Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2012, 2013 et 2014, de lui rembourser les sommes saisies et de lui accorder des intérêts moratoires.
Par un jugement n° 1806576 du 29 avril 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 22 juin 2021, 3 décembre 2021 et 7 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Mispelon, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 29 avril 2021 ;
2°) d'annuler les décisions par lesquelles le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine a rejeté ses réclamations préalables ;
3°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 à 2014, ainsi que des intérêts de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le vérificateur n'a pas respecté le délai de trente jours qui a été donné au requérant pour répondre à la demande de renseignements ;
- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée et méconnaît le paragraphe 80 de l'instruction administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40 ;
- c'est à tort que le service a refusé de lui accorder un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur ;
- le requérant justifie de la réalité des investissements qu'il a réalisés dans la société " Vannier Kinoptik " ;
- le service a méconnu le paragraphe 30 de l'instruction administrative référencée BOI-IR-RICI-90-10-10, le paragraphe 1 de l'instruction administrative référencée BOI-IR-RICI-90-10 et le paragraphe 1 de l'instruction administrative référencée BOI-IR-RICI-90-20-10.
Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement les 9 novembre 2021, 21 décembre 2021 et 12 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions du requérant tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine a rejeté ses réclamations préalables sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par le requérant à l'encontre des impositions contestées ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2007-1816 du 21 décembre 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mispelon, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal personnel de M. A... au titre des années 2012 à 2014, le service a remis en cause la réduction d'impôt prévue par l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts dont l'intéressé a bénéficié au titre de ces années au motif qu'il n'a pas justifié que les sommes déclarées au titre de cette réduction d'impôt ont été effectivement versées en vue de souscrire en numéraire à des augmentations de capital de la société " Vannier Kinoptik ", dont il était alors le dirigeant et l'un des associés. M. A... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, notamment, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2012, 2013 et 2014.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances / (...) / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés / (...) ". Aux termes de l'article L. 11 de ce livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Dans le cas d'une demande d'information adressée sur le fondement de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, il y a lieu, pour déterminer si la méconnaissance du délai de trente jours prévue à l'article L. 11 du même livre, qui est décompté du jour de notification de la demande, constitue une irrégularité viciant la procédure d'imposition, de rechercher si cette irrégularité est susceptible d'avoir eu un effet sur la proposition de rectification.
3. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 2 novembre 2015, l'administration fiscale a adressé à M. A... une demande d'information sur le fondement de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, portant sur les sommes déclarées comme ayant été versées en vue de souscrire en numéraire à des augmentations de capital de la société " Vannier Kinoptik ", et que cette correspondance lui laissait " si possible [jusqu'au] 4 décembre " pour fournir les informations demandées. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que le requérant a reçu la demande d'information le 6 novembre 2015 et que la proposition de rectification a été établie dès le 26 novembre 2015, le non-respect du délai de trente jours fixé par l'article L. 11 du livre des procédures fiscales ne constitue pas, au cas présent, une irrégularité de nature à vicier la procédure d'imposition dès lors que, d'une part, M. A..., qui a répondu au service dès le 7 novembre 2015, lui a fourni des éléments d'information en rapport avec l'objet de la demande d'information et que, d'autre part, alors que le service lui avait demandé de " fournir, année par année, l'état individuel délivré par la société [" Vannier Kinoptik "] attestant notamment de la souscription et des versements effectués ", l'intéressé, en se bornant à indiquer qu'il " [restait] à [la] disposition [du service] pour tout complément ", ne peut être regardé comme ayant laissé entendre qu'il était dans l'impossibilité de communiquer " l'état individuel " sollicité par le service ou qu'il était en mesure de le produire avant l'expiration du délai de trente jours prévu par l'article L. 11 du livre des procédures fiscales. En outre, le requérant n'établit pas qu'il aurait fait parvenir au service " l'état individuel " avant le 7 décembre 2015, date d'expiration du délai de trente jours fixé par l'article L. 11 du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, et alors même que la proposition de rectification a fondé les rehaussements contestés notamment sur l'absence de " l'état individuel " sollicité dans sa demande d'information, le non-respect par l'administration de ce délai n'est pas, en l'espèce, susceptible d'avoir eu un effet sur cette proposition de rectification. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale n'a pas respecté, lors de l'envoi de cette demande d'information sur le fondement de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, le délai de trente jours qui aurait dû être imparti au contribuable en application de l'article L. 11 du même livre, doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.
5. La proposition de rectification du 26 novembre 2015 adressée à M. A... mentionne les motifs de droit, les impôts concernés, les années en cause, le montant des différents rehaussements envisagés en matière de réduction d'impôt, ainsi que le montant des impositions résultant de ces rectifications. Elle expose, de façon suffisamment détaillée pour permettre au contribuable d'engager utilement une discussion avec l'administration, les motifs de chacun des chefs de rectification retenus. Si le requérant critique le bien-fondé de certaines rectifications, une telle contestation est sans incidence sur la régularité de la motivation de la proposition de rectification. Ainsi, les éléments figurant dans la proposition de rectification étaient suffisamment précis et explicites pour permettre à M. A..., comme il l'a d'ailleurs fait, de formuler utilement ses observations. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la proposition de rectification n'est pas fondé et doit, dès lors, être écarté.
6. Par ailleurs, M. A... ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement implicite de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 80 de l'instruction administrative référencée BOI-CF-IOR-10-40, qui est relatif à la procédure d'imposition.
7. En dernier lieu, les dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, qui sont opposables à l'administration fiscale en vertu de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure, assurent aux contribuables la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, avec l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend ce dernier. Il en résulte que lorsque le contribuable sollicite régulièrement, avant la mise en recouvrement des impositions, un entretien en application de ces dispositions, l'administration ne peut, sans entacher la procédure d'irrégularité, procéder au recouvrement de ces impositions avant d'avoir satisfait à cette demande.
8. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que M. A... a fait l'objet d'un simple contrôle sur pièces de son dossier fiscal personnel. Ainsi, c'est à bon droit que, par un courrier du 17 décembre 2015, le service a refusé de faire droit à la demande de M. A... tendant à la saisine du supérieur hiérarchique du vérificateur avant la mise en recouvrement des impositions contestées, dès lors que le recours hiérarchique est une garantie qui ne s'attache qu'à la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ou de vérification de comptabilité. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, le fait qu'il ait été porté, dans la proposition de rectification du 26 novembre 2015, la mention : " Si vous le souhaitez, nous pouvons convenir d'un rendez-vous ", proposition formulée par le seul signataire de ce document, n'a ni pour objet ni pour effet d'ouvrir au contribuable la possibilité d'un entretien avec le supérieur hiérarchique et, par suite, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Ainsi, le moyen tiré de ce que le requérant a été privé d'un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :
En ce qui concerne la loi fiscale :
9. L'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts, alors applicable, instaure, par son I, une réduction d'impôt à raison des versements effectués par un contribuable au titre de souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, et renvoie, par son V, à un décret le soin de fixer notamment les obligations déclaratives incombant aux contribuables et aux sociétés. Aux termes de l'article 46 AI bis de l'annexe III à ce code, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret n° 2007-1816 du 21 décembre 2007 pris pour l'application de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts relatif à la réduction d'impôt sur le revenu accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital de petites et moyennes entreprises et modifiant l'article 46 AI bis de l'annexe III à ce code : " I. 1. Lorsqu'un contribuable souscrit au capital d'une société remplissant les conditions prévues au 2° du I de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts et dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers français ou étranger, cette société lui délivre un état individuel qui mentionne : / a) L'objet pour lequel il est établi : application de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts / b) La raison sociale, l'objet social et le siège social de la société / c) L'identité et l'adresse du souscripteur / d) Le nombre des titres souscrits, le montant et la date de leur souscription / e) La date et le montant des versements effectués au titre de la souscription au capital initial ou aux augmentations de capital / (...) / II. 1. En cas de souscription au capital d'une société dont les titres ne sont pas admis à la négociation sur un marché d'instruments financiers français ou étranger, le contribuable joint à sa déclaration de revenus les documents qui lui ont été remis conformément au I / (...) ".
10. Pour l'application des dispositions précitées de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts, une souscription réalisée par voie d'incorporation d'une créance détenue en compte courant peut être regardée comme une augmentation de capital souscrite en numéraire dès lors que l'associé renonce au remboursement de la créance détenue contre la société.
11. Il résulte de l'instruction que M. A... a mentionné sur ses déclarations fiscales avoir versé, à titre de souscription à des augmentations du capital de la société " Vannier Kinoptik ", les sommes respectives de 70 000 euros en 2012, de 240 000 euros en 2013 et de 74 000 euros en 2014, ces sommes globales constituant, selon le requérant, soit des versements initiaux soit la fraction de versements reportables au titre d'années antérieures. Pour justifier que ces sommes ont été exposées en vue de souscrire à des augmentations en capital, ce qui est contesté par le service, le requérant fait valoir que la souscription a été réalisée par compensation avec les sommes inscrites au crédit de son compte courant d'associé ouvert dans les livres de la société " Vannier Kinoptik ". Toutefois, il est constant que l'intéressé n'a pas produit à l'appui de ses déclarations de revenus au titre des années 2012 à 2014 l'état individuel visé à l'article 46 AI bis de l'annexe III au code général des impôts. Par ailleurs, à supposer même que les sommes déclarées par M. A... figureraient au crédit de son compte courant au 31 décembre de chacune des années d'imposition en litige, l'intéressé n'établit pas, par les pièces produites en première instance comme en appel, que l'augmentation de capital aurait été réalisée par abandon de ces sommes figurant à son compte courant en l'absence d'une inscription explicite en comptabilité traduisant que les sommes litigieuses auraient été incorporées, par compensation et à hauteur des mêmes montants, au capital de la société au titre des années 2012, 2013 et 2014. Ainsi, le requérant n'établissant pas avoir souscrit en numéraire à des augmentations de capital de la société " Vannier Kinoptik " à concurrence des montants remis en cause par le service par compensation avec son compte courant détenu au sein de la société, c'est à bon droit que le service lui a refusé le bénéfice des dispositions précitées de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts à hauteur de ces montants au titre des années 2012 à 2014.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
12. M. A... ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice du paragraphe 30 de l'instruction administrative référencée BOI-IR-RICI-90-10-10, du paragraphe 1 de l'instruction administrative référencée BOI-IR-RICI-90-10 et du paragraphe 1 de l'instruction administrative référencée BOI-IR-RICI-90-20-10, qui ne comportent d'interprétation différente de la loi fiscale. Par ailleurs, le requérant n'entre pas dans les prévisions du paragraphe 1 de l'instruction administrative référencée BOI-IR-RICI-90-20-10 en tant qu'il énonce qu'" il est admis par tolérance administrative que les versements effectués après le 31 décembre 2011 au titre de souscriptions au capital de moyennes entreprises éligibles jusqu'à cette date ouvrent droit à l'avantage fiscal si ces souscriptions ont été effectuées avant le 1er janvier 2012 ", dès lors que les années d'imposition en litige ne portent pas sur les années antérieures à l'année 2012, objets de la tolérance administrative.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2022.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAU
Le président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03432