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12/10/2022 | FRANCE | N°21PA03212

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 12 octobre 2022, 21PA03212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Chamois d'Albiez a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'audiovisuel public auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1840 W ter du code général des impôts.

Par un jugement n° 1924577/1-2 du 25 mai 2021,

le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Chamois d'Albiez a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'audiovisuel public auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1840 W ter du code général des impôts.

Par un jugement n° 1924577/1-2 du 25 mai 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2021, la société Les Chamois d'Albiez, représentée par Me Cleach, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'audiovisuel public auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016.

Elle soutient que :

- l'administration, qui lui a adressé une proposition de rectification pendant la période des congés estivaux, n'a pas fait droit à sa demande de prolongation du délai de réponse adressée le 27 août 2018 ;

- le service a méconnu son obligation de dialogue contradictoire avec le vérificateur, qui constitue une garantie essentielle du contribuable, protégée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

- le service ne lui a pas permis de faire appel au supérieur hiérarchique du vérificateur, alors que ce recours est garanti par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, et dès lors que le nom du supérieur hiérarchique ne figurait pas sur la proposition de rectification du 25 juin 2018 ;

- la variation annuelle des acomptes inscrits au bilan de la société n'est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'il s'agissait en réalité d'arrhes ;

- l'administration n'est pas fondée à réintégrer au bénéfice imposable du premier exercice non prescrit les provisions sur créances clients figurant au passif de son bilan, elle a méconnu l'instruction BOI-BIC-PROV-40-20 et, à titre subsidiaire, il est possible d'effectuer une compensation entre les rehaussements résultant de leur réintégration et le surcroît d'imposition résultant de l'absence de comptabilisation d'une perte exceptionnelle sur créances irrécouvrables du même montant ;

- la charge exceptionnelle d'un montant de 70 357 euros au titre de l'exercice 2015 est déductible de son résultat imposable ;

- elle n'est pas assujettie à la contribution à l'audiovisuel public, en vertu de la documentation administrative BOI-TFP-CAP du 27 août 2014 et d'une prise de position formelle de l'administration sur sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 septembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Les Chamois d'Albiez, qui exploitait alors une résidence hôtelière située sur le territoire de la commune d'Albiez-Montrond (Savoie), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notamment notifié, par une proposition de rectification du 25 juin 2018, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'audiovisuel public au titre des années 2015 et 2016 ainsi qu'une amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1840 W ter du code général des impôts. La société Les Chamois d'Albiez fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur l'étendue du litige susceptible d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) / 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale / (...) ". Aux termes de l'article R. 351-2 de ce code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel (...) est [saisie] de conclusions [qu'elle] estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...) ".

3. Le jugement attaqué du 25 mai 2021, en tant qu'il se prononce sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contribution à l'audiovisuel public auxquelles la société Les Chamois d'Albiez a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, a statué en premier et dernier ressort. Conformément aux dispositions précitées de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, par l'ordonnance n° 21PA04929 du 23 septembre 2021, transmis au Conseil d'Etat les conclusions de la société requérante dirigées contre ce jugement en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives à la seule contribution à l'audiovisuel public.

Sur le bien-fondé du surplus du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours / (...) ". Aux termes de l'article L. 11 de ce livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " A moins qu'un délai ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre (...), d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".

5. L'administration fiscale établit que le pli contenant la proposition de rectification du 25 juin 2018, adressé au siège de la société Les Chamois d'Albiez, a été reçu par cette dernière le 27 juin 2018. La circonstance que cette proposition soit parvenue pendant la période estivale est sans incidence sur la régularité de sa notification. Dès lors qu'elle ne justifie pas avoir, dans les trente jours suivant la réception de la proposition de rectification, présenté un début de réponse à cette proposition qu'elle aurait assorti d'une demande d'octroi d'un délai supplémentaire, la société requérante, qui avait ainsi jusqu'au 27 juillet 2018 pour répondre à cette proposition, ne peut utilement soutenir que l'administration fiscale aurait été tenue de faire droit à sa demande de prorogation qu'elle dit lui avoir adressée le 27 août 2018. Par suite, le moyen tiré de ce que la société requérante n'a pas bénéficié d'un délai supplémentaire pour répondre à la proposition de rectification, doit être écarté.

