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05/09/2022 | FRANCE | N°20PA01683

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 septembre 2022, 20PA01683


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération des entreprises de boulangerie (FEB) a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 1er juillet 2018 par laquelle la préfète de Seine-et-Marne a implicitement refusé d'abroger l'arrêté préfectoral n° 02 BCI 054 du 28 août 2002, réglementant la fermeture hebdomadaire de tous les points de vente de pain dans le département et d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne d'abroger l'arrêté en cause dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir,

et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n°1809894 du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération des entreprises de boulangerie (FEB) a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 1er juillet 2018 par laquelle la préfète de Seine-et-Marne a implicitement refusé d'abroger l'arrêté préfectoral n° 02 BCI 054 du 28 août 2002, réglementant la fermeture hebdomadaire de tous les points de vente de pain dans le département et d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne d'abroger l'arrêté en cause dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n°1809894 du 2 avril 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2020, et des mémoires, enregistrés le 22 avril 2021 et le 2 novembre 2021, la FEB, représentée par Me Flory, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1809894 du 2 avril 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision implicite du 1er juillet 2018 de la préfète de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne d'abroger l'arrêté n° 02 BCI 054 du 28 août 2002 dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Melun a méconnu le droit à un procès équitable et l'exigence de l'égalité des armes au sens de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté du 28 août 2002 du préfet de la Seine-et-Marne est illégal en raison d'une différence de traitement injustifiée entre établissements placés en concurrence sur le même marché, au regard de l'objectif poursuivi par l'article L. 3132-29 du code du travail ; il méconnait les stipulations de l'article 6 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ;

- il n'est pas établi qu'un accord préalable sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés soit intervenu conformément à l'article L. 3132-29 du code du travail ; par suite, l'appréciation portée par la préfète de Seine-et-Marne sur sa validité ne peut être vérifiée, en méconnaissance du principe d'égalité des armes et du droit au procès équitable ;

- l'article 3 de l'arrêté litigieux n'est pas relatif aux " conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés " et aucune précision n'y est apportée quant à la période de dérogation à l'obligation de fermeture hebdomadaire, quant aux conditions et modalités selon lesquelles ce jour de repos est attribué ;

- l'arrêté est intervenu sur demande du secrétaire général de la préfecture et non des syndicats intéressés, en méconnaissance de l'article L. 3132-29 du code du travail ;

- cet arrêté n'exprimait pas, à la date de sa signature, la volonté de la majorité indiscutable des membres de la profession ; alors que toutes les organisations professionnelles concernées par l'activité visée n'ont pas été invitées à se prononcer, que certaines de celles consultées ne se sont pas expressément prononcées en faveur de la fermeture hebdomadaire et de l'intervention d'un arrêté à cet effet, que des organisations ont été conviées à la négociation alors qu'elles ne sont pas concernées par l'activité de vente de pain, que certaines représentent à un double titre le même secteur d'activité, en l'absence de communication de données statistiques, il n'existe pas d'éléments chiffrés probants quant au caractère indiscutable de la prétendue majorité alléguée ; l'absence d'une négociation préalable régulière et d'accord fondé sur la volonté de la majorité indiscutable des établissements concernés entache ainsi la condition de majorité et d'irrégularité l'arrêté du 28 août 2002 ;

- l'arrêté du 18 août 2002 étant illégal, l'administration était tenue de l'abroger en application de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la condition de majorité indiscutable n'est toujours pas remplie à ce jour.

Par un mémoire, enregistré le 23 mars 2021, le syndicat patronal de la boulangerie de Seine-et-Marne, représenté par la Selarl Pierre Silve avocats, demande à la cour :

1°) de le recevoir en son intervention ;

2°) de rejeter la demande de la FEB ;

3°) de mettre à la charge de cette dernière la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il résulte de la jurisprudence du Conseil d'Etat que, pour s'assurer de la volonté indiscutable des professionnels en faveur de la fermeture hebdomadaire, il convient de ne tenir compte que des établissements exerçant effectivement l'activité de vente du pain et que les documents dont se vaut la FEB ne permettent pas d'en déterminer la proportion ; il ne ressort dès lors pas des pièces du dossier que l'accord du 14 mars 2002 n'aurait pas exprimé la volonté indiscutable des établissements concernés, les représentants du commerce de détail de produits surgelés ne devant pas être consultés faute de proposer des produits consommables dès l'achat et d'être en concurrence directe avec les acteurs de la vente de pain ;

