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16/08/2022 | FRANCE | N°21PA05134

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 16 août 2022, 21PA05134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 octobre 2020 par laquelle le préfet de police a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 2108247 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

17 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 octobre 2020 par laquelle le préfet de police a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 2108247 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2108247 du 24 juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative combiné à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- aucune des trois décisions n'est suffisamment motivée ;

- le collège des médecins de l'OFII n'a pas tenu de réunion collégiale ;

- compte tenu de sa pathologie, il doit se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est contraire à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le délai de départ volontaire de trente jours est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 16 juin 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par décision du 3 août 2021, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016, relatif aux avis médicaux ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né en 1965, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'algérien malade, sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par arrêté du 19 octobre 2020, le préfet police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office. M. B... demande à la Cour l'annulation du jugement du 24 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté son recours dirigé contre ledit arrêté, ainsi que l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de titre de séjour formées par les ressortissants algériens sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco- algérien : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". En application de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase de l'alinéa (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

3. M. B... allègue que le collège des médecins, mentionné à l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne se serait pas effectivement réuni sur son cas. Mais les mentions contraires de cet avis spécifiant la réunion de ce collège, le requérant n'apporte aucun élément permettant de présumer que les médecins membres du collège n'auraient pas débattus, fût-ce lors d'une réunion téléphonique ou audiovisuelle, de sa situation.

4. Comme l'a jugé le tribunal administratif de Paris, dont il convient de s'approprier les motifs, la décision du 24 janvier 2021 comporte les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement et se trouve suffisamment motivée.

5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 précité : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

6. M. B..., qui souffre d'un cancer de la peau depuis 2012, opéré une première fois cette même année, est entré en France en 2014 et est soigné pour ce cancer depuis lors. Il a subi deux autres interventions chirurgicales en France en 2014 et 2015, compte tenu des récidives décelées. Il nécessite depuis un suivi médical régulier, tous les trois mois les premières années et désormais tous les six mois, avec alternance d'examens. Il produit des certificats médicaux de médecins de l'hôpital Gustave Roussy attestant du caractère hautement récidivant de sa pathologie et des risques que ferait peser une absence de suivi ou, en cas de besoin, un retard de traitement. Ni les certificats médicaux produits, ni les considérations générales sur le système de santé algérien ne permettent de contredire utilement l'appréciation du préfet de police qui s'est appuyé sur l'avis du collège de médecins pour estimer que si M. B... souffre d'une pathologie qui nécessite une prise en charge dont le défaut l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut néanmoins disposer effectivement de soins adaptés en Algérie. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit, ainsi, être écarté.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire :

7. Si M. B... excipe de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire, il résulte de ce qui vient d'être dit plus haut qu'il ne présente aucun autre moyen que ceux écartés par le présent arrêt. Dans ces conditions, cette exception d'illégalité ne peut qu'être écartée.

8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...). ".

9. Pour les motifs énoncés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de la violation du 10° de l'article L. 511-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être rejeté.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Ainsi qu'il a été dit plus haut, M. B... est entré en France en 2014 pour se faire soigner et a été mis en possession d'un titre de séjour. Il travaille comme surveillant dans plusieurs écoles de la ville de Paris. Pour autant, il ne dispose pas d'attaches particulières en France alors que son épouse et ses enfants, ainsi que son père et sa fratrie, résident en Algérie où il a vécu l'essentiel de sa vie. La décision attaquée n'a, ainsi, pas portée d'atteinte disproportionné au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale, garantie par l'article 8 de la convention mentionné ci-dessus.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire :

12. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. ". La décision accordant un délai de départ volontaire de droit commun de trente jours ne nécessite pas de motivation particulière dès lors que cette motivation se confond, s'agissant des éléments tirés de la situation personnelle de l'intéressé, avec celle de l'obligation de quitter le territoire et du refus de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, dès lors que ce refus est lui-même motivé, ce qui est le cas en l'espèce, de mention particulière.

13. Comme l'a estimé le tribunal administratif dans le jugement attaqué, dont il convient sur ce point d'adopter les motifs, la décision n'accordant qu'un délai de départ volontaire d'un mois à M. B... n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions tendant au prononcé d'injonction sous astreinte ou au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 août 2022.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

J.-E. SOYEZ La greffière,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05134
Date de la décision : 16/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-08-16;21pa05134 ?
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