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12/10/2022 | FRANCE | N°21PA06392

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 12 octobre 2022, 21PA06392


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'a interdit de retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101806 du 15 novembre 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté, a enjoint à la préfète du Val-de-

Marne ou à tout autre préfet territorialement compétent de prendre toute mesure propre à mettr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'a interdit de retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101806 du 15 novembre 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté, a enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou à tout autre préfet territorialement compétent de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. B... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour du 17 février 2021 annulée, a enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou à tout autre préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 17 décembre 2021 et 1er février 2022, la préfète du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2, 3 et 4 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Melun.

Elle soutient que :

- à titre principal, la demande de première instance présentée par M. B... est irrecevable en ce qu'elle est tardive ;

- à titre subsidiaire, le motif d'annulation retenu par le tribunal et tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'est pas fondé et les autres moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2022, M. B..., représenté par Me Weinberg, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 de la préfète du Val-de-Marne ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 25 euros par jour de retard ;

3°) à défaut, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 25 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel de la préfète du Val-de-Marne est irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la préfète du Val-de-Marne ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juin 2022 à 12 heures.

Un mémoire présenté par la préfète du Val-de-Marne a été enregistré le 23 septembre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 17 février 2021, la préfète du Val-de-Marne a obligé M. B..., ressortissant comorien, né en 1969, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. La préfète du Val-de-Marne fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. M. B... fait valoir que la requête d'appel de la préfète du Val-de-Marne, enregistrée le 17 décembre 2021, est irrecevable en ce que, d'une part, elle ne conclut pas au rejet de sa demande de première instance et en ce que, d'autre part, elle ne comporte aucun moyen d'appel. Toutefois, dès lors que l'appel ne peut tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué et dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, dès l'introduction de sa requête d'appel, la préfète du Val-de-Marne a demandé l'annulation du jugement n° 2101806 du 15 novembre 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun, la circonstance que la préfète n'a pas, au stade de la requête d'appel, demandé à la Cour de rejeter la demande de première instance présentée par M. B... devant ce tribunal est sans incidence sur la recevabilité de la requête d'appel. Par ailleurs, il ressort des termes mêmes de la requête d'appel que la préfète du Val-de-Marne fait valoir qu'elle " ne partage pas l' analyse du Tribunal administratif de Melun, qui a retenu que l'arrêté du 17 février 2021 souffrait d'un vice de procédure au motif que le requérant déclare ne pas avoir été auditionné et que les services préfectoraux n'auraient pas respecté le droit à être entendu avant l'édiction de cette mesure ", alors que, toujours selon la requête d'appel, " l'arrêté du 17 février 2021 a été pris à la suite d'une procédure complète comprenant notamment l'audition de M. B... au cours de laquelle il a pu faire valoir tous les éléments le concernant ". Ainsi, la requête d'appel doit être regardée comme contenant l'exposé, en droit et en fait, d'un moyen d'appel. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par M. B... doivent être écartées.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. D'une part, aux termes du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant / (...) ".

5. D'autre part, aux termes du II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 de ce code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces produites pour la première fois en appel par la préfète du Val-de-Marne, que l'arrêté du 17 février 2021 a été notifié par voie administrative à M. B... le 17 février 2021 à 16 heures 30. Cette notification, qui a été signée par l'intéressé, comportait l'indication exacte des voies et délais de recours ouverts à l'encontre de l'arrêté du 17 février 2021. Ainsi, la demande de première instance de M. B... était tardive dès lors que celle-ci n'a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Melun que le 25 février 2021 à 19 heures 12, soit après l'expiration du délai de recours contentieux de quarante-huit heures prévu par les dispositions précitées. Si M. B... fait valoir qu'il ne sait pas lire ni écrire, et n'a dès lors pu comprendre les voies et délais de recours indiqués sur le document de notification de l'arrêté contesté qu'en présence de son conseil, il ne justifie pas de la réalité de son analphabétisme allégué par la seule production d'une attestation rédigée par sa sœur le 21 avril 2022, alors que, par ailleurs, il ressort notamment du procès-verbal de son audition du 17 février 2021, produit pour la première fois en appel par la préfète du Val-de-Marne, que l'intéressé a lui-même lu ce procès-verbal avant de le signer et qu'il n'a pas souhaité être assisté d'un interprète ou d'un avocat lors de sa retenue administrative. En outre, et en tout état de cause, M. B... ne fait état, ni ne justifie, d'aucune circonstance particulière qui l'aurait empêché, en raison de son analphabétisme supposée, de prendre attache avec une personne comprenant le français afin de prendre connaissance du contenu de l'arrêté contesté et de sa notification avant l'expiration du délai de recours contentieux de quarante-huit heures. Dans ces conditions, et ainsi que le soutient en appel la préfète du Val-de-Marne, la demande formée par M. B... devant le Tribunal administratif de Melun et tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2021 de la préfète du Val-de-Marne, n'était pas recevable.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que la préfète du Val-de-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 17 février 2021. Par voie de conséquence, il y a lieu d'annuler les articles 1er, 2, 3 et 4 du jugement attaqué et de rejeter comme irrecevable la demande présentée par M. B....

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte présentées en appel par M. B... :

8. Par le présent arrêt, la Cour fait droit aux conclusions présentées par la préfète du Val-de-Marne tendant à l'annulation des articles 1er, 2, 3 et 4 du jugement attaqué et au rejet de la demande de M. B... présentée devant le Tribunal administratif de Melun. Par suite, les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte présentées en appel par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2, 3 et 4 du jugement n° 2101806 du 15 novembre 2021 du magistrat désigné par le Tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B... présentée devant le Tribunal administratif de Melun auxquelles il a été fait droit en première instance et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2022.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06392
Date de la décision : 12/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : WEINBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-12;21pa06392 ?
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