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20/09/2022 | FRANCE | N°21PA04155

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 20 septembre 2022, 21PA04155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... G... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la noti

fication du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... G... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me Griolet, son avocate, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n°2106764/3-1 du 21 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 10 juillet 2020, enjoint au préfet de police de délivrer à M. G... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Griolet, avocate de M. G..., en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Griolet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 juin 2021 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. G....

Il soutient que :

- le tribunal a, à tort, jugé que la décision attaquée méconnaissait les dispositions de l'article L. 313-11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que ce refus de renouvellement de séjour est conforme à l'avis du collège des médecins de l'OFII qui a jugé que l'intéressé pouvait recevoir les soins nécessaires à son état dans son pays d'origine, le Togo, que la juridiction administrative a déjà retenu la possibilité d'une prise en charge psychiatrique dans ce pays et que les pièces produites ne suffisent pas à établir le contraire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2021, et des pièces enregistrées les 26 octobre 2021, 12 et 31 août 2022, M. G..., représenté par Me Griolet, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de police ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me Griolet, son avocate, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

- il justifie par les pièces produites de sa résidence en France depuis 2014.

Par une décision du 8 septembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. G....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- et les observations de Me Cardoso substituant Me Griolet.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant togolais né le 16 décembre 1988, qui dit être entré en France en juillet 2014, a sollicité en février 2016 un titre de séjour en raison de son état de santé, sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir été mis en possession de récépissés de demande de titres il s'est vu accorder, après avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration du 2 juillet 2019, un titre de séjour valable du 2 juillet 2019 au 1er janvier 2020. Il a sollicité le 4 décembre 2019 le renouvellement de ce titre, et a de nouveau été mis en possession d'un récépissé. Le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a émis le 5 juin 2020 un nouvel avis retenant cette fois que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine, vers lequel il pouvait voyager sans risque. Dès lors, par un arrêté du 10 juillet 2020, le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai. Saisi par M. G... d'une demande dirigée contre cet arrêté le tribunal administratif de Paris, par un jugement du 21 juin 2021, en a prononcé l'annulation et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. G... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois. Le préfet de police relève dès lors appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 425-9 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " (...) Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie à laquelle l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Par son avis du 5 juin 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de M. G... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement approprié à sa pathologie, compte tenu de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé dans ce pays, et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers ce pays.

5. Pour contredire cet avis M. G..., qui souffre d'un trouble de stress post-traumatique comportant des épisodes dépressifs majeurs pouvant aboutir à des idées suicidaires, diagnostiqué en avril 2015 et pour lequel il fait l'objet d'un suivi psychiatrique et psychothérapeutique au sein de l'hôpital universitaire Maison blanche, spécialisé en psychiatrie et neurosciences, ainsi que d'un traitement médicamenteux, a notamment produit des certificats médicaux des 3 mars et 27 avril 2021 du Dr B..., praticien hospitalier au sein de ce centre, qui, bien que postérieurs à l'intervention de la décision attaquée, peuvent utilement décrire l'état de l'intéressé à la date de celle-ci. Toutefois, si ce médecin indique, sans au demeurant que cela ressorte d'autres pièces du dossier, que la pathologie de l'intéressé serait consécutive au massacre de ses proches auquel il aurait assisté, et s'il atteste de la nécessité d'un suivi psychiatrique et psychothérapeutique, ces documents ne suffisent pas à établir que ce suivi ne pourrait avoir lieu dans le pays d'origine de M. G..., qui n'est d'ailleurs pas même nommé, l'allégation du médecin sur cette impossibilité n'étant assortie d'aucune précision. De plus, si le requérant produit, en dernier lieu, des documents de nature à établir l'indisponibilité au Togo du Risperdal et des produits commercialisés par le laboratoire Arrow, il n'en résulte pas qu'il ne pourrait bénéficier dans ce pays du traitement nécessaire à son état, qui n'a pas à être nécessairement équivalent à celui dont il bénéficie en France. De plus, si le rapport du 15 octobre 2018 de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés, intitulé " Togo : protection et soins psychiatriques pour les victimes de la traite des êtres humains ", indique que les structures psychiatriques au Togo sont peu nombreuses, ce rapport, d'ailleurs en partie contraire au document produit par le préfet de police en appel sur l'état des structures de prise en charge de la santé mentale dans ce pays, ne permet pas d'établir l'inexistence d'une prise en charge médicale appropriée au Togo, ni par suite à contredire l'avis du collège des médecins. Enfin, si l'intéressé a produit devant les premiers juges une attestation d'un pneumologue en date du 4 mars 2021 établissant qu'il a présenté en mai 2018 une tuberculose pulmonaire avec des complications, et faisant état de la nécessité d'un " suivi médical strict en pneumologie ", ce document n'expose pas pourquoi ce suivi ne pourrait, comme il est allégué, avoir lieu dans le pays d'origine de l'intéressé, qui n'est, là encore, pas nommé, et il n'établit pas davantage que l'absence d'un tel suivi pourrait avoir pour le patient des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, c'est par une exacte application des dispositions précitées que le préfet de police a estimé que M. G... pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. Il y a lieu, pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. G....

