Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination.
Par une ordonnance n° 2108245/1-2 du 29 avril 2021, le vice-président de la
1ère section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mai 2021, M. C..., représenté par Me Brevan, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 29 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 19 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police à titre principal de lui délivrer un titre de séjour "mention salarié", à titre subsidiaire de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière car sa demande n'était pas tardive ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen complet de sa demande ;
- cette décision est entachée d'erreur de droit ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... sont infondés.
Par une décision du 21 juin 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a refusé d'accorder l'aide juridictionnelle totale à M. C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant marocain né le 5 juin 1986, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 juin 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination. M. C... relève appel de l'ordonnance du 29 avril 2021 par laquelle le vice-président de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L.511-1 ou de l'article L. 511-3-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément (...) ". Aux termes de l'article 38 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : a) De la notification de la décision d'admission provisoire (... ) c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) " et, en vertu du premier alinéa de l'article 56 du décret du 19 décembre 1991, le délai de ce recours " est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est réputé avoir eu connaissance de la décision litigieuse le 23 juillet 2020, date à laquelle il a déposé une demande d'aide juridictionnelle dans le cadre de la première instance. Il ressort aussi des pièces du dossier que la décision accordant l'aide juridictionnelle, en date du 1er février 2021, a été notifiée à
M. C... le 17 mars 2021. Dès lors, sa demande enregistrée le 17 avril 2021 au greffe du Tribunal administratif de Paris n'était pas tardive. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée, qui a rejeté à tort sa demande comme tardive et donc irrecevable, est irrégulière et doit être annulée.
5. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de
M. C... devant le Tribunal administratif de Paris et sur ses conclusions d'appel.
Sur l'évocation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
6. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet de la demande de M. C....
7. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de l'arrêté litigieux: " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers applicable à la date de l'arrêté litigieux : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
8. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité ; cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en œuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain.
9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a examiné la demande de
M. C... au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain pour la rejeter, a rappelé que les ressortissants marocains ne pouvaient se prévaloir de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre d'une activité salariée, enfin a estimé que l'intéressé ne justifiait d'aucun motif exceptionnel de régularisation. Le moyen tiré de l'erreur de droit dans l'absence d'usage du droit de régularisation par le préfet de police doit donc, en tout état de cause, être écarté.
10. En dernier lieu, M. C... se prévaut d'une expérience professionnelle en qualité d'aide pâtissier auprès de la société Zeyer pendant plus de trois ans à la date de la décision attaquée et d'une résidence habituelle en France depuis 2013. Il soutient aussi que le motif d'ordre public tenant à l'usage d'une fausse carte d'identité italienne ne peut lui être imputé car c'est la société Zeyer seule qui a pris cette initiative. En admettant que ce point soit exact, le requérant soutenant qu'il avait déclaré lors de son audition par les services de police n'avoir jamais fait usage d'un faux document, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris la même décision de refus de séjour sans se fonder sur ce motif, les éléments tenant à la résidence habituelle en France et l'expérience professionnelle étant insuffisants alors que, par ailleurs, M. C... est célibataire et sans charges de famille et conserve ses parents et sa fratrie au Maroc. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit donc être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Comme il a été dit ci-dessus, M. C... est célibataire et sans charges de famille et conserve ses parents et sa fratrie au Maroc. En dépit de sa volonté d'intégration professionnelle, il ne justifie pas d'une insertion significative dans la société française. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2020 pris à son encontre. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2108245/ 1-2 du 29 avril 2021 du vice-président de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : La demande de M. C... devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2022.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA02872