Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Comexposium a demandé au tribunal administratif de Paris :
1°) de la décharger de l'obligation de payer d'une part, la somme de 7 114,42 euros, résultant d'un titre exécutoire du 24 février 2017, émis par le préfet de police pour le remboursement des dépenses occasionnées par la mise en place d'un service d'ordre lors de l'édition 2016 du salon de l'alimentation et d'autre part, la somme de 711 euros, mise à sa charge par une mise en demeure de payer en date du 23 mars 2018, et correspondant à la majoration pour dépassement du délai de paiement de la somme ;
2°) d'annuler le titre exécutoire du 24 février 2017.
Par un jugement n° 1822921/3-1 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire du 24 février 2017 et déchargé la société Comexposium de l'obligation de payer la somme correpondante ainsi que la majoration pour non-respect des délais de paiement mise à sa charge par la mise en demeure de payer du 23 mars 2018.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 janvier 2021 et le 8 juillet 2021, le ministre de l'intérieur, demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société Comexposium devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- le tribunal a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure qui ne fait pas de la sollicitation et de l'accord par l'organisateur du déploiement d'un service d'ordre une condition d'application du texte ;
- les dispositions de l'article 4 du décret n° 97-199 du 5 mars 1997 ne font pas de la conclusion d'une convention la condition préalable à l'application du principe posé par l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure ;
- en l'absence de convention et d'accord préalable de l'organisateur, le principe de l'enrichissement sans cause doit trouver à s'appliquer ;
- les autres moyens de la demande ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2021, la société Comexposium, représentée par Me Rollin et Me Vital-Durand, demande à la Cour à titre principal, de rejeter la requête, à titre subsidiaire, de faire droit à ses conclusions de première instance et demande de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a fait une exacte application de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure ;
- les textes ne confèrent aucune prérogative à l'Etat pour imposer la prise en charge financière d'un service d'ordre en l'absence de demande en ce sens de la part de l'organisateur d'évènement ;
- par l'effet dévolutif de l'appel, la Cour reste saisie de l'ensemble des moyens et conclusions de première instance, intégralement repris dans le cadre de la présente instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 97-199 du 5 mars 1997 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rollin, représentant la société Comexposium.
Considérant ce qui suit :
1. La société Comexposium, qui exerce une activité d'organisation de foires et de salons, a organisé l'édition 2016 du salon international de l'alimentation à Paris du
16 au 20 octobre 2016. Le 24 février 2017, le préfet de police a émis un titre de perception à son encontre, pour le remboursement des dépenses occasionnées par la mise en place d'un service d'ordre lors de l'édition 2016 du salon de l'alimentation. Par une mise en demeure de payer en date du 23 mars 2018, la somme de 711 euros correspondant à la majoration pour dépassement du délai de paiement, a été mise à sa charge. Le ministre relève appel du jugement du
8 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire du
24 février 2017 et déchargé la société Comexposium de l'obligation de payer la somme correspondante.
2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure : " Les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d'y assurer un service d'ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie./ Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d'ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre sont tenues de rembourser à l'Etat les dépenses supplémentaires qu'il a supportées dans leur intérêt. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. ". Ces dispositions sont relatives aux seuls services d'ordre qui, étant assurés dans l'intérêt de l'organisateur d'une manifestation, excèdent les besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir dans l'intérêt général. Il résulte du premier alinéa de cet article que seuls les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif sont susceptibles de se voir imposer par l'autorité compétente de l'Etat la tenue d'un tel service d'ordre. En revanche, il résulte du second alinéa que toute personne physique ou morale pour le compte de laquelle un tel service d'ordre est assuré par les services de police ou de gendarmerie est tenue de rembourser à l'Etat les dépenses correspondantes.