- avant l'intervention de l'arrêté du 28 août 2002, les organismes représentant la boulangerie industrielle et les autres formes de distribution du pain ont bien été convoqués pour exprimer leur avis, à l'instar du syndicat patronal de la boulangerie (SPG) de Seine-et-Marne et de la confédération générale de l'alimentation en détail (CGAD) représentatifs des métiers de l'artisanat, du commerce alimentaire de proximité et de l'hôtellerie-restauration représentant de façon indiscutable la majorité des établissements concernés, sans que soit opposable l'apparition depuis lors de nouveaux organismes et l'absence de ratification de l'accord par des organisations invitées à la négociation ou consultées ; l'accord prévu par l'article L. 3132-29 du code du travail n'est soumis à aucun formalisme particulier ; la charge de la preuve de son irrégularité incombe à la FEB.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2021, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'arrêté préfectoral du 28 août 2002, dont l'objet est de réglementer la vente de pain dans le département de la Seine-et-Marne, d'assurer le respect effectif du principe du repos hebdomadaire y compris dans les boulangeries vendant de la pâtisserie n'instaure pas de concurrence déloyale entre les établissements concernés, ni de différences de traitement illégales ;

- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable à l'éduction de l'arrêté du 28 août 2002 est inopérant et infondé ;

- il en va de même de celui tiré de ce que cet arrêté aurait été pris à l'initiative de l'administration et non des organisations d'employeurs et de salariés concernées ;

- le moyen tiré de l'absence de majorité indiscutable est inopérant et infondé dès lors que l'arrêté du 28 août 2002, qui vise l'accord du 14 mars 2002 qui a fait l'objet d'une négociation collective et contradictoire, exprimait, au moment de sa signature, la volonté de la majorité indiscutable des membres de la profession ;

- il n'est pas établi que l'arrêté du 28 août 2002 n'exprimait plus la volonté de la majorité indiscutable des membres de la profession à la date du refus d'abroger.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°2015-990 du 6 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Zeisser représentant la FEB et de Me Pham Huu représentant le syndicat patronal de la boulangerie de Seine-et-Marne.

Une note en délibéré, présentée pour la FEB, a été enregistrée le 31 mai 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 août 2002 intervenu à la suite d'un accord conclu le 14 mars 2002 entre des organisations professionnelles d'employeurs et des syndicats de salariés concernés par la fabrication, la vente ou la distribution de produits panifiés, le préfet de la Seine-et-Marne a prescrit, dans l'ensemble des communes du département, la fermeture au public du rayon de pain, un jour par semaine, des établissements, parties d'établissements, magasins, fabricants artisanaux, ou industriels, dépôts ou locaux de quelque nature, couverts ou découverts, sédentaires et/ou ambulants, employant ou non des salariés, dans lesquels s'effectuent la vente ou la distribution de produits panifiés et la vente accessoires de pâtisserie fraîche. La fédération des entrepreneurs de boulangerie (FEB) a, par un courrier reçu par son destinataire le 15 févier 2018, demandé au préfet de la Seine-et-Marne l'ouverture d'une consultation de l'ensemble des organisations professionnelles intéressées aux fins de révision de cet arrêté. Par un second courrier, réceptionné le 30 avril 2018, elle en a sollicité l'abrogation. Elle relève appel du jugement du 2 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus opposée à sa demande par le préfet de la Seine et Marne.

Sur l'intervention du syndicat patronal de la boulangerie de Seine-et-Marne :

2. Le syndicat patronal de la boulangerie de Seine-et-Marne, qui s'oppose à l'abrogation de l'arrêté litigieux, a intérêt au maintien du jugement attaqué. Dès lors son intervention est recevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. La FEB soutient que les premiers juges ont méconnu le droit à un procès équitable et l'exigence de l'égalité des armes, au sens de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour avoir rejeté sa demande sans exiger de l'administration qu'elle produise les éléments factuels qui lui ont fait considérer qu'il existait une majorité indiscutable en faveur de la fermeture hebdomadaire au moment de la signature de l'arrêté du 28 août 2002.

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non contredites par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

5. Il ressort du point 13 du jugement attaqué que les premiers juges ont estimé que les allégations de la requérante, au soutien desquelles elle se bornait à produire des extraits de l'annuaire des entreprises de France datés du mois d'avril 2019, étaient insuffisamment sérieuses pour établir l'existence d'une majorité favorable à l'abrogation de l'arrêté du 28 août 2002. Par suite, ils n'ont pas méconnu le droit à un procès équitable et l'exigence de l'égalité des armes, au sens de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

6. Il résulte de ce qui précède que la FEB n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la légalité de l'arrêté du 28 août 2002 :

7. Aux termes de l'article L. 3132-29 du code du travail : " Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées. / A la demande des organisations syndicales représentatives des salariés ou des organisations représentatives des employeurs de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession de cette zone géographique, le préfet abroge l'arrêté mentionné au premier alinéa, sans que cette abrogation puisse prendre effet avant un délai de trois mois ". Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".

