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05/10/2022 | FRANCE | N°21PA04528

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 05 octobre 2022, 21PA04528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande tendant à ce que des mesures soient prises pour que l'un des agents placés sous son autorité respecte son pouvoir hiérarchique et soit sanctionné, et d'autre part, d'annuler la décision explicite du 4 octobre 2018 rejetant le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision implicite de rejet du 4 juillet 2018, enfin d'annuler la décision du 16 janvier 2019 par laquel

le l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France a refusé de lui ac...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande tendant à ce que des mesures soient prises pour que l'un des agents placés sous son autorité respecte son pouvoir hiérarchique et soit sanctionné, et d'autre part, d'annuler la décision explicite du 4 octobre 2018 rejetant le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision implicite de rejet du 4 juillet 2018, enfin d'annuler la décision du 16 janvier 2019 par laquelle l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1902687 du 24 juin 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et mis la somme de 300 euros à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, Mme C..., représentée par Me Porcheron, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902687 du Tribunal administratif de Montreuil du 24 juin 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite du 4 juillet 2018 rejetant sa demande tendant à ce que des mesures soient prises pour que l'un des agents placés sous son autorité respecte son pouvoir hiérarchique et soit sanctionné ;

3°) d'annuler la décision explicite du 4 octobre 2018 rejetant le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision implicite du 4 juillet 2018 ;

4°) d'annuler la décision implicite de rejet née le 14 janvier 2019 du silence gardé par cette même agence sur sa demande de protection fonctionnelle, réceptionnée le 14 novembre 2018 ;

5°) d'annuler la décision explicite du 16 janvier 2019 par laquelle cette agence a refusé de lui accorder le bénéfice de l'entière protection fonctionnelle qu'elle avait sollicitée ;

6°) d'enjoindre à cette même agence, sous astreinte, de lui accorder le bénéfice de l'entière protection fonctionnelle prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

7°) de mettre à la charge de l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France la somme de 2 400 euros au titre de la première instance et de 2 400 euros au titre de l'appel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions dirigées contre les décisions des 4 octobre 2018, 4 juillet 2018 et 16 janvier 2019 ne sont pas tardives ;

- la décision du 4 octobre 2018 lui fait grief ;

- en se bornant à déplacer cet agent, l'administration n'a mis en œuvre aucune mesure concrète permettant d'assurer l'entière protection fonctionnelle à laquelle elle a droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2022, l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France, représenté par Me Blard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de la demande dirigées contre les décisions du 4 juillet et 4 octobre 2018 sont tardives ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gallo, avocat de l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., recrutée le 1er avril 2013 par l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France en qualité de directrice des moyens et ressources, a adressé le 28 avril 2018 au directeur général une demande tendant à ce qu'il prenne les mesures nécessaires pour que l'un des agents placés sous son autorité respecte son pouvoir hiérarchique et soit sanctionné. En l'absence de réponse de l'administration à cette demande, reçue le 4 mai 2018, elle a alors formé à l'encontre de cette décision implicite de rejet un recours hiérarchique, réceptionné le 28 août 2018, auquel la présidente de l'agence a répondu par un courrier en date du 4 octobre 2018. Le 11 novembre 2018, la requérante a adressé à la présidente de l'agence un nouveau recours hiérarchique comportant en outre une demande de protection fonctionnelle. Par un courrier en date du 16 janvier 2019, l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France a indiqué à Mme C... qu'elle avait procédé à la mutation de l'agent concerné et qu'elle considérait cette mutation comme une protection fonctionnelle suffisante. Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'annuler la décision implicite de rejet du 4 juillet 2018, le courrier du 4 octobre 2018, la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle ainsi que la décision explicite du 16 janvier 2019. Mme C... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-2 du même code dispose que : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ". Enfin l'article R. 421-3 de ce code porte que : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : /1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. ". Toutefois, l'article L. 112-2 du même code dispose que les dispositions de cet article " ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents ". Ces agents ne disposent en conséquence que d'un délai de deux mois à compter de la naissance de la décision implicite pour exercer un recours contentieux en excès de pouvoir.