3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 5 mars 1997 : " Donnent lieu à remboursement à l'Etat les prestations suivantes exécutées par les forces de police et de gendarmerie dans les services d'ordre lorsqu'ils ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de sécurité et d'ordre publics : 1° L'affectation et la mise à disposition d'agents ; 2° Le déplacement, l'emploi et la mise à disposition de véhicules, de matériels ou d'équipements ; 3° Les prestations d'escortes. ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Préalablement à l'exécution des prestations mentionnées à l'article 1er du présent décret, une convention est signée dans les conditions prévues à l'article 4 avec le bénéficiaire des prestations effectuées par les forces de police et de gendarmerie. Cette convention prévoit l'obligation pour le bénéficiaire de souscrire une assurance. Les garanties sont définies par arrêté du ministre de l'intérieur et doivent être reprises dans la convention susmentionnée. ". Selon l'article 4 du même décret : " Les modalités d'exécution techniques et financières du concours apporté par les forces de police et de gendarmerie sont préalablement déterminées par une convention conclue entre le représentant de l'Etat et les bénéficiaires de ces prestations. (...) ". Si ces dispositions prévoient que, lorsque l'organisateur d'une manifestation décide d'avoir recours aux forces de police ou de gendarmerie pour assurer un service d'ordre, les modalités d'exécution techniques et financières de ce concours sont déterminées par convention, elles ne font pas obstacle à ce qu'en l'absence d'une telle convention, des prestations de service d'ordre exécutées en raison des nécessités du maintien de l'ordre public par les forces de police et de gendarmerie qui sont directement imputables à l'événement et qui vont au-delà des besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir soient, en application des dispositions législatives citées au point 2, mises à la charge de l'organisateur de la manifestation.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence de convention signée entre l'Etat et la société Comexposium pour annuler le titre exécutoire en litige et décharger la société de l'obligation de payer.
5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés devant le tribunal administratif et devant la Cour.
6. Lorsque le requérant présente, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions aux fins de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.
7. En premier lieu, la société requérante soutient que le titre exécutoire contesté aurait été pris en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure dès lors d'une part, que son propre service d'ordre était suffisant pour assurer la sécurité aux abords du site et d'autre part, que la mobilisation des agents de police, en dehors du périmètre de la manifestation et exclusivement sur la voie publique, n'aurait pas été mise en œuvre pour le compte des organisateurs et relèverait d'une mission générale de maintien de l'ordre. Toutefois, un événement tel que le salon international de l'alimentation génère une affluence de nature à créer une augmentation importante du trafic aux abords du site et des troubles de la circulation qui impliquent, alors même que la société requérante n'a pas décidé d'y avoir recours, la mise en place d'un service d'ordre et le remboursement à l'Etat des dépenses correspondant aux missions exercées dans son intérêt, qui excèdent les besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir dans l'intérêt général. Le moyen doit donc être écarté.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ". Le V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010 prévoit que pour l'application de ces dispositions " aux titres de perception délivrés par l'Etat en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'Etat ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation ".
9. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception individuel délivré par l'Etat doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur.
10. Le titre de perception, qui n'est pas signé, indique que son auteur est
Mme E... D..., responsable des recettes. Si le ministre produit un état récapitulatif des créances pour mise en recouvrement qui comporte la référence du titre de perception en litige, ce dernier est signé pour l'ordonnateur par M. C... A..., chef du pôle généraliste et non par l'ordonnateur désigné dans le titre de perception. Par suite, le titre de perception contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.
11. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. En revanche, l'annulation du titre exécutoire prive de base légale la mise en demeure en date du 23 mars 2018 de payer la majoration pour dépassement du délai de paiement.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif est annulé en tant qu'il a déchargé la société Comexposium de l'obligation de payer la somme résultant du titre de perception émis le 24 février 2017.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Comexposium et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif n° 1822921/3-1 du 8 décembre 2020 est annulé en tant qu'il a déchargé la société Comexposium de l'obligation de payer la somme résultant du titre de perception émis le 24 février 2017.
Article 2 : L'Etat versera à la société Comexposium une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la société Comexposium.
Copie en sera adressée à la direction générale des finances publiques et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 septembre 2022.
La rapporteure,
C. BRIANÇON
La présidente,
M. B...
La greffière,
O.BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00309