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20/09/2022 | FRANCE | N°22PA00405

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 20 septembre 2022, 22PA00405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à

intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2110678 du 13 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2022, Mme C..., représentée par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 13 octobre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Rochiccioli renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

Sur le refus de renouvellement de son titre de séjour :

- le préfet n'a, à tort, pas saisi la commission du titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il appartient à l'administration de rapporter la preuve que l'avis du collège des médecins de l'OFII a bien été pris au terme d'une délibération des trois médecins signataires ;

- la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 313-11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devenu l'article L. 425-9 du même code dès lors qu'elle ne pourrait recevoir dans son pays d'origine les soins nécessités tant par son état psychiatrique que par son hépatite C, et qu'un retour dans son pays, où elle a subi les traumatismes à l'origine de son syndrome post-traumatique, aggraverait celui-ci.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de renouvellement de son titre de séjour ;

- cette décision est insuffisamment motivée en fait et en droit ;

-elle méconnait les stipulations de l'article L. 511-4.10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne pourrait bénéficier au Congo du traitement médical qui lui est nécessaire ;

- cette décision méconnait également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors notamment qu'elle vit en France depuis plus de sept ans, y a eu son enfant en 2019, et y a le centre de ses intérêts.

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle serait exposée à des traitements prohibés par ces stipulations en cas de retour au Congo et est d'autant plus vulnérable compte tenu de son état de stress post-traumatique.

Sur la décision relative au délai de départ volontaire :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle ne respecte pas l'obligation de motivation qui s'impose alors même que le délai de départ volontaire accordé est le délai de trente jours prévu par l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; pour les mêmes motifs elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la requérante justifiait de circonstances particulières nécessitant un délai plus long, et que l'administration et le tribunal n'ont pas prises en compte.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 août 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 13 décembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante congolaise, née le 7 septembre 1992 à Kinshasa (République démocratique du Congo), entrée en France en 2014, selon ses déclarations, a formé une demande d'asile qui a été rejetée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 15 septembre 2015, confirmée par une décision du 21 juin 2016 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). En revanche, après avoir formé une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313.11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de ses problèmes de santé, elle s'est vu accorder un titre de séjour sur ce fondement, valable du 7 juin 2019 au 6 mars 2020. Toutefois, après qu'elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour, le préfet de police, par un arrêté du 31 juillet 2020, a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai. Elle a dès lors saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de cet arrêté, mais cette demande a été rejetée par un jugement du 13 octobre 2021 dont elle relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la décision de refus de renouvellement du titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313.11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (.... ) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code: " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". En application de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase de l'alinéa (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 susvisé : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. Afin de contribuer à l'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à l'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office. ".

3. A supposer que la requérante doive être regardée comme soutenant que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a été produit par le préfet de police devant le tribunal, aurait dû lui être communiqué antérieurement, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'arrêté du 27 décembre 2016, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit une telle communication.

4. De plus, cet avis a été signé par les trois médecins composant le collège de l'OFII, au nombre desquels ne figurait pas le praticien ayant établi le rapport médical. Il comporte les noms lisibles des trois médecins qui l'ont rédigé et porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Or, ainsi que l'a à juste titre retenu le tribunal, cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire.

5. Par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 313.11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard aux pathologies de l'intéressé, de l'existence de traitements appropriés et de leur disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. Selon les pièces versées au dossier, Mme C... souffre d'une hépatite B et d'un stress post-traumatique sévère nécessitant une prise en charge médico-psychiatrique et l'administration de plusieurs médicaments. En produisant notamment un rapport de l'association Ulysse (service de santé mentale et d'accompagnement pour personnes exilées) mettant en exergue le caractère non transposable de la relation entre un psychothérapeute et son patient, un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) daté de 2018 sur le traitement des maladies mentales au Congo, ainsi qu'un rapport de " médecins sans frontières ", la requérante ne démontre pas l'impossibilité de poursuivre ses consultations psychiatriques et de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En outre, malgré les carences du système sanitaire congolais ou l'inégale répartition sur le territoire des structures de prise en charge des soins psychiatriques, et l'insuffisance de la couverture sociale, les pièces du dossier sont insuffisantes pour remettre en cause le bien-fondé de l'avis du collège de médecins de l'OFII. Par ailleurs la requérante produit également un certificat médical établi par un médecin généraliste du centre de soins Primo Levi, au sein duquel elle est prise en charge, qui, bien que daté du 16 mars 2021, et donc postérieur à l'intervention de l'arrêté attaqué, peut éclairer sur son état antérieur, et qui retient que " l'examen clinique et l'ensemble de l'anamnèse corroborent les allégations de Mme C... du vécu de la torture et de la violence politique en rapport avec un syndrome de stress post-traumatique " et que " le retour de Mme C... dans son pays (lieu de la scène traumatique) sera d'une telle violence que cela ne peut qu'aggraver son état de santé ", mais ce document ne suffit pas, au vu notamment des invraisemblances dans son récit, relevées par l'OFPRA et la CNDA dans leurs décisions des 15 septembre 2015 et 12 juillet 2016, à établir que sa pathologie serait en lien direct avec des évènements subis dans son pays d'origine, ni qu'elle ne pourrait y recevoir les soins nécessaires à sa pathologie psychiatrique. De même, il n'apparait pas qu'elle ne pourrait y bénéficier du suivi nécessaire à son hépatite B. Enfin, il n'est pas établi que des molécules indispensables à un traitement approprié de ses diverses pathologies, qui n'a pas à être nécessairement identique à celui qui lui est prescrit en France, n'existeraient pas au Congo, et les éléments généraux produits par l'intéressée ne permettent pas davantage d'établir qu'un tel traitement lui serait, personnellement, inaccessible. Dans ces conditions, le préfet de police a pu légalement, sans méconnaitre les dispositions de l'article L. 313.11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sans erreur d'appréciation, refuser de renouveler le titre de séjour de la requérante sollicité en qualité d'étranger malade.

7. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (....) ". Il résulte de ce qui vient d'être dit que la requérante ne fait pas partie des catégories d'étrangers visées à l'article L. 313.11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit. Dès lors, l'autorité administrative n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour avant de refuser de lui renouveler son titre de séjour, et par suite le moyen tiré du défaut de cette saisine ne peut qu'être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme C... n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à invoquer l'illégalité par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français qui assortit ce refus de séjour.

9. Si la requérante fait valoir que l'obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée, notamment en droit, elle convient elle-même que l'arrêté attaqué vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, dont les dispositions ont été transposées depuis à l'article L. 611-1 du même code, et dont le I traite des obligations de quitter le territoire français en énumérant les hypothèses dans lesquelles une telle mesure peut être prononcée. Dès lors, alors même que le II et le III de cet article sont relatifs respectivement au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour sur le territoire français, l'arrêté en litige contient bien l'énoncé des considérations de droit sur lesquelles se fonde l'obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, par une motivation qui a pu régulièrement être commune au refus de renouvellement de son titre de séjour et à l'obligation de quitter le territoire, le préfet, après avoir rappelé ses démarches en vue du renouvellement de son titre, a également rappelé le contenu de l'avis du collège des médecins de l'OFII et le fait qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Il a ensuite indiqué qu'elle se déclarait elle-même célibataire, mère d'un enfant né en France le 27 juin 2019, et n'attestait pas être démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside son frère, et qu'ainsi il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors la décision en litige contient l'énoncé des considérations tant de fait que de droit sur lesquelles elle se fonde, et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque dès lors en fait.

10. Aux termes de l'article L. 511-4.10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) /10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

11. Si Mme C... soutient que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre méconnaitrait ces dispositions compte tenu de son état de santé et de la situation sanitaire au Congo, le moyen ne peut qu'être rejeté pour les motifs visés au point 6.

12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il résulte des pièces versées au dossier que la requérante n'établit ni même n'allègue avoir d'autres attaches familiales ou personnelles en France que son enfant, qui y est né le 27 juin 2019 et y réside avec elle, sans que rien ne s'oppose à ce qu'elle puisse poursuivre avec cet enfant sa vie familiale dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Par ailleurs, il ressort de ses propres déclarations qu'elle a encore un frère au Congo et qu'elle n'y est donc pas dépourvue d'attaches familiales. Enfin, si elle allègue vivre en France depuis 2014, et y avoir ainsi résidé pendant les sept années précédant l'intervention de la décision attaquée, elle ne justifie pour autant ni d'une activité professionnelle ni d'aucun élément d'insertion particulier. Par suite elle n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, ni, par suite, qu'elle méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que Mme C... ne justifie pas que, en dépit des conclusions de l'avis du collège des médecins de l'OFII, elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine du traitement nécessité par son état de santé. Par ailleurs s'il ressort du rapport annuel 2020-2021 d'Amnesty international, qu'elle produit, que de fortes tensions subsistent en république démocratique du Congo et qu'y a été constatée, pour l'année en cause, une augmentation des violences sexuelles faites aux femmes, elle ne justifie pas être personnellement exposée à des risques en cas de retour dans son pays, alors surtout que l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, dans leurs décisions en date respectivement des 15 septembre 2015 et 21 juin 2016, ont rejeté sa demande d'admission au bénéfice de l'asile, et ont relevé diverses invraisemblances dans ses allégations. Par suite, et alors même qu'elle fait état de la vulnérabilité particulière qu'elle présenterait en raison de ses troubles psychologiques, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

Sur la décision relative au délai de départ volontaire :

15. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à invoquer l'illégalité par voie de conséquence de la décision relative au délai de départ volontaire.

16. Par ailleurs aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. ". Dès lors, que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue un délai équivalent au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application des dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, et alors même que la fixation du délai de départ volontaire constitue une décision autonome de la mesure d'éloignement, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle, notamment la durée de son séjour en France, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux sur le territoire français, susceptibles de rendre nécessaire une telle prolongation. Or, en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... ait demandé au préfet de police à bénéficier d'une prolongation du délai accordé pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs il ne ressort pas de l'absence de motivation spécifique de l'arrêté attaqué sur le délai de trente jours accordé à la requérante, pas plus que d'aucun autre élément, que le préfet de police se serait cru lié, pour fixer ce délai, par les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou qu'il n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressée. Par suite les moyens tirés du défaut d'un tel examen et de l'absence de motivation de la décision en litige ne peuvent qu'être écartés.

17. Enfin si la requérante fait valoir dans ses écritures contentieuses qu'elle justifie de circonstances particulières qui auraient dû conduire l'administration à lui accorder un délai de départ supérieur à trente jours, il est constant qu'elle n'a pas sollicité auprès de l'administration l'octroi d'un tel délai. Par ailleurs elle ne justifie pas en quoi les circonstances qu'elle vivrait en France depuis sept ans, et qu'elle y a donné naissance en 2019 à son enfant, qui compte tenu de son âge n'est pas scolarisé, et dont elle n'allègue pas même qu'il entretiendrait quelque relation que ce soit avec son père, seraient de nature à rendre nécessaire l'octroi d'un délai de départ supérieur à trente jours. Enfin si elle invoque là encore son état de santé, elle ne produit aucun document médical et n'apporte même aucun élément précis de nature à établir la nécessité de ce délai supplémentaire.

18. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.

La rapporteure,

M-I. B...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22PA00405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00405
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-20;22pa00405 ?
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