Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2021 du préfet de police, en tant que celui-ci a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et lui a interdit un retour sur le territoire français pour une durée de 3 ans.
Par un jugement n° 2120500/8-1 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté du 14 septembre 2021 du préfet de police, et a enjoint à ce dernier de délivrer à Mme C... un titre de séjour mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 février 2022, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme C....
Il soutient que :
- le comportement de Mme C... constituant une menace à l'ordre public, et cette dernière étant célibataire, sans charge de famille en France, sa décision n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ;
- il reprend ses écritures de première instance quant aux autres moyens soulevés par la requérante dans cette instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2022, Mme C..., représentée par Me Chemin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
- elle reprend les autres moyens soulevés dans ses écritures de première instance, s'agissant du refus de renouvellement de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français quant à, l'incompétence de l'auteur de l'acte, l'erreur manifeste d'appréciation et la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'article 3 de cette convention et, s'agissant du refus d'octroi de délai de départ volontaire, quant à l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, l'insuffisance de motivation et le défaut d'examen de sa situation personnelle, ainsi que l'erreur manifeste d'appréciation, et s'agissant de l'interdiction de retour, quant à l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, l'insuffisance de motivation et l'erreur manifeste d'appréciation, et, enfin, s'agissant de la décision fixant le pays de destination, quant à l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Berthelot substituant Me Chemin pour Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née en 1975, entrée en France en septembre 2010 selon ses déclarations, a demandé l'asile dès octobre de la même année, sa demande ayant été définitivement rejetée par la cour nationale du droit d'asile par une décision qui lui a été notifiée en novembre 2011, puis, a sollicité en mars 2012 un titre de séjour, en raison de son état de santé, qui lui a été délivré à compter de mai 2012, et jusqu'en décembre 2019. Mme C... a demandé le renouvellement de ce titre en mars 2019. Par arrêté du 13 juillet 2020, le préfet de police, a refusé de lui renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Mme C... ayant saisi le tribunal administratif de Paris le 17 août 2020 d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté, par jugement du 26 mars 2021, ce tribunal a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de délivrer à Mme C... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Toutefois, entre-temps, à la suite de l'introduction par cette dernière d'un référé, le 8 septembre 2020 devant le tribunal administratif de Paris à l'encontre du même arrêté du 13 juillet 2020, le préfet de police a réexaminé son droit au séjour, cette fois en qualité de salariée, et l'a mise en possession d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour valable du 11 mars 2021 au 10 juin 2021, dans l'attente de la délivrance d'un titre de séjour, et elle a bénéficié d'une autorisation de travail délivrée le 1er mars 2021, valable de cette date au 28 février 2022 pour exercer un emploi en qualité d'aide-soignante. Lors de son rendez-vous en préfecture, le 20 juillet 2021 pour la remise d'un titre de séjour en qualité de " salarié ", il est apparu que Mme C... avait falsifié son récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour pour en prolonger la validité au 10 septembre 2021. Estimant que le comportement de l'intéressée était constitutif d'un trouble à l'ordre public, par arrêté du 14 septembre 2021, le préfet de police, d'une part, lui a retiré son récépissé du 11 mars 2021 au 10 juin 2021 ainsi que la décision lui accordant la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée, valable du 1er mars 2021 au 28 février 2022, et, d'autre part, a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et lui a interdit un retour sur le territoire français pour une durée de 3 ans. Mme C... a contesté cet arrêté en tant qu'il porte refus de renouvellement de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, décision fixant le pays de destination, et interdiction de retour sur le territoire français. Le préfet de police fait appel du jugement du 4 janvier 2022, par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, dans cette mesure, et lui a enjoint de délivrer à Mme C... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. " et aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".
3. L'arrêté contesté du 14 septembre 2021 du préfet de police en ce qu'il porte refus de renouvellement de titre de séjour, obligation de quitter le territoire sans délai, et fixe le pays de destination, se fonde sur ce que la présence en France de Mme C... constitue une menace à l'ordre public. Pour annuler cet arrêté, les premiers juges ont retenu que la seule circonstance que l'intéressée ait falsifié la date d'expiration de la validité de son récépissé de demande de renouvellement de son titre de séjour, portant celle-ci du 10 juin 2021 au 10 septembre 2021, alors que cette dernière déclarait sans être contestée, avoir eu recours à ce procédé par crainte d'être licenciée et dans l'attente de la délivrance de son titre de séjour, n'était pas à elle seule, compte tenu des circonstances de l'espèce, de nature à caractériser une menace pour l'ordre public. Toutefois la falsification d'un document administratif pour obtenir un droit au séjour ou le prolonger, suffit à caractériser une menace pour l'ordre public.
4. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé, pour ce motif, son arrêté du 14 septembre 2021 en ce qu'il porte refus de renouvellement de titre de séjour, obligation de quitter le territoire sans délai, interdiction de retour et fixe le pays de destination.
5. Il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... tant devant le tribunal administratif de Paris que devant elle.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de l'arrêté attaqué :
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier, que la seule falsification par Mme C... de la date d'expiration de son récépissé est un acte isolé. Elle justifie d'une durée de séjour en France depuis 2010 au cours de laquelle elle a été munie de titres de séjour successifs en raison de son état de santé. Elle justifie également de sa volonté de s'insérer professionnellement, ayant obtenu un titre professionnel d'assistante de vie aux familles en décembre 2014 et un diplôme d'Etat d'aide-soignante en juillet 2017, affirmant, sans être contestée, travailler depuis 2012, et avoir été titulaire d'un contrat à durée indéterminée à temps complet conclut le 28 mai 2019 avec l'Hôpital Sainte Marie à Paris, en qualité d'aide-soignante, dans lequel elle a travaillé jusqu'en septembre 2021, une attestation du ministère de l'intérieur du 4 février 2021, produite au dossier, reconnaissant, dans ce cadre, son engagement actif pendant la période d'urgence sanitaire. Elle soutient que sa vie privée et familiale s'est développée en France, justifiant de la présence de sa sœur et d'autres membres de sa famille, alors qu'il n'est pas contesté qu'elle n'a plus qu'un enfant majeur dans son pays d'origine. Compte tenu de ces circonstances, Mme C... est fondée à soutenir que le préfet de police a porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 septembre 2021 en ce qu'il porte refus de renouvellement de titre de séjour, obligation de quitter le territoire sans délai, interdiction de retour sur le territoire français et fixe le pays de destination et lui a enjoint de délivrer à Mme C... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il y a lieu sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme C....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme C..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Renaudin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA00524
2