Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Auto Moto Cycle a demandé au tribunal administratif de Paris :
1°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 55 717,19 euros résultant du titre de perception émis le 10 avril 2017 par le préfet de police correspondant au remboursement des dépenses engagées pour la mise en place d'un service d'ordre à l'occasion de l'édition 2016 du salon de l'automobile ;
2°) d'annuler le titre exécutoire.
Par un jugement n°1801534/3-1 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire du 10 avril 2017 et déchargé la société Auto Moto Cycle de l'obligation de payer la somme correspondante.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 janvier 2021, le ministre de l'intérieur demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société Auto Moto Cycle devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- le tribunal a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure qui ne fait pas de la sollicitation et de l'accord par l'organisateur du déploiement d'un service d'ordre une condition d'application du texte ;
- les dispositions de l'article 4 du décret n° 97-199 du 5 mars 1997 ne font pas de la conclusion d'une convention la condition préalable à l'application du principe posé par l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure ;
- en l'absence de convention et d'accord préalable de l'organisateur, le principe de l'enrichissement sans cause doit trouver à s'appliquer ;
- l'ensemble des moyens de la demande ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la société Auto Moto Cycle qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 97-199 du 5 mars 1997 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Auto Moto Cycle, qui exerce une activité d'organisation de
foires, salons professionnels et congrès, a organisé l'édition 2016 du Mondial de l'automobile à Paris du 1er au 16 octobre 2016. Le 10 avril 2017, le préfet de police a émis à son encontre un titre exécutoire d'un montant de 55 717,59 euros, correspondant au remboursement des dépenses occasionnées par la mise en place d'un service d'ordre lors de cet évènement. Le ministre relève appel du jugement du 8 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire du 10 avril 2017 et déchargé la société Auto Moto Cycle de l'obligation de payer la somme correspondante.
2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure : " Les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d'y assurer un service d'ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie./ Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d'ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre sont tenues de rembourser à l'Etat les dépenses supplémentaires qu'il a supportées dans leur intérêt. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. ". Ces dispositions sont relatives aux seuls services d'ordre qui, étant assurés dans l'intérêt de l'organisateur d'une manifestation, excèdent les besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir dans l'intérêt général. Il résulte du premier alinéa de cet article que seuls les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif sont susceptibles de se voir imposer par l'autorité compétente de l'Etat la tenue d'un tel service d'ordre. En revanche, il résulte du second alinéa que toute personne physique ou morale pour le compte de laquelle un tel service d'ordre est assuré par les services de police ou de gendarmerie est tenue de rembourser à l'Etat les dépenses correspondantes.
3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 5 mars 1997 : " Donnent lieu à remboursement à l'Etat les prestations suivantes exécutées par les forces de police et de gendarmerie dans les services d'ordre lorsqu'ils ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de sécurité et d'ordre publics : 1° L'affectation et la mise à disposition d'agents ; 2° Le déplacement, l'emploi et la mise à disposition de véhicules, de matériels ou d'équipements ; 3° Les prestations d'escortes. ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Préalablement à l'exécution des prestations mentionnées à l'article 1er du présent décret, une convention est signée dans les conditions prévues à l'article 4 avec le bénéficiaire des prestations effectuées par les forces de police et de gendarmerie. Cette convention prévoit l'obligation pour le bénéficiaire de souscrire une assurance. Les garanties sont définies par arrêté du ministre de l'intérieur et doivent être reprises dans la convention susmentionnée. ". Selon l'article 4 du même décret : " Les modalités d'exécution techniques et financières du concours apporté par les forces de police et de gendarmerie sont préalablement déterminées par une convention conclue entre le représentant de l'Etat et les bénéficiaires de ces prestations. (...) ". Si ces dispositions prévoient que, lorsque l'organisateur d'une manifestation décide d'avoir recours aux forces de police ou de gendarmerie pour assurer un service d'ordre, les modalités d'exécution techniques et financières de ce concours sont déterminées par convention, elles ne font pas obstacle à ce qu'en l'absence d'une telle convention, des prestations de service d'ordre exécutées en raison des nécessités du maintien de l'ordre public par les forces de police et de gendarmerie qui sont directement imputables à l'événement et qui vont au-delà des besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir soient, en application des dispositions législatives citées au point 2, mises à la charge de l'organisateur de la manifestation.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence de convention signée entre les services de l'Etat et la société Auto Moto Cycle pour annuler les titres exécutoires en litige et décharger la société de l'obligation de payer.
5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés devant le tribunal administratif et devant la Cour.
6. Lorsque le requérant présente, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions aux fins de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.
7. En premier lieu, la société requérante soutient, qu'elle a fait appel à trois prestataires privés pour un montant total de 1 475 626 euros pour son propre service d'ordre qui était suffisant pour assurer la sécurité aux abords directs du Parc des expositions. Toutefois, le mondial de l'Automobile génère un afflux de visiteurs ou de véhicules de nature à créer une augmentation importante du trafic aux abords du site et des troubles de la circulation qui impliquent, alors même que la société requérante n'a pas décidé d'y avoir recours, la mise en place d'un service d'ordre public et le remboursement à l'Etat des dépenses correspondant aux missions exercées dans son intérêt, qui excèdent les besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir dans l'intérêt général. La société Auto Moto Cycle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les titres exécutoires contestés auraient été pris en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure.
8. En second lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet (...) d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
9. Le titre de perception fait référence au devis établi le 30 août 2016 conformément au projet de convention et à une réunion préparatoire du 1er juin 2016. Toutefois, la convention en cause que la société n'a pas signée ne saurait constituer le fondement du titre de perception litigieux. Par suite, en l'absence de référence précise aux bases de liquidation, le titre de perception litigieux est entaché d'une motivation insuffisante.
10. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre.
11. Il résulte du motif mentionné au point 9 que le titre de perception n'est annulé que pour un motif de régularité en la forme. Par suite, le ministre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société Auto Moto Cycle de l'obligation de payer la somme de 55 717,19 euros résultant du titre de perception émis le 10 avril 2017.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif n°1801534/3-1 du 8 décembre 2020 est annulé en tant qu'il a déchargé la société Auto Moto Cycle de l'obligation de payer la somme résultant du titre de perception émis le 10 avril 2017.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la société Auto Moto Cycle.
Copie en sera adressée à la direction générale des finances publiques et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 septembre 2022.
La rapporteure,
C. BRIANÇON
La présidente,
M. A...
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00310