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30/09/2022 | FRANCE | N°21PA00307

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 septembre 2022, 21PA00307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Plus de sons a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 201 733,94 euros, résultant d'une facture du 30 août 2018 et du titre exécutoire du 19 novembre 2018 du préfet de police pour le remboursement des dépenses occasionnées par la mise en place d'un service d'ordre pour l'édition 2018 du festival Rock en Seine ;

2°) d'annuler la facture et le titre exécutoire.

Par un jugement nos 1903871/3-1 et 1919757/3-1

du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire du 19 no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Plus de sons a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 201 733,94 euros, résultant d'une facture du 30 août 2018 et du titre exécutoire du 19 novembre 2018 du préfet de police pour le remboursement des dépenses occasionnées par la mise en place d'un service d'ordre pour l'édition 2018 du festival Rock en Seine ;

2°) d'annuler la facture et le titre exécutoire.

Par un jugement nos 1903871/3-1 et 1919757/3-1 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire du 19 novembre 2018 et déchargé l'association Plus de sons de l'obligation de payer la somme correspondante.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2021, le ministre de l'intérieur demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par l'association Plus de sons devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le tribunal a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure qui ne fait pas de la sollicitation et de l'accord par l'organisateur du déploiement d'un service d'ordre une condition d'application du texte ;

- les dispositions de l'article 4 du décret n° 97-199 du 5 mars 1997 ne font pas de la conclusion d'une convention la condition préalable à l'application du principe posé par l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure ;

- en l'absence de convention et d'accord préalable de l'organisateur, le principe de l'enrichissement sans cause doit trouver à s'appliquer ;

- l'ensemble des moyens de la demande ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2021, l'association Plus de sons, représentée par Me Moyersoen, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a fait une exacte application de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure ;

- le titre de perception n'est pas signé et a été émis par une autorité incompétente ;

- le titre de perception qui ne mentionne pas les bases de la liquidation permettant de comprendre la somme globale de 201 733,94 est insuffisamment motivé ;

- le titre de perception émis sur le fondement d'une instruction ministérielle entachée d'incompétence est dépourvu de base légale ;

- les montants des remboursements dus par les bénéficiaires des prestations exécutées par les forces de police et de gendarmerie, prévus à l'article 3 du décret n° 97-199 du 5 mars 1997, sont définis par l'arrêté du 28 octobre 2010 fixant le montant des remboursements de certaines dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie, et modifié par un arrêté du 24 décembre 2014 ;

- le montant des sommes facturées est excessif, alors que rien ne peut justifier qu'à réglementation constante, la créance réclamée à l'association Plus de sons passe de

37 857,50 euros en 2017 à 201 733,14 euros en 2018.

Par un mémoire enregistré le 28 janvier 2021, le directeur général des finances publiques de Paris, précise que n'étant pas partie à l'instance, il demande seulement à être informé des suites de la procédure.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le décret n° 97-199 du 5 mars 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Plus de sons, qui a pour objet le développement et la promotion de la musique, dans le domaine du spectacle et de l'édition, organise depuis 2003 le festival " Rock en Seine ". Le 30 août 2018, le préfet de police lui a adressé une facture d'un montant de 201 733,94 euros, correspondant au remboursement des dépenses occasionnées par la mise en place d'un service d'ordre pour l'édition 2018 de ce festival du 24 au 26 août 2018. Le 19 novembre 2018, le préfet de police a émis un titre de perception à son encontre, pour le recouvrement de cette somme. Le ministre relève appel du jugement du 8 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire du 19 novembre 2018 et déchargé l'association Plus de sons de l'obligation de payer la somme correspondante.

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure : " Les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d'y assurer un service d'ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie./ Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d'ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre sont tenues de rembourser à l'Etat les dépenses supplémentaires qu'il a supportées dans leur intérêt. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. ". Ces dispositions sont relatives aux seuls services d'ordre qui, étant assurés dans l'intérêt de l'organisateur d'une manifestation, excèdent les besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir dans l'intérêt général. Il résulte du premier alinéa de cet article que seuls les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif sont susceptibles de se voir imposer par l'autorité compétente de l'Etat la tenue d'un tel service d'ordre. En revanche, il résulte du second alinéa que toute personne physique ou morale pour le compte de laquelle un tel service d'ordre est assuré par les services de police ou de gendarmerie est tenue de rembourser à l'Etat les dépenses correspondantes.