3. Il ressort des pièces du dossier que le courrier adressé le 28 avril 2018 au directeur général de l'agence des espaces verts par Mme C... demande uniquement que soient prises les mesures nécessaires pour que l'un des agents placés sous son autorité respecte son pouvoir hiérarchique, et ne formule pas de demande de protection fonctionnelle. Ce courrier a été réceptionné le 4 mai 2018, de telle sorte qu'en l'absence de réponse de l'agence, une décision implicite de rejet est née le 4 juillet 2018. Le courrier par lequel la requérante a contesté cette décision implicite de rejet du 4 juillet 2018, réceptionné le 28 août 2018, avait la nature d'un recours hiérarchique dès lors qu'il était adressé à la directrice de l'agence, laquelle est, en application des dispositions de l'article R. 4413-11 du code général des collectivités territoriales, seule chargée de l'administration et chef des services de l'agence. Par ailleurs, dès lors que le courrier du 4 octobre 2018 par lequel la présidente de l'agence a répondu à ce recours hiérarchique ne comportait qu'une invitation à se rapprocher du directeur général pour l'examen de cette demande, et ne constituait pas une décision explicite faisant grief, une décision implicite de rejet de ce recours hiérarchique est née le 28 octobre 2018 et le délai de recours contentieux à l'encontre du rejet de la demande du 28 avril 2018 a été prorogé jusqu'au 28 décembre 2018. En revanche, le second recours hiérarchique de Mme C... en date du 11 novembre 2018 ne saurait avoir eu pour effet de proroger une nouvelle fois ce délai de recours contentieux. En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la requête de Mme C..., enregistrée le 12 mars 2019, était irrecevable en tant que dirigée contre le courrier du 4 octobre 2018 et tardive en ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision implicite du 4 juillet 2018.

Sur le bien fondé du jugement :

4. Aux termes du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée / Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.".

5. Si les dispositions du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précitées établissent à la charge de l'autorité administrative une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général, et si l'obligation imposée à l'administration peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut consister à l'assister, le cas échéant, dans les poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre, il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, les modalités appropriées à l'objectif défini ci-dessus.

6. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que Mme C... s'est heurtée, au moins à compter d'avril 2018, au comportement d'un agent de son service qui contestait de façon systématique son autorité hiérarchique. Il ressort également de l'ensemble des échanges écrits entre sa hiérarchie et Mme C... que cette dernière n'a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle, dans le cadre du conflit professionnel l'opposant à cet agent, que par un courrier du 11 novembre 2018 dont il n'est pas établi qu'il ait été réceptionné avant le 16 novembre 2018. En réponse à cette demande, l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France a, par un courrier du 16 janvier 2019, informé Mme C... que des mesures de protection fonctionnelle adéquates avaient été prises en réponse à sa demande, l'agent en cause ayant fait l'objet d'une mutation à compter du 16 juillet 2018, puis d'une procédure disciplinaire. Dans ces conditions Mme C... n'est pas fondée à soutenir que sa demande de protection fonctionnelle aurait fait l'objet d'une décision implicite de rejet née le 14 janvier 2019. Enfin, à supposer que le comportement d'un agent désobéissant puisse constituer un harcèlement à l'égard de son supérieur hiérarchique, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 16 janvier 2019 constituerait un refus illégal de mettre en œuvre toutes les mesures de protection fonctionnelle auxquelles elle avait droit, dès lors qu'à la date de cette décision elle n'avait exposé aucun frais de procédure, et se trouvait déjà, depuis le 23 mai 2018, en congé de maladie et, par suite, éloignée de l'agent en cause.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C... réclame au titre des frais liés à l'instance. Il y a par ailleurs lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 000 euros à verser sur ce même fondement à l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera une somme de 1 000 euros à l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2022.

La rapporteure,

P. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04528 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04528
Date de la décision : 05/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : BVK AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-05;21pa04528 ?
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