Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 février 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions d'astreinte et de délais et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me Nombret, son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2114619 du 6 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2022, M. B..., représenté par Me Nombret, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 février 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à Me Nombret, son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- cette décision est entachée d'un vice de procédure du fait du défaut de saisine de la commission du titre de séjour qui aurait dû être consultée, dès lors, d'une part, que l'intéressé a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313.11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, d'autre part, qu'il justifie de plus de dix ans de présence en France ;
- cette décision méconnait les stipulations de l'article L. 313.11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des prises en charge nécessaires à ses pathologies, qui ne pourraient être assurées dans son pays d'origine ;
- cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la durée de sa résidence en France et de la présence sur le territoire français de plusieurs membres de sa famille.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article L. 511-4.10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le tribunal a à tort omis de se prononcer sur le moyen tiré de la violation de cet article L. 511-4.10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2022 le préfet de police conclut au rejet de cette requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une décision du 23 décembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 1981 à Kindia, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un premier arrêté du 24 octobre 2018, le préfet du Val d'Oise a rejeté sa demande et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par l'intéressé, a, par jugement du 3 mars 2020, annulé cet arrêté pour vice de forme. A la suite du réexamen de sa demande, faisant suite à cette annulation, le préfet de police a de nouveau, par arrêté du 15 février 2021, refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. M. B... a, dès lors, saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté, mais cette demande a été rejetée par un jugement du 6 octobre 2021 dont il relève appel.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
3. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 313.11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a souffert d'un infarctus inférolatéral en mars 2020, présente une cardiopathie ischémique compliquée d'insuffisance cardiaque ainsi qu'une neuropathie optique glaucomateuse importante au niveau de ses deux yeux, et que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Toutefois, à supposer même que le traitement médicamenteux nécessaire au requérant tant pour sa pathologie cardiaque que pour ses problèmes ophtalmologiques puisse être regardé comme disponible en Guinée en dépit du courriel du 30 juin 2021 du laboratoire Biogaran, il est vrai postérieur à l'intervention de l'arrêté attaqué mais qui peut éclairer sur la situation à la date de celui-ci, attestant de l'absence de commercialisation du Furosémide, en tout état de cause le requérant justifie, par les pièces produites, de ce qu'il nécessite également, outre un traitement médicamenteux, un suivi très spécialisé, tant sur le plan cardiologique qu'ophtalmologique. Ainsi, il ressort de l'attestation du Dr A..., cardiologue à l'hôpital Saint-Joseph à Paris, en date du 17 mars 2021, qui, là encore, bien que postérieure à l'arrêté attaqué, peut éclairer sur l'état de santé de l'intéressé à la date d'édiction des décisions en litige, que " il nécessite un suivi spécialisé en centre hospitalier en raison de la gravité de l'insuffisance cardiaque, avec nécessité de consultation et d'échographies cardiaques régulières, et d'autres examens si besoin. Ce suivi ne pourra être assuré de manière optimale dans son pays d'origine ". Par ailleurs il ressort du certificat d'un ophtalmologue de l'hôpital des quinze-vingt en date du 12 novembre 2018 que " une surveillance clinique et campimétrique reste indispensable pour adopter le traitement. Cette prise en charge doit être réalisée dans un service d'ophtalmologie hautement spécialisé comme nous en disposons aux Quinze-vingt, ce qui n'est pas accessible dans son pays d'origine ". Enfin, il ressort également de l'ensemble des pièces du dossier que M. B... a d'autant plus besoin de ces suivis spécialisés que son état de santé a présenté à plusieurs reprises des complications, notamment d'ordre rénal, et que son état de santé n'apparait, ainsi, pas stabilisé. Dans ces conditions, il est fondé à soutenir que, nonobstant l'avis du collège des médecins de l'OFII, le préfet de police a à tort considéré qu'il pouvait bénéficier dans son pays d'origine de la prise en charge médicale nécessaire à son état de santé. Par suite, il est fondé à demander l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire contenue dans le même arrêté.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il est par suite fondé à en demander l'annulation, ainsi que celle de l'arrêté du 15 février 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. /La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Le présent arrêt, qui annule l'arrêté du préfet de police rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. B... implique, eu égard à ses motifs, qu'il soit enjoint au préfet de police, sous réserve de l'absence de modification dans la situation de l'intéressé, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Nombret au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°2114619 du tribunal administratif de Paris du 6 octobre 2021 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 15 février 2021 est annulé.
Article 3 : il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Nombret une somme de 1 500 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.
La rapporteure,
M-I. D...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22PA00613