Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2127392/1-3 du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 avril 2022 et 19 août 2022, M. C..., représenté par Me Toloudi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 23 mars 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 3 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente un récépissé de demande de titre de séjour, dans le délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de son signataire ;
- cet arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que le préfet a saisi le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; l'avis de ce dernier n'a pas été produit ;
- le préfet de police a méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; l'interruption de son traitement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; le traitement approprié à sa pathologie n'est pas disponible en Algérie ;
- l'arrêté du préfet porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- cette mesure d'éloignement est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- la décision fixant le pays de destination viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques pour son état de santé ;
- la décision interdisant son retour sur le territoire français durant vingt-quatre mois n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- en se fondant à tort sur l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de droit ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole les stipulations de l'article 42 du règlement (CE) n°1987/2006 du 20 décembre 2006, s'agissant du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un mémoire enregistré le 19 juillet 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 13 juin 2022.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 30 septembre 1977, déclare être entré en France le 11 janvier 2016. Par un arrêté du 3 septembre 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. M. C... demande à la cour d'annuler le jugement du 23 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :
2. L'arrêté en litige a été signé le 3 septembre 2021 par Mme Catherine Kergonou, conseillère d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, cheffe du neuvième bureau du service de l'administration des étrangers à la délégation à l'immigration de la préfecture de police, qui a reçu une délégation de signature à cette fin consentie par le préfet de police par un arrêté
n° 2021-00861 du 24 août 2021, publié au recueil des actes administratifs spécial du 25 août 2021. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit donc être écarté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision attaquée, prise notamment sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, mentionne les éléments de droit dont elle fait application ainsi que les considérations de fait relatives à la situation personnelle, familiale et médicale de M. C.... Elle est par suite suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de titre de séjour formées par les ressortissants algériens sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco- algérien : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". M. C... soutient que le collège de médecins mentionné par ces dispositions n'aurait pas été saisi avant édiction de la décision de refus de titre de séjour. Toutefois, il ressort des pièces produites par le préfet de police devant le tribunal que ce collège s'est réuni et a émis un avis le 19 juillet 2021. Le requérant n'apporte par ailleurs aucun élément permettant de présumer que cet avis, qui comporte les noms et signatures des membres du collège ainsi que le nom du médecin auteur du rapport médical, n'aurait pas été régulièrement émis. Enfin, aucun texte n'imposait la transmission dudit avis, produit en première instance, à l'intéressé préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué. Le moyen tiré du vice de procédure doit donc être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 visé précédemment : " Le certificat de résidence d'un an portant " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".
6. M. C..., qui souffre d'un épisode dépressif et de stress post-traumatique, bénéficie d'un suivi et de traitements psychiatriques en France. Il produit des documents médicaux qui mentionnent sa pathologie et les médicaments qui lui sont prescrits, notamment deux certificats des 16 mars 2018 et 11 janvier 2022 rédigés par des psychiatres. Toutefois, ces éléments ne permettent pas de contredire utilement l'appréciation du préfet de police qui s'est appuyé sur l'avis du collège de médecins pour estimer que si l'intéressé souffre d'une pathologie qui nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, dès lors qu'ils sont rédigés dans des termes dépourvus de précision quant aux risques encourus en cas d'absence de traitement. Ainsi, alors au surplus que l'un d'entre eux est postérieur à l'arrêté litigieux, ils n'indiquent pas quelles seraient les conséquences d'un défaut de traitement. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien doit ainsi être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
8. M. C... soutient qu'il est entré en France le 11 janvier 2016, qu'il a noué depuis des liens personnels sur le territoire français et que son père, qui résidait en Algérie, est décédé. Il ressort cependant des pièces du dossier que le requérant est célibataire, sans charge de famille, et que ses frères et sœurs ainsi que sa mère résident toujours dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant la décision contestée.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 du présent arrêt que la décision par laquelle le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.
10. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation en raison de ses conséquences exceptionnelles sur son état de santé.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. C... fait valoir que ces stipulations ont été méconnues dès lors qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge médicale en Algérie. Toutefois, comme il a été dit au point 6 du présent arrêt, il n'établit pas qu'une absence de traitement aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le moyen ne peut par suite qu'être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Les décisions les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et
L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
13. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français mentionne l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, et indique que M. C... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français du 15 octobre 2018, notifiée le 18 octobre 2018. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.
14. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les décisions par lesquelles le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... et l'a obligé à quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant vingt-quatre mois n'est pas dépourvue de base légale.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire, entre dans le champ des dispositions précitées de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de police n'a pas commis d'erreur de droit en faisant application de ces dispositions et non de celles de l'article L. 612-7 du même code, qui régissent le cas dans lequel un étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire et que M. C... ne peut par suite utilement soulever.
16. En dernier lieu, si le requérant soutient que l'article 42 du règlement (CE) n° 1987/2006 du 20 décembre 2006 a été méconnu en ce qu'il n'aurait pas reçu d'information complète quant à son enregistrement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, cet article ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français. En tout état de cause, il ressort de l'article 6 de l'arrêté attaqué que M. C... a été informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 septembre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990 doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
La rapporteure,
G. B...Le président,
I. LUBENLe greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01935
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