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18/10/2022 | FRANCE | N°21PA01773

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 octobre 2022, 21PA01773


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, de condamner le Groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris Psychiatrie et Neurosciences à lui verser la somme de 23 772 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de sa prise en charge, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise et de nommer un expert.

Par un jugement n° 1911275/6-2 du

9 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, de condamner le Groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris Psychiatrie et Neurosciences à lui verser la somme de 23 772 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de sa prise en charge, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise et de nommer un expert.

Par un jugement n° 1911275/6-2 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 avril 2021, et un mémoire, enregistré le 15 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Bondais, puis par la SCP Gadiou-Chevallier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1911275/6-2 du 9 février 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) avant dire droit, d'ordonner une expertise médicale et de désigner un expert ;

3°) de condamner le GHU à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 41 000 euros portant intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire ;

4°) de mettre à la charge du GHU la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens tirés de ce que des fautes ont été commises s'agissant du diagnostic et de la prescription médicale ;

- en méconnaissance des dispositions des articles L. 1111-2 et L. 1142-1 du code de la santé publique, le docteur A...*** du centre médico psychologique de la Maison Blanche a commis des fautes en lui prescrivant à fortes doses, sans avoir préalablement recueilli son consentement et avoir souscrit à son devoir d'information, un médicament très dangereux, aux fins de traitement d'une pathologie dont elle ne souffrait pas, avec pour conséquence une prise de poids très importante, et ce sans que ses effets secondaires indésirables ne lui soient signalés ; ce médecin a par ailleurs manqué à son devoir de confidentialité et au secret médical à l'occasion de l'expertise amiable ;

- la prise de ce médicament a entrainé une prise de poids, conséquente et définitive, de l'ordre de 16 kg, à l'origine d'un préjudice personnel et professionnel important ;

- l'expert mandaté par l'assureur du GHU a rendu un rapport établi en méconnaissance du principe du contradictoire et sans respect du secret professionnel ; son rapport est entaché d'erreurs et de faits mensongers et est dépourvu d'objectivité ; l'expert ne saurait être regardé comme impartial dès lors qu'il exerce lui-même dans un centre médico-psychologique ; il a méconnu les dispositions des articles R. 4127-108, R. 4127-28 du code de la santé publique ; une expertise judiciaire, dont l'utilité est avérée, doit dès lors être diligentée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2022, et un mémoire de production de pièces, enregistré le 12 avril 2022, le GHU, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la matérialité de la prise de poids alléguée par Mme B... et le lien de causalité entre celle-ci et le médicament incriminé ne sont pas établis ;

- les fautes invoquées ne sont pas établies ;

- une expertise judiciaire est dès lors inutile ;

- la demande indemnitaire est irrecevable en tant qu'elle excède la montant réclamé en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.

Une note en délibéré, enregistrée le 17 octobre 2022, a été présentée pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née en 1980, a été prise en charge au sein du centre médico-psychologique du 6ème secteur de psychiatrie adulte du Groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris Psychiatrie et Neurosciences, au cours de l'année 2017 et début 2018. Par courriers des 2 août 2018, 14 septembre et 8 octobre 2018, elle a sollicité auprès du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis consécutifs à une prise de poids excessive sur une brève période du fait de la prescription selon elle fautive d'un médicament par une praticienne du centre hospitalier. Le GHU a diligenté une expertise amiable, réalisée par un psychiatre mandaté par son assureur. Par courrier du 10 avril 2019, l'expert ayant conclu à l'absence de lien de causalité entre l'administration d'Olanzapine et la prise de poids de la patiente, le GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences a rejeté la demande indemnitaire de Mme B.... Celle-ci relève appel du jugement du 9 février 2021 du tribunal administratif de Paris portant rejet de ses demandes indemnitaires et d'expertise judiciaire.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Contrairement à ce que soutient Mme B..., les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse aux moyens tirés de ce que des fautes auraient été commises s'agissant du diagnostic et de la prescription médicale au point 4 de leur jugement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

Sur la demande d'expertise :

4. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation ".

5. Il appartient au juge, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en responsabilité du fait des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée.

6. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'assureur du GHU, en accord avec Mme B..., a désigné le docteur E...*** en qualité d'expert amiable. L'expertise diligentée par ce dernier a été réalisée dans les mêmes conditions qu'une expertise judiciaire, notamment au contradictoire de Mme B.... Par ailleurs, celle-ci a pris l'initiative de consulter le docteur M*** qui a également rendu un rapport amiable - mais non contradictoire - sur son état de santé. Ces deux rapports, quand bien même les conclusions du premier expert seraient-elles contestées par la requérante, contiennent des éléments permettant à la cour de se prononcer sur la responsabilité de l'établissement public de santé en raison des différentes fautes invoquées. Si, par ailleurs, Mme B... soutient que l'expertise diligentée par l'assureur du GHU et confiée au docteur E...*** est irrégulière en ce que l'expert, qui se serait fondé sur les seules déclarations du docteur A...***, exerce également au sein d'un centre médico psychologique et a pu dès lors manquer d'objectivité, de telles circonstances, ne peuvent être regardées comme suscitant, en l'état du dossier, un doute légitime sur l'impartialité de l'expert. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que ce praticien aurait méconnu les règles déontologiques applicables à sa profession. Dans ces circonstances, la mesure d'instruction demandée par la requérante ne présente pas de caractère utile. Elle doit dès lors être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

En ce qui concerne l'erreur de diagnostic :

8. L'établissement d'un diagnostic à l'issue de plusieurs consultations et après constat de ce que Mme B... souffrait d'un " envahissement idéique " ainsi que de troubles de la personnalité relève d'une appréciation d'ordre technique.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise contradictoire établi par le docteur E...*** dans le cadre de l'expertise amiable, que Mme B..., qui avait déjà fait l'objet d'un suivi et de traitements à base d'antidépresseurs, d'hypnotiques et d'anxiolytiques, souffre de troubles psychiatriques anciens, à savoir d'anorexie d'origine probablement psychogène et de troubles de la personnalité et dissociatifs. Si la requérante produit en appel le rapport d'un expert judiciaire établi en 2020 dont il résulte qu'elle ne serait pas psychotique mais anxio-dépressive, alors même que ce rapport n'a pas été établi au contradictoire de l'intimé et compte-tenu de la nature du médicament incriminé, un tel diagnostic n'est pas de nature à faire regarder comme erronée l'analyse de l'expert amiable quant au diagnostic qui avait été posé.

En ce qui concerne l'erreur de prescription :

10. Il résulte ensuite de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise amiable, que le neuroleptique prescrit - qui ne l'est pas exclusivement en cas de schizophrénie -, à raison selon l'expert de doses tout à fait modérées, était adapté tant dans sa nature que dans la posologie indiquée, en conséquence de quoi l'état de santé de l'intéressée s'est amélioré à telle enseigne que, lors de la consultation du 9 février 2018, la patiente a demandé au praticien l'augmentation des doses prescrites. C'est en conséquence à bon droit que les premiers juges ont écarté la faute invoquée consistant en une erreur de prescription.

En ce qui concerne le défaut d'information :

11. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. ".

12. A supposer la prise subite et importante de poids invoquée établie par une attestation de la mère de l'intéressée ainsi que des photographies, il résulte de l'instruction et est constant que Mme B... pouvait en tout état de cause être informée des caractéristiques et des effets secondaires du traitement administré, quand bien même le médecin prescripteur ne les aurait-il pas évoqués, en lisant la notice fournie par le fabriquant du médicament.

En ce qui concerne les manquements déontologiques :

13. Enfin, si Mme B... reproche également au praticien qui l'a suivie d'avoir communiqué a` l'expert mandate´ par la SHAM un rapport dans lequel elle aurait divulgue´ des confidences qu'elle lui avait faites se rapportant à des traumatismes vécus alors que la patiente était mineure et, ce que faisant, violé le secret médical, il résulte de l'instruction que la requérante en avait préalablement expressément accepté la transmission au médecin expert de l'assurance le 5 septembre 2018, et, qu'après avoir pris connaissance du rapport, elle n'en a pas demandé la suppression. Aucun manquement déontologique ne peut dès lors être reproché à l'établissement public de santé.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer en l'attente de l'issue d'une plainte pénale dirigée contre plusieurs personnes à une date non précisée, ni d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'établissement public de santé, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du GHU, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme au GHU sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, au directeur de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme et au Groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences.

Délibéré après l'audience publique du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe 18 octobre 2022.

La rapporteure,

M-D C...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA01773


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01773
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BONDAIS CAROLINE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-18;21pa01773 ?
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