8. En premier lieu, le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique.

9. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme le prévoit l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration. Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

10. Il s'en infère que les moyens soulevés par la FEB, tirés de l'illégalité de l'arrêté du

28 août 2002 du préfet de la Seine-et-Marne dès sa signature en l'absence de consultation préalable de l'ensemble des organisations représentatives et de ce que l'arrêté aurait été pris sur demande du secrétaire général de la préfecture et non des syndicats intéressés, soit de vices de forme et de procédure dont serait entaché l'arrêté litigieux qui présente un caractère réglementaire, sont inopérants.

11. En deuxième lieu, la FEB soutient que l'arrêté litigieux est illégal en raison d'une différence de traitement injustifiée entre établissements placés en concurrence sur le même marché, au regard de l'objectif poursuivi par l'article L. 3132-29 du code du travail de préservation des conditions du libre jeu de la concurrence, entre établissements exerçant une même profession ou vendant des produits similaires entre des produits ou les établissements qui les vendent, pour exclure de l'obligation de fermeture hebdomadaire les établissements qui ne sont pas des boulangeries mais qui vendent néanmoins de la pâtisserie fraîche ainsi que les établissements de toutes natures qui vendent de la pâtisserie surgelée ou industrielle.

12. Pour autant, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes et à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Le préfet, habilité pour ce faire par le législateur, a ainsi pu édicter des règles différentes selon la nature des commerces vendant du pain à titre accessoire ou à titre principal, y compris les boulangeries-pâtisseries, dès lors que cette différence de traitement est en rapport direct avec la loi dont l'objet est précisément d'interdire de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine tout en tenant compte de la situation des commerces dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public. Il pouvait par conséquent, sans créer une distorsion de concurrence ou porter atteinte à la liberté d'entreprendre et en fonction de la différence de situation des commerces qui vendent du pain à titre accessoire et ceux qui en vendent à titre principal, les traiter différemment. Le moyen doit dès lors être écarté, faute pour la FEB d'établir en quoi la différence de traitement qu'elle invoque ne serait pas en rapport avec l'objet de l'arrêté pris en application de L. 3132-29 du code du travail, ou disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi par le dispositif.

13. En troisième lieu, la fédération requérante soutient que l'arrêté du 28 août 2002 est illégal au regard des dispositions de l'article L. 3132-29 du code du travail en tant qu'il ne définit pas les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, son article 3 se bornant à mentionner que les établissements concernés devront fermer une journée complète de 24 heures par semaine, sans pour autant que cela concerne l'exercice d'autres activités.

14. S'il est constant que la vente la fabrication et la vente de pains ainsi que de pâtisseries peut s'effectuer dans différents types de commerces relevant de réglementations et de modes de fonctionnements différents, la seule circonstance que la vente de pain constitue une activité accessoire de certains commerces, moyennes et grandes surfaces dès lors ouverts le jour de la fermeture hebdomadaire du rayon pain n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 28 août 2002 d'illégalité, dont l'objet, ainsi qu'il a été dit, est de garantir un équilibre entre les exigences en matière de repos et la libre concurrence dans le secteur concerné.

15. Enfin, si l'article 5 de l'arrêté litigieux prévoit que l'obligation de fermeture hebdomadaire ne s'appliquera pas du 20 décembre au 9 janvier inclus, dès lors que le même texte précise, qu' " au cours de cette période de suspension, les droits légaux et conventionnels des salariés en matière de repos hebdomadaire doivent être en tout état de cause strictement respectés ", la définition d'une telle modalité d'application de la règle de fermeture hebdomadaire ne saurait être regardée comme entachant l'arrêté d'illégalité.

16. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 28 août 2002 était illégal dès sa signature et que le préfet était tenu de l'abroger.

Sur la légalité de la décision de refus d'abrogation de l'arrêté du 28 août 2002 :

17. La juridiction compétente pour statuer sur l'exception tirée de l'illégalité d'un règlement peut être invitée à rechercher, non seulement si ce règlement a été légalement pris, mais s'il était resté légalement en vigueur à la date à laquelle il en a été fait application.

18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'arrêté du 28 août 2002 ne peut être accueilli.