Sur le refus de renouvellement du titre de séjour :

7. En premier lieu, par arrêté n° 2020-00508 du 16 juin 2020, régulièrement signé, et publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de police le 23 juin 2020, le préfet de police a donné délégation à Mme C... D..., adjointe au chef du 9ème bureau, signataire de l'arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figurent les décisions contestées portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.

8. En deuxième lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire applicable que l'avis du collège de médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration doive faire l'objet d'une communication à l'intéressé. Par suite, M. G... ne peut faire utilement valoir que la décision attaquée n'était pas assortie de cet avis.

9. De même, en troisième lieu, aucune disposition n'impose non plus que l'avis du collège des médecins indique l'identité du médecin instructeur et comporte sa signature. Dès lors le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne permettrait pas d'identifier l'auteur du rapport médical et son contenu est, lui aussi, inopérant.

10. En quatrième lieu, M. G... soutient que la décision attaquée ne permettrait pas de s'assurer que le médecin auteur du rapport ne siégeait pas au sein du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration. Toutefois, le représentant de l'Etat n'avait pas à justifier dans l'arrêté en litige du respect de la procédure suivie devant le collège des médecins. Par ailleurs il ressort de l'avis de ce collège du 5 juin 2020, produit par le préfet de police devant le tribunal, qu'ont siégé au sein dudit collège lors de cette séance les Dr A... E..., Catherine Barennes et Patrick Brisacier, dont les noms figuraient dans l'annexe à la décision du ministre de l'intérieur du 18 novembre 2019, également produite, fixant la liste des praticiens pouvant siéger dans le collège des médecins de l'OFII et que cet avis est signé par les trois médecins. Et par ailleurs, il ressort de l'attestation du médecin coordonnateur de zone du service médical de l'OFII en date du 4 mai 2021 que le rapport sur la demande du requérant n'avait pas été établi par l'un de ces trois praticiens mais par le Dr F... I..., qui n'a, ainsi, pas siégé lors de la réunion du collège des médecins. Ainsi, le moyen manque en fait.

11. En cinquième lieu, il ressort de l'arrêté attaqué, dont la motivation pouvait être commune à la décision de refus de renouvellement de titre de séjour, à l'obligation de quitter le territoire et à la décision fixant le pays de destination, qu'il vise expressément la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en particulier ses articles 3 et 8, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il rappelle ensuite la date de naissance et la nationalité du demandeur, et sa date alléguée d'entrée en France, ainsi que sa demande de renouvellement de titre de séjour, avant de faire état de l'avis du collège des médecins de l'OFII, dont le contenu est rappelé. Il relève également, par une motivation qui doit être regardée comme commune aux décisions contenues dans cet arrêté, que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille en France, et n'atteste pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger, et qu'ainsi la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée.

12. En sixième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313.11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

13. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". De plus, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Il ressort des allégations du requérant lui-même que, né le 16 décembre 1988, il n'est entré en France qu'en juillet 2014, soit à l'âge de vingt-cinq ans, et six ans seulement avant l'intervention de la décision en litige. De plus, il n'établit ni même n'allègue avoir des attaches familiales ou personnelles sur le territoire français ou en être dépourvu dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge adulte. Dès lors, s'il fait valoir qu'il aurait travaillé en France entre 2017 et 2019, une telle circonstance, pas plus que la durée de son séjour en France, qui n'était que de six ans lors de l'édiction de la décision en litige, ne permettent d'établir que celle-ci aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313.11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

14. Si M. G... invoque l'incompétence de la signataire de cette décision, le moyen doit être rejeté pour les motifs énoncés au point 7.

15. Il fait, par ailleurs, valoir que l'obligation de quitter le territoire ne peut être prononcée que si l'avis du collège des médecins de l'OFII indique que l'état de santé de l'intéressé lui permet de voyager sans risque vers son pays de destination, et qu'en l'espèce, à défaut de communication de cet avis, il ne serait pas établi que cette indication y figure. Toutefois il ressort de cet avis, qui a été produit devant les premiers juges, que le collège des médecins s'est prononcé sur ce point et a considéré que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite le moyen ne peut qu'être écarté.

16. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Si M. G... soutient que l'obligation de quitter le territoire français méconnaitrait ces dispositions, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces moyens ne peuvent qu'être écartés pour les motifs énoncés aux points 5 et 13.

Sur la décision fixant le pays de destination :

18. Si M. G... fait valoir que cette décision porterait également une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et méconnaitrait de ce fait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, le moyen ne peut là encore, en tout état de cause, qu'être écarté pour les motifs énoncés au point 13.

19. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Or, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M. G... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine de la prise en charge médicale nécessaire à son état de santé, ni, par suite, que la décision fixant le pays de destination, du fait de l'impossibilité d'une telle prise en charge, méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de son arrêté du 10 juillet 2020 portant refus de renouvellement du titre de séjour de M. G..., l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Il est par suite fondé à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de première instance de M. G....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. G... et son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2106764/3-1 du 21 juin 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. G... présentées devant la Cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de police et à M. J... G....

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.

La rapporteure,

M-I. H...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21PA04155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04155
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : GRIOLET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-20;21pa04155 ?
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