâtiments situés sur la parcelle n° 906 de la section Teremba de la commune.

Par un jugement n° 2000240 du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires, enregistrés le 22 juillet 2021, 22 août 2021 et le 29 avril 2022, M. A..., représenté par Me Lepape, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000240 du 22 avril 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Moindou a rejeté sa demande tendant au raccordement en eau potable des bâtiments situés sur la parcelle n° 906 de la section Teremba de la commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Moindou la somme de 200 000 francs Pacifique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais exposés devant les premiers juges et la même somme pour les frais exposés en appel.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la commune a l'obligation de lui fournir accès à l'eau potable et que la parcelle est dans une zone déjà desservie par le réseau public d'adduction ;

- la décision attaquée procède d'une rupture injustifiée de l'égalité d'accès devant le service public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2022, la commune de Moindou, représentée par Me de Greslan, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 350 000 francs Pacifique soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par un courrier en date du 22 septembre 2022, les parties ont été informées, en vertu de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de prononcer d'office une injonction de réexamen de la demande de M. A... sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- le code des communes de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Doré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 30 juillet 2018, le président de l'assemblée de la Province Sud a délivré à M. A... un permis de construire trois bâtiments agricoles sur la parcelle n° 906 dont ce dernier est locataire dans la commune de Moindou. Par courrier reçu le 7 avril 2020, M. A... a demandé au maire la réalisation de travaux de raccordement de ces constructions au réseau public d'eau potable. Par la présente requête, M. A... demande l'annulation du jugement du 22 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet, née le 7 juin 2020 du silence gardé par le maire de Moindou.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2 D'une part, l'autorité responsable d'un service public de distribution de l'eau au public peut refuser la réalisation de travaux de raccordement d'un terrain particulier, dans le respect du principe d'égalité devant le service public, pour des motifs tirés de la bonne gestion et de la préservation de la qualité du service d'adduction d'eau, en tenant compte notamment du coût de ces travaux, de l'intérêt public et des conditions d'accès à d'autres sources d'alimentation en eau potable.

3 D'autre part, le 6° de l'article Lp. 121-16 du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie permet à l'autorité compétente en matière d'autorisations individuelles d'urbanisme de refuser la délivrance d'un permis de construire, de s'opposer à une déclaration préalable ou d'assortir sa décision de prescriptions lorsque des travaux, par leur situation ou leur importance, imposent " soit la réalisation par la commune d'équipements publics nouveaux hors de proportion avec ses ressources actuelles, soit un surcroît important des dépenses de fonctionnement des services publics ". Aucune disposition du code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie ne prévoit en revanche que l'autorité chargée de la police spéciale de l'urbanisme puisse s'opposer au raccordement définitif aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone de bâtiments, locaux ou installations soumis à autorisation individuelle d'urbanisme au motif que leur construction ou leur transformation n'aurait pas été autorisée.

4 La commune de Moindou, dont il est constant qu'elle assure le service de distribution d'eau potable au public, fait valoir que le permis de construire délivré à M. A... autorise, non pas une construction à destination d'habitation, mais des constructions agricoles et que ce permis a été délivré alors que n'avaient pas été présentés les modalités de raccordements aux réseaux publics ou les équipements privés maintenus ou créés pour l'alimentation en eau. Un tel motif n'est toutefois pas de nature à fonder légalement un refus de réalisation de travaux de raccordement. Il en va de même de l'affirmation selon laquelle l'activité agricole de M. A... ne respecterait pas les obligations environnementales en la matière, l'intéressé établissant au surplus que son établissement a fait l'objet d'une déclaration au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.

5. M. A... fait par ailleurs valoir que trois parcelles contigües de celle qu'il exploite bénéficie d'un raccordement au réseau d'adduction en eau potable depuis un château d'eau, produisant pour en attester des photographies aériennes, la photographie d'un compteur installé sur l'une de ces parcelles voisines ainsi que le courrier par lequel des propriétaires avaient exprimé leur accord à la pose d'un compteur d'eau à proximité du regard se situant sur leur parcelle. La commune n'expose pas en quoi la situation de la parcelle louée par le requérant différerait de celles des parcelles voisines à cet égard, ni ne fait état d'aucun motif tiré de la bonne gestion ou de la préservation de la qualité du service qui s'opposerait aux travaux de raccordement sollicités. Dans ces conditions, la décision implicite rejetant la demande de réalisation des travaux de raccordement au réseau d'eau potable ne peut qu'être regardée comme procédant d'une rupture d'égalité de traitement devant le service public.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Le jugement du 22 avril 2021 et la décision implicite de rejet de la commune doivent dès lors être annulés.

Sur l'injonction :

7.Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé./La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".

8. Eu égard au motif d'annulation de la décision implicite rejetant la demande de réalisation des travaux de raccordement sollicités par M. A..., l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit procédé à un nouvel examen de cette demande. Il y a lieu d'enjoindre, d'office, à la commune de Moindou d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Moindou demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune une somme de 200 000 francs Pacifique à verser à M. A... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000240 du 22 avril 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et la décision implicite du maire de la commune de Moindou rejetant la demande de raccordement au réseau d'adduction en eau potable sont annulés.

Article 2 : La commune de Moindou versera à M. A... une somme de 200 000 francs Pacifique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Moindou de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Moindou.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la Province Sud.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

La rapporteure,

L. C...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

C. POVSELa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04153
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SELARL DE GRESLAN-LENTIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-20;21pa04153 ?
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