19. Il résulte du 2ème alinéa de l'article L. 3132-29 du code du travail précité que l'administration est tenue d'abroger l'arrêté en cause à la demande, notamment, d'organisations représentatives des employeurs de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession. Par suite, lorsque le préfet est saisi d'une demande d'abrogation d'un arrêté de fermeture hebdomadaire des établissements vendant du pain, par une organisation syndicale représentative d'employeurs de la zone géographique concernée, il ne peut rejeter cette demande sans vérifier au préalable si la condition de majorité indiscutable est toujours remplie au jour de cette demande, lorsque l'organisation syndicale à l'origine de cette demande apporte des éléments suffisants en ce sens. Il appartient alors au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties.

20. En l'espèce, si la fédération requérante fait valoir que, lors de la demande d'abrogation dix-sept années s'étaient écoulées depuis l'arrêté du 28 août 2002, que le secteur a depuis lors évolué, que de nombreux autres arrêtés similaires ont été abrogés et que l'arrêté préfectoral ne réunit plus les conditions de légalité au jour du refus d'abrogation à défaut d'une majorité indiscutable de professionnels intéressés favorables à son maintien, il ne ressort pas des pièces du dossier que la FEB ait apporté au préfet des éléments lui permettant de mettre en doute l'existence d'une majorité indiscutable au sens des dispositions susvisées. De tels éléments ne sont par ailleurs pas davantage produits dans le cadre de la procédure contentieuse, les documents produits par la FEB étant des tableaux, des extraits de l'annuaire des entreprises de France d'avril 2019 présentant par catégorie professionnelle le nombre d'établissements faisant le commerce du pain sur le territoire de la Seine-et-Marne : soit 487 boulangeries artisanales, 87 commerces de détail de pain, pâtisserie et confiseries en magasin spécialisé, 35 pâtisseries, 7 sociétés de fabrication industrielle de pains et de pâtisserie, 29 points de cuisson de boulangerie, 482 commerces d'alimentation générale, 52 supérettes, 202 supermarchés, 42 hypermarchés. Ainsi, dans un contexte où la fédération régionale de la boulangerie et des boulangeries-pâtisseries d'Ile-de-France représentant les boulangeries artisanales, soit la catégorie la plus nombreuses parmi les établissements concernés et signataire de l'accord de 2002, est favorable au maintien de l'arrêté du 28 août 2002, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Melun a considéré que la fédération requérante, faute d'apporter des éléments sérieux de nature faire présumer un renversement de majorité a jugé que le préfet de la Seine-et-Marne n'avait pas entaché sa décision d'illégalité en refusant de faire droit à une demande d'abrogation qui émanerait, au sens de l'article L. 3132-29 du code du travail, de la majorité des membres de la profession de cette zone géographique.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la FEB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

22. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la FEB, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la FEB au titre des frais liés à l'instance. Par ailleurs, les conclusions présentées sur ce fondement par le syndicat patronal de la boulangerie de Seine-et-Marne, qui n'a pas la qualité de partie, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention du syndicat patronal de la boulangerie de Seine-et-Marne est admise.

Article 2 : Le requête de la fédération des entreprises de boulangerie est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du syndicat patronal de la boulangerie de Seine-et-Marne présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération des entreprises de boulangerie, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, au syndicat patronal de la boulangerie de Seine-et-Marne et au préfet de la Seine et Marne.

Copie en sera adressée au syndicat des indépendants, à la fédération nationale de l'épicerie (FNDE), à la fédération nationale des détaillants en produits laitiers (FNDPL), au syndicat des crémiers fromagers de l'Ile-de-France, au syndicat de l'épicerie française et de l'alimentation générale (SEFAG), à la confédération générale de l'alimentation en détail (CGAD), au syndicat de la pâtisserie de Seine-et-Marne, à la chambre syndicale des négociants en combustibles de Paris Ile-de-France, à l'union régionale des syndicats agroalimentaires et forestière de la région parisienne CGT, à la fédération nationale CFTC des travailleurs de l'alimentation de l'Ile-de-France, à la fédération agro-alimentaire CFDT, à la fédération chimie énergie - CFDT, à la fédération des entreprises de boulangerie et pâtisserie française (FEBPF), au groupement indépendants des terminaux de cuisson (GITE), à la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FECD), à la fédération des pâtissiers de Paris-Ile-de-France, au syndicat général de l'Ile-de-France de la boulangerie pâtisserie artisanale et industrielle FO, à la fédération générale des travailleurs de l'agriculture de l'alimentation, à la FNAA-CFE-CGCF, au syndicat CFDT des ouvriers boulangers, pâtissiers, vendeuses, à la fédération de l'équipement, des transports et des services-FO, à la fédération nationale des ports et docks-CGT et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience publique du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 septembre 2022.

La rapporteure,

M-D A...La présidente,

M. B...

La greffière,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01683


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01683
Date de la décision : 05/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : DIXHUIT BOETIE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-05;20pa01683 ?
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