6. En deuxième lieu, le caractère contradictoire que doit revêtir une vérification de comptabilité en vertu des articles L. 47 à L. 52 A du livre des procédures fiscales, interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 du même livre, marquera l'achèvement de son contrôle, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir. En outre, dans sa version applicable au litige, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du même livre prévoit que, dans le cadre d'une vérification de comptabilité, " le dialogue [avec le vérificateur] n'est pas formalisé " et qu'il " repose, pour l'essentiel, sur un débat oral et contradictoire entre le vérificateur et le contribuable vérifié qui se déroule sur le lieu du contrôle ". Si la méconnaissance de cette exigence a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié, le caractère oral d'un tel débat n'est pas exigé à peine d'irrégularité de la procédure suivie. Enfin, aux termes du I de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable où sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

7. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée dans les locaux de la société Les Chamois d'Albiez et que le vérificateur a rencontré à plusieurs reprises les représentants de la société requérante, notamment dans le cadre de la réunion de synthèse du 14 juin 2018. Si la société requérante soutient qu'elle a été privée des garanties ayant pour objet d'assurer au contribuable des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur, elle n'établit toutefois pas, au regard de la loi fiscale comme vis-à-vis de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, que le vérificateur se serait effectivement soustrait à un dialogue avec ses représentants au cours de leurs diverses rencontres. En outre, la circonstance que la proposition de rectification a été envoyée à la société Les Chamois d'Albiez onze jours seulement après la réunion de synthèse et à la veille de la période estivale ne saurait, compte tenu de ce qui vient d'être dit, attester d'une absence de débat oral et contradictoire avec le vérificateur. Par suite, le moyen tiré de ce que la société Les Chamois d'Albiez aurait été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Dans sa partie relative à l'avis de vérification, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans sa version applicable au présent litige, prévoit que : " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur. Leur rôle vous est précisé plus loin (voir p. 20). Vous pouvez les contacter pendant le contrôle ". Par ailleurs, la même charte dispose, dans sa partie consacrée aux conclusions du contrôle, que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal / (...) / Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (voir p. 4) ".

9. La possibilité pour un contribuable de s'adresser, dans les conditions édictées par les passages précédemment cités de la charte, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure d'imposition, en premier lieu, au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification, pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle, et, en second lieu, après la réponse faite par l'administration fiscale aux observations du contribuable sur cette proposition, pour ce qui a trait au bien-fondé des rectifications envisagées.

10. La société Les Chamois d'Albiez soutient que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité, dès lors que l'administration aurait méconnu son droit de faire appel au supérieur hiérarchique du vérificateur en ne mentionnant pas son nom sur la proposition de rectification. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucune disposition de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, non plus qu'aucun principe n'impose, à peine d'irrégularité, que le nom du supérieur hiérarchique figure sur la proposition de rectification. En tout état de cause, il est constant que la société requérante a reçu l'avis de vérification le 10 janvier 2018 et que les coordonnées du supérieur hiérarchique du vérificateur y figuraient. Ainsi, s'agissant du déroulement des opérations de contrôle jusqu'à leur clôture, la société Les Chamois d'Albiez a été effectivement mise en mesure de faire appel au supérieur hiérarchique conformément aux prescriptions de la charte, et elle n'établit pas qu'elle aurait sollicité en vain un entretien avec le supérieur hiérarchique avant l'envoi de la proposition de rectification. Par ailleurs, s'agissant du recours au supérieur hiérarchique pour obtenir des éclaircissements sur les rectifications envisagées par le vérificateur, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des prescriptions précitées de la charte dans sa partie consacrée aux conclusions du contrôle, dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 5, qu'elle a tacitement accepté la proposition de rectification à l'expiration du délai de trente jours à compter de la date de sa réception. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la société Les Chamois d'Albiez aurait été privée de la faculté de faire appel au supérieur hiérarchique du vérificateur, doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions contestées :

S'agissant de la charge de la preuve :

11. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré / (...) ".

12. Ainsi qu'il a été dit au point 5, l'administration fiscale établit que la société Les Chamois d'Albiez a reçu le 27 juin 2018 le pli contenant la proposition de rectification du 25 juin 2018 et qu'elle n'a formulé aucune observation sur cette proposition dans le délai légal de trente jours. Par suite, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il incombe à la société requérante, qui est réputée avoir accepté les rectifications contestées, de démontrer le caractère exagéré des bases retenues par l'administration.

S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

13. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 269 de ce code, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué / (...) / 2. La taxe est exigible : / (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits / (...) ".

14. Les sommes versées à titre d'arrhes, dans le cadre de contrats portant sur des prestations de service hôtelier assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, doivent être regardées, lorsque le client fait usage de la faculté de dédit qui lui est ouverte et que ces sommes sont conservées par l'exploitant d'un établissement hôtelier, comme des indemnités forfaitaires de résiliation versées en réparation du préjudice subi à la suite de la défaillance du client, sans lien direct avec un quelconque service rendu à titre onéreux et, en tant que telles, non soumises à cette taxe.

