Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 4 octobre 2018 par lequel le maire de Fontenay-sous-Bois a ordonné l'interruption immédiate des travaux entrepris au 40 rue des Quatre Ruelle-110 rue Gabriel Péri.
Par un jugement n° 1902106 du 12 mai 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2021 et le 7 février 2022, Mme B..., représentée par Me Darchis, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902106 du 12 mai 2021 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Fontenay-sous-Bois en date du 4 octobre 2018 ordonnant l'interruption immédiate des travaux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Fontenay-sous-Bois et de son maire la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est intervenu au terme d'une procédure méconnaissant le principe du contradictoire ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté repose sur des faits inexacts dès lors que les travaux n'ont pas été interrompus.
Par un mémoire, enregistré le 1er décembre 2021, la commune de Fontenay-sous-Bois, représentée par la SELARL Landot et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation est inopérant dès lors que le maire se trouvait en situation de compétence liée pour ordonner l'arrêt des travaux ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés ;
- le maire agissant au nom de l'Etat, les conclusions présentées au titre des frais irrépétibles par Mme B... sont mal dirigées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens tirés de la méconnaissance de la procédure contradictoire et de l'insuffisance de motivation sont inopérants dès lors que le maire se trouvait en situation de compétence liée pour ordonner l'arrêt des travaux ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- et les observations de Me Darchis, avocat de Mme B..., et Me Poiré, substituant
Me Landot, avocat de la commune de Fontenay-sous-Bois.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de Fontenay-sous-Bois a délivré le 22 octobre 2009 à Mme B... un permis de construire pour la surélévation d'un local d'activité et l'édification d'une maison au 110 rue Gabriel Péri. Par un arrêté du 4 octobre 2018, le maire, agissant au nom de l'Etat, a ordonné l'interruption immédiate des travaux. Par la présente requête, Mme B... demande l'annulation du jugement du 12 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les écritures de la commune de Fontenay-sous-Bois :
2. Le maire ayant agi au nom de l'Etat en édictant l'arrêté du 4 octobre 2018, la commune n'a pas qualité de partie au litige. Ses écritures tendant au rejet de la requête de Mme B... doivent par suite être regardées comme constituant une intervention au soutien du mémoire en défense présenté par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. La commune de Fontenay-sous-Bois justifiant d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté du 4 octobre 2018 contesté par Mme B..., son intervention doit être admise.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de délivrance du permis de construire : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année ". L'article 1er du décret du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable a, pour les permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010, porté à trois ans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, du reste ultérieurement allongé de façon pérenne. Il résulte de ces dispositions que l'interruption des travaux ne rend caduc un permis de construire que si sa durée excède un délai d'un an, commençant à courir après l'expiration du délai de deux ans, porté à trois ans par le décret du 19 décembre 2008, imparti par le premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. Les infractions mentionnées à l'article L. 480-4 peuvent être constatées par les agents commissionnés à cet effet par le ministre chargé de la culture et assermentés lorsqu'elles affectent des immeubles soumis aux dispositions législatives du code du patrimoine relatives aux monuments historiques, aux abords des monuments historiques ou aux sites patrimoniaux remarquables ou aux dispositions législatives du code de l'environnement relatives aux sites et qu'elles consistent soit dans le défaut de permis de construire, soit dans la non-conformité de la construction ou des travaux au permis de construire accordé. (...). Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux ". L'avant-dernier alinéa de ce même article dispose que " Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un permis de construire est devenu caduc, le maire doit faire dresser un procès-verbal d'infraction et peut prendre un arrêté d'interruption des travaux.
5. En vertu de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du même code, au nombre desquelles figurent les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière plus générale, constituent une mesure de police, ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales, sauf en cas de risque pour la sécurité ou la salubrité publique imposant une procédure d'urgence en application de l'article L. 121-2 du même code.
6. En premier lieu, par un courrier daté du 24 août 2018, le maire de la commune a informé Mme B... qu'un arrêté interruptif de travaux était susceptible d'être pris à son encontre sur le fondement de l'article L. 480-2, au motif qu'il avait été constaté que des travaux étaient en cours en dépit de la mise en demeure du 10 avril 2018 et alors que l'intéressée n'était plus titulaire d'une autorisation d'urbanisme valide. Il ressort en outre des pièces du dossier que Mme B... a eu connaissance au plus tard le 25 avril 2018, date à laquelle elle y a répondu, du courrier du 10 avril 2018 par lequel le maire lui rappelait estimer que le permis de construire était caduc. La requérante a ainsi été mise à même de présenter utilement des observations sur la possible édiction d'un arrêté ordonnant l'interruption des travaux. Mme B... a ainsi présenté des observations écrites sur cette mesure avant la date du 21 septembre 2018 qui lui avait été impartie. Contrairement à ce qu'elle soutient, la mention selon laquelle elle y indiquait alors se tenir à disposition pour une autre rencontre ne peut être regardée comme une demande tendant à pouvoir présenter en outre des observations orales. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire préalable doit être écarté.
7. En deuxième lieu, l'arrêté du 4 octobre 2018 vise notamment les articles L. 480-1 et suivants du code de l'urbanisme, fait état du constat de péremption du permis de construire réalisé par un agent assermenté le 19 avril 2017, du procès-verbal d'infraction dressé le 14 mai 2017 ainsi que de la mise en demeure de stopper les travaux en date du 10 avril 2018. Il énonce ensuite que les travaux en cours sont réalisés sans autorisation administrative et qu'il est de l'intérêt général de les interrompre. Le maire a ainsi exposé les circonstances de fait et de droit sur lesquelles il s'est fondé pour prendre prescrire l'interruption des travaux. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet acte doit être écarté.
8. En dernier lieu, si la date de notification du permis de construire délivré le 22 octobre 2009 ne ressort pas des pièces du dossier, il est constant qu'une déclaration d'ouverture de chantier a été déposée en mairie le 23 mai 2011. Le délai de validité de trois ans a commencé à courir au plus tard à cette date et s'achevait le 23 mai 2014. Si des factures attestent de la réalisation de travaux de reprise en sous-œuvre par une société en avril 2016 puis en novembre 2016, le document daté du 4 septembre 2014 portant sur des travaux supplémentaires de renforcement d'un mur de soutènement ne comporte pas de précisions permettant de déterminer s'il s'agit d'un devis ou d'une facture après réalisation des travaux. Pour la période courant du 24 mai 2014 au 24 mai 2015, aucun document n'atteste ainsi de la réalisation effective de travaux par une entreprise. Si Mme B... fait valoir qu'elle et son conjoint ont été contraints de réaliser eux-mêmes des travaux de déblaiement du chantier, de raccordement d'écoulements d'eaux pluviales, de terrassement et d'enfouissement de réseaux aérauliques durant cette période, les pièces du dossier, consistant en des attestations très imprécises de voisins et le constat réalisé en juin 2020 de l'état de la construction, ne permettent pas d'établir la date de réalisation et l'ampleur de ces travaux. Le maire de la commune a dès lors pu légalement estimer que les travaux avaient été interrompus sur une période de plus d'une année au sens de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme et que le permis de construire délivré en 2009 était périmé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Fontenay-sous-Bois, qui n'est pas partie dans la présente instance, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais de l'instance. Il n'y a pas davantage lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la commune de Fontenay-sous-Bois est admise.
Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Fontenay-sous-Bois présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Fontenay-sous-Bois.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.
La rapporteure,
L. C...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
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N° 21PA03927