Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par une ordonnance du 24 novembre 2020, la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis la demande de M. A... au tribunal administratif de Melun, territorialement compétent.
Par un jugement n° 2009669 du 11 mai 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 juin 2021, et un mémoire aux fins de production de pièces enregistré le 7 septembre 2022, après la clôture de l'instruction, qui n'a donc pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Wak-Hanna, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2009669 du 11 mai 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2020 du préfet des Hauts-de-Seine ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnait les stipulations de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2021, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête, en se référant à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 22 avril 1992 à Zarzis (Tunisie), entré en France pour la dernière fois en 2016 selon ses déclarations, a été interpellé le 17 novembre 2020 lors d'un contrôle d'identité et placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour. Par arrêté du même jour, le préfet des Hauts-de-Seine a obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 11 mai 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Et aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 [...] ".
3. M. A... fait valoir sa résidence en France depuis 2016, son intégration socio professionnelle et la présence en France de son père et de sa sœur. Toutefois, ni l'ancienneté alléguée du séjour sur le territoire français, à la supposer établie, ni la présence de son père et de sa sœur en France, ne constituent des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Par ailleurs, si M. A... fait également valoir qu'il justifie d'une activité professionnelle significative sur les 24 mois qui ont précédé sa demande, en qualité d'employé de restauration et d'opérateur de services rapides, et produit au dossier les bulletins de paie correspondant, ainsi qu'une promesse d'embauche et une demande d'autorisation de travail en date du 27 août 2020, cette circonstance ne constitue pas davantage une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si M. A... entend se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, celle-ci ne contient pas de lignes directrices mais de simples orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'appréciation dont ils disposent et ne peut dès lors être utilement invoquée par l'intéressé. Ainsi, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. A... fait valoir que sa vie privée et familiale se trouve en France dès lors qu'il y réside depuis 2016, qu'il y a établi le centre de ses attaches personnelles et que son père et sa sœur y résident. Toutefois, M. A... est célibataire et sans charges de famille en France. Il n'établit pas, par la seule production des titres de séjour de son père et de sa sœur, la réalité d'une vie familiale au sens des stipulations précitées. Par ailleurs, la circonstance que sa mère est décédée ne suffit pas pour établir qu'il n'aurait plus d'attaches familiales en Tunisie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans. Il n'allègue par ailleurs pas avoir développé en France des relations sociales d'une intensité particulière. Ainsi, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans :
6. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...). ".
7. Il résulte des dispositions précitées que l'autorité compétente doit, en cas de refus de délai de départ volontaire, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf circonstances humanitaires. La motivation de la durée de l'interdiction doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi. Il incombe ainsi à l'autorité compétente de faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe la durée de sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
8. En premier lieu, la décision attaquée vise le III de l'article L. 511-1 précité, et indique que M. A... est en France depuis 2016, qu'il n'a pas d'attaches fortes sur le territoire français et qu'il a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire le 2 janvier 2017. Cette motivation atteste de la prise en compte, par l'autorité préfectorale, des quatre critères énoncés au III de l'article L. 511-1. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit donc être écarté.
9. En deuxième lieu, en ne retenant pas de circonstances humanitaires justifiant qu'il ne prononce pas d'interdiction de retour à l'encontre de M. A..., le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas commis d'erreur d'appréciation eu égard aux considérations qui précèdent sur la durée et les conditions de séjour en France, ainsi que sur la situation familiale de l'intéressé. Enfin, en fixant la durée de cette interdiction de retour sur le territoire français à deux ans, cette autorité n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation eu égard à ces mêmes considérations.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 septembre 2022.
La rapporteure,
C. C...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA03259 2