15. Pour prononcer les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, il résulte de l'instruction que le service a appliqué, pour chaque période d'imposition en litige, un taux de taxe sur la valeur ajoutée moyen sur la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires déclarée par la société et, d'autre part, le chiffre d'affaires reconstitué à partir des données comptables, auxquels il a ajouté la variation des comptes " clients " et " acomptes " entre l'ouverture et la clôture de chaque exercice. La société Les Chamois d'Albiez se borne à soutenir que les sommes enregistrées comme " acomptes " versés par les clients constituaient en réalité des arrhes. Toutefois, dès lors qu'elle ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations, la société requérante, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas le caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à son encontre et, par suite, n'est pas fondée à en solliciter la décharge.

S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

16. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 de ce code et dans sa rédaction applicable à l'année 2015 d'imposition en litige : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés / (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par le même article 209 et dans sa rédaction applicable à l'année 2015 d'imposition en litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) / (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ".

Quant aux provisions pour dépréciation de créances clients :

Au regard de la loi fiscale :

17. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts qu'une entreprise peut, notamment, porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant de charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. Lorsque la nature des charges ou leurs caractéristiques interdisent de procéder autrement, elles peuvent faire l'objet d'une évaluation selon une méthode statistique à la condition que cette évaluation soit faite de manière précise et suffisamment détaillée et qu'elle prenne en compte notamment la probabilité de réalisation du risque lié à l'éloignement dans le temps.

18. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a considéré que la société Les Chamois d'Albiez ne justifiait pas, dans leur principe, des provisions pour dépréciation de créances clients comptabilisées à hauteur de 44 898,20 euros tant à l'ouverture de l'exercice clos en 2015 qu'à la clôture de l'exercice clos en 2016 au motif que cette société n'a fourni aucun élément justificatif relatif à ces provisions. Ainsi, après correction symétrique des bilans d'ouverture et de clôture, le service a réintégré au résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2015, premier exercice non prescrit, le montant du passif injustifié résultant de la comptabilisation de ces provisions. Si la société requérante soutient que les provisions litigieuses seraient relatives à des " créances clients qui n'ont pas été encore recouvrées mais qui pourraient l'être dans les prochains mois ", elle ne justifie toutefois pas, d'une part, de l'origine exacte de ces créances ni, d'autre part, des diligences qu'elle aurait accomplies pour recouvrer ces créances ainsi que de leur caractère totalement irrécouvrable. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré les sommes en litige aux résultats de la société Les Chamois d'Albiez au titre du premier exercice non prescrit, soit au titre de l'exercice clos en 2015.

19. D'autre part, aux termes de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la date de la réclamation présentée par la société requérante : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ".

20. La société Les Chamois d'Albiez demande à la Cour, à titre subsidiaire, la compensation entre les impositions supplémentaires qui résultent de la réintégration des provisions injustifiées à son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2015 et les dégrèvements dont elle devrait, selon elle, bénéficier, en vertu de la déductibilité de son résultat imposable au titre du même exercice, de la charge exceptionnelle résultant des pertes sur ces créances irrécouvrables. Toutefois, dès lors que la société requérante ne produit aucun élément pour justifier de la réalité de cette charge exceptionnelle, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère fondé de la compensation qu'elle demande. Par suite, sa demande de compensation ne peut qu'être rejetée.

Au regard de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

21. Si la société Les Chamois d'Albiez a entendu revendiquer, sur le fondement implicite de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice des prescriptions de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-PROV-40-20 du 1er avril 2015, elle n'est en tout état de cause pas fondée à s'en prévaloir dès lors que cette instruction ne comporte, s'agissant des conditions d'admission des provisions pour créances douteuses ou litigieuses, aucune interprétation différente de la loi fiscale dont il est fait application dans le présent arrêt.

Quant aux charges exceptionnelles :

22. Pour être admis en déduction des bénéfices imposables, les frais et charges doivent, d'une manière générale être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise, correspondre à une charge effective, être appuyés de justifications suffisantes et être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel ils ont été engagés.

23. Il résulte de l'instruction que le service a réintégré au bénéfice de la société Les Chamois d'Albiez au titre de l'exercice clos en 2015 une charge exceptionnelle comptabilisée à hauteur de 70 357 euros au motif que la société requérante n'a pas été en mesure de justifier cette charge. Si la société Les Chamois d'Albiez soutient que cette charge correspond à des charges de copropriété facturées à ses locataires en 2012 et en 2013 puis annulées en raison de leur refus de les payer, elle n'apporte toutefois pas la preuve de ses allégations en se bornant à produire un courrier du 3 avril 2014 par lequel un cabinet d'avocats fait état d'un litige l'opposant, devant le tribunal de commerce de Chambéry, à la société " Le Hameau des Aiguilles " à propos du paiement de factures d'électricité.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la société Les Chamois d'Albiez n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Les Chamois d'Albiez est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Chamois d'Albiez et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2022.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

Le président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03212
Date de la décision : 12/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : SELAS FRANCOIS, CLEACH ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-12;21pa03212 ?
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