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 5 mars 1997 : " Donnent lieu à remboursement à l'Etat les prestations suivantes exécutées par les forces de police et de gendarmerie dans les services d'ordre lorsqu'ils ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de sécurité et d'ordre publics : 1° L'affectation et la mise à disposition d'agents ; 2° Le déplacement, l'emploi et la mise à disposition de véhicules, de matériels ou d'équipements ; 3° Les prestations d'escortes. ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Préalablement à l'exécution des prestations mentionnées à l'article 1er du présent décret, une convention est signée dans les conditions prévues à l'article 4 avec le bénéficiaire des prestations effectuées par les forces de police et de gendarmerie. Cette convention prévoit l'obligation pour le bénéficiaire de souscrire une assurance. Les garanties sont définies par arrêté du ministre de l'intérieur et doivent être reprises dans la convention susmentionnée. ". Selon l'article 4 du même décret : " Les modalités d'exécution techniques et financières du concours apporté par les forces de police et de gendarmerie sont préalablement déterminées par une convention conclue entre le représentant de l'Etat et les bénéficiaires de ces prestations. (...) ". Si ces dispositions prévoient que, lorsque l'organisateur d'une manifestation décide d'avoir recours aux forces de police ou de gendarmerie pour assurer un service d'ordre, les modalités d'exécution techniques et financières de ce concours sont déterminées par convention, elles ne font pas obstacle à ce qu'en l'absence d'une telle convention, des prestations de service d'ordre exécutées en raison des nécessités du maintien de l'ordre public par les forces de police et de gendarmerie qui sont directement imputables à l'événement et qui vont au-delà des besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir soient, en application des dispositions législatives citées au point 2, mises à la charge de l'organisateur de la manifestation.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence de convention signée entre les services de l'Etat et l'association pour annuler le titre exécutoire en litige et décharger l'association de l'obligation de payer.

5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés devant le tribunal administratif et devant la Cour.

6. La société requérante soutient que le titre exécutoire contesté a été pris en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure dès lors d'une part, que son propre service d'ordre était suffisant pour assurer la sécurité aux abords du site et d'autre part, que la mobilisation des agents de police, en dehors du périmètre de la manifestation n'aurait pas été mise en œuvre pour le compte des organisateurs et relèverait d'une mission générale de maintien de l'ordre. Toutefois, le festival génère un afflux de spectateurs ou de véhicules de nature à créer une augmentation importante du trafic aux abords des sites et des troubles nécessitant la mise en place d'un service d'ordre et le remboursement à l'Etat des dépenses correspondant aux missions exercées dans son intérêt, qui excèdent les besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir dans l'intérêt général. Le moyen doit donc être écarté.

7. Il résulte de l'instruction que le préfet de police a adressé le 30 août 2018 une facture détaillée faisant état de la mobilisation de 739 agents ainsi que des frais de mise à disposition de véhicules et de matériel pour un montant total de 201 733,94 euros. L'association requérante soutient d'une part, qu'elle a refusé les devis d'intervention et proposition de convention adressés par les services de la préfecture de police pour les prestations susceptibles d'être fournies par les forces de l'ordre dans le cadre du festival pour l'édition du mois d'août 2018 en raison de leur montant excessif et d'autre part, que le détail des prestations (repas, nombre de véhicules, matériels ainsi que les lieux d'intervention) n'est pas justifié. Elle soutient également que lors du même événement organisé les années précédentes, la facturation était 5 à 7 fois moins élevée. Ainsi, eu égard à l'importance des écarts constatés pour une même manifestation et alors qu'il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé de la créance qu'elle allègue, les documents produits pour justifier les dépenses en cause ne suffisent pas à établir la réalité des prestations exécutées par les agents de police mobilisés correspondant à la charge excédant les obligations normales incombant à la puissance publique en lien avec la prévention des troubles imputables à l'événement organisé par l'association requérante.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire du

19 novembre 2018 et déchargé l'association " Plus de sons " de l'obligation de payer la somme correspondante.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Comexposium et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à l'association " Plus de sons " une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à l'association " Plus de sons ".

Copie en sera adressée à la direction générale des finances publiques et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 septembre 2022.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. A...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00307
Date de la décision : 30/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CABINET MOYERSOEN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-30;21pa00307 ?
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