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12/10/2022 | FRANCE | N°21PA06229

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 12 octobre 2022, 21PA06229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire.

Par un jugement n° 2013808 du 8 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 7 décembre 2021 et le 21 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Herpin, demande à

la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 8 octobre 2021 ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire.

Par un jugement n° 2013808 du 8 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 7 décembre 2021 et le 21 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Herpin, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 8 octobre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans le délai qui sera fixé par l'arrêt à intervenir à compter de la notification du même arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante tunisienne, née en 1992, a sollicité le 19 décembre 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 septembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande. Mme B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé / (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié / d) la durée prévisible du traitement / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays / (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie à laquelle l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Par ailleurs, si la légalité d'une décision doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de tenir compte, le cas échéant, d'éléments factuels antérieurs à cette date mais révélés postérieurement.

4. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé, notamment, sur l'avis défavorable du 16 juin 2020 par lequel le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. La requérante, qui a subi une ablation du rein gauche en décembre 2016 et qui souffre d'une vessie neurologique hyperactive nécessitant des injections de toxine intra-détrusoriennes régulières ainsi qu'une surveillance clinique et paraclinique régulière, soutient que le défaut de prise en charge médicale de sa pathologie est susceptible d'entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour en justifier, l'intéressée produit plusieurs certificats médicaux, dont certains pour la première fois en appel, qui indiquent notamment que " (...) [le] suivi et (...) [la] prise en charge [médicale de Mme B...] sont nécessaires à la préservation et à la prévention de toute dégradation du haut appareil urinaire ". Ces avis médicaux, dont certains ont été certes établis après l'intervention de l'arrêté attaqué mais concernent néanmoins l'état de santé antérieur de la requérante, font également apparaître que, lors de sa première consultation à l'hôpital le 2 décembre 2019, l'équipe médicale a conclu à la nécessité de réaliser " une toxine intradétrusorienne (...) le 5 février 2020 (...) devant le risque de dégradation du rein droit unique ", et que, lors de sa consultation à l'hôpital le 17 juin 2020, la même équipe a considéré que, compte tenu de l'efficacité clinique incomplète après la première injection de toxine botulique, il était nécessaire de procéder à une nouvelle injection le 22 juillet 2020 et, avant la prochaine consultation, de réaliser une " scintigraphie rénale (...) pour recherche d'altération du rein droit unique restant ". Ainsi, eu égard au nombre des avis médicaux versés au dossier, à leur teneur ainsi qu'à leurs auteurs, qui sont des praticiens hospitaliers de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, et eu égard à la circonstance que Mme B... ne dispose plus que d'un rein, la requérante établit suffisamment que l'interruption de son traitement l'exposerait à un risque engageant son pronostic vital ou à tout le moins l'intégrité physique de sa personne. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé / (...) ".

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à Mme B..., le réexamen de sa situation et l'intervention d'une nouvelle décision. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout autre préfet territorialement compétent d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2013808 du Tribunal administratif de Montreuil du 8 octobre 2021 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 septembre 2020 pris à l'encontre de Mme B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... une autorisation provisoire de séjour, de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2022.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06229
Date de la décision : 12/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : HERPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-12;21pa06229 ?
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