La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/09/2022 | FRANCE | N°21PA04378

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 septembre 2022, 21PA04378


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C..., représentés par Me Coronel-Kissous, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 11 mai 2021 par lesquels le préfet de police leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par deux jugements n° 2111361/8 et 2111366/8 du 8 juillet 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés attaqués, a enjoint au préfet de police de procéder au réexam

en de la situation des époux C... dans un délai de quinze jours, a mis à la charge de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C..., représentés par Me Coronel-Kissous, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 11 mai 2021 par lesquels le préfet de police leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par deux jugements n° 2111361/8 et 2111366/8 du 8 juillet 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés attaqués, a enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation des époux C... dans un délai de quinze jours, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 600 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 21PA04377 les

30 juillet 2021 et 16 juin 2022, Me Coronel-Kissous demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Paris n° 2111366/8 en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros au titre de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991, et de porter cette somme à 856,80 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce que mentionne le jugement, M. C... n'a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale que dans le cadre de la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile ; la magistrate désignée a donc commis une erreur de droit en ne prononçant pas son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

- le montant qui lui a été alloué au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 est inférieur au minimum légal.

La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision du 3 novembre 2021, la présidente de la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté le recours de M. C... contre la décision du bureau d'aide juridictionnelle portant rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 21PA04378 les 30 juillet 2021 et 16 juin 2022, Me Coronel-Kissous demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Paris n° 2111361/8, en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros au titre de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991, et de porter cette somme à 856,80 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce que mentionne le jugement, Mme C... n'a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale que dans le cadre de la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile ; la magistrate désignée a donc commis une erreur de droit en ne prononçant pas son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

- le montant qui lui a été alloué au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 est inférieur au minimum légal.

La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision du 3 novembre 2021, la présidente de la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté le recours de Mme C... contre la décision du bureau d'aide juridictionnelle portant rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les observations de Me Coronel-Kissous.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux jugements n° 2111361/8 et 2111366/8 du 8 juillet 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du préfet de police du 11 mai 2021 faisant obligation à M. et Mme C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, et mis à la charge de l'Etat la somme de 600 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation à la part contributive de l'État.

Me Coronel-Kissous, qui a assuré la défense de M. et Mme C..., relève appel de ces jugements en tant que l'article 3 de leur dispositif a mis à la charge de l'Etat la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et demande que cette somme soit portée à 856,80 euros.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 21PA04377 et n° 21PA04378, présentées par Me Coronel-Kissous, présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle devant le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020, portant application de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) La décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'est pas susceptible de recours. "

4. Il découle de cet article que Me Coronel-Kissous ne saurait critiquer, en appel, le rejet de conclusions présentées en première instance tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur les frais liés à l'instance devant le tribunal administratif :

5. Aux termes des dispositions de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, alors en vigueur : " L'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles perçoit une rétribution. L'Etat affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions d'aide juridictionnelle et aux missions d'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles accomplies par les avocats du barreau. Le montant de la dotation affecté à l'aide juridictionnelle résulte d'une part, du nombre de missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau et, d'autre part, du produit d'un coefficient par type de procédure et d'une unité de valeur de référence. Le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de cette unité de valeur de référence est fixé, pour les missions dont l'admission à l'aide juridictionnelle est prononcée à compter du 1er janvier 2021, à 34 €. (...) ".

6. Aux termes de l'article 37 de la même loi : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de

50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

7. Le montant de la part contributive de l'Etat à la rétribution d'un avocat au titre de l'aide juridictionnelle, en deçà duquel ne saurait être fixée par le juge administratif la somme mise à la charge de l'autre partie non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, résulte de l'application du barème prévu par l'article 86 et le tableau 3 de l'annexe I du décret du 28 décembre 2020, et le cas échéant, des réductions prévues par les textes applicables, notamment par les articles 38 de la loi du 10 juillet 1991 et 92 du décret du 28 décembre 2020.

8. Il résulte de l'instruction que les requêtes présentées devant le tribunal administratif de Paris constituaient, au sens du tableau 3 de l'annexe I du décret du 28 décembre 2020, un " recours dirigé contre les mesures prises en matière de droit des étrangers, à l'exception des recours indemnitaires et des référés ". Ainsi la rétribution de l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle doit être calculée sur la base d'un coefficient de 14 multiplié par l'unité de valeur de 34 euros HT prévue à l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991, soit une somme de 476 euros HT. Cette somme doit être majorée de 50% en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, soit 714,00 euros HT. Dès lors, en mettant à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 600 euros, la magistrate désignée du tribunal administratif de Paris a méconnu les dispositions de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991. Par suite, Me Coronel-Kissous est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement n° 2111361/8, le tribunal administratif de Paris a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a donc lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 856,80 euros TTC au titre des frais non compris dans les dépens de la procédure de première instance. Dès lors, l'Etat versera à Me Coronel-Kissous la somme de 856,80 euros TTC, ce versement entraînant pour celle-ci renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

9. Néanmoins, l'article 92 du décret du 28 décembre 2020 dispose : " La part contributive versée par l'Etat à l'avocat, ou à l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, choisi ou désigné pour assister plusieurs personnes dans une procédure reposant sur les mêmes faits en matière pénale ou dans un litige reposant sur les mêmes faits et comportant des prétentions ayant un objet similaire dans les autres matières est réduite par le juge de 30 % pour la deuxième affaire, de 40 % pour la troisième, de 50 % pour la quatrième et de 60 % pour la cinquième et s'il y a lieu pour les affaires supplémentaires. "

10. La requête présentée par Me Coronel-Kissous pour M. C..., enregistrée le même jour sous le n° 2111366/8, tendait également à l'annulation d'un arrêté du 11 mai 2021 du préfet de police, à la suite de la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ce litige reposait, ainsi, sur les mêmes faits et comportait des prétentions ayant un objet similaire. Dans cette hypothèse, la part contributive de l'Etat est réduite de 30% et s'élève à 499,8 euros HT. Dès lors, la magistrate désignée pouvait légalement mettre à la charge de l'Etat la somme de

600 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les frais liés à l'instance d'appel :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 600 euros mise à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991, par l'article 3 du jugement n° 2111361/8 du tribunal administratif de Paris du

8 juillet 2021, est portée à 856,80 euros TTC.

Article 2 : L'article 3 du jugement n° 2111361/8 du tribunal administratif de Paris du 8 juillet 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Coronel-Kissous une somme de 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me Judith Coronel-Kissous, au préfet de police et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 septembre 2022.

Le président-rapporteur,

I. A...L'assesseure la plus ancienne,

M. B...

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04377 - 21PA04378


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04378
Date de la décision : 05/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CORONEL-KISSOUS AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-05;21pa04378 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award