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16/08/2022 | FRANCE | N°21PA00668

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 16 août 2022, 21PA00668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) STMicroelectronics Grand Ouest a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de ses taxes additionnelles et frais de gestion pour les exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1907583 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société des suppléments de cotisation à l'impôt sur les sociétés ain

si que de contribution sociale et de contribution exceptionnelle sur cet impôt et des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) STMicroelectronics Grand Ouest a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de ses taxes additionnelles et frais de gestion pour les exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1907583 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société des suppléments de cotisation à l'impôt sur les sociétés ainsi que de contribution sociale et de contribution exceptionnelle sur cet impôt et des pénalités correspondantes et mis à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête enregistrée le 9 février 2021, sous le n° 21PA00668, et un mémoire enregistré le 13 juillet 2021, la SAS STMicroelectronics Grand Ouest, représentée par Me Bazaille, avocat, demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1907583 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil en tant que son dispositif est entaché d'une erreur matérielle et prononce la décharge des suppléments de cotisation à l'impôt sur les sociétés ainsi que de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt et des pénalités correspondantes.

La SAS STMicroelectronics Grand Ouest soutient que :

- le dispositif du jugement est entaché d'une erreur matérielle sur la nature des impositions en litige et dont la décharge est prononcée qui est sans influence sur le fond du litige et la solution retenue par le tribunal ;

- qu'en dépit de sa demande, aucune ordonnance de rectification d'erreur matérielle n'est intervenue sur le fondement de l'article R. 741-11 du code de justice administrative ;

- qu'il n'y a pas lieu de joindre sa requête et celle du ministre qui n'émanent pas du même requérant et n'ont pas le même objet.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir qu'il a introduit une requête d'appel tendant à la contestation du bien-fondé du jugement, qui est en outre entaché dans son dispositif d'une erreur matérielle, et qu'il y a lieu de joindre les deux procédures pour que la cour statue par un seul arrêt.

II- Par une requête, enregistrée le 24 février 2021, sous le n° 21PA00960, et un mémoire enregistré le 24 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1907583 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rétablir les impositions en litige dont la décharge a été accordée à tort par les premiers juges.

Le ministre soutient que :

- au regard de l'objectif assigné au disposition du crédit d'impôt recherche, le montant de ce crédit ne devrait pas avoir vocation à concourir à la détermination du prix de revient des coûts refacturés par le bénéficiaire de ce dispositif à sa société mère établie hors de France ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration n'établissait pas la réalité du transfert indirect de bénéfice réalisé par la société STMicroelectronics Grand Ouest au profit de sa société mère néerlandaise, la société STMicroelectronics NV, imposable sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts et entrant dans la détermination de la valeur ajoutée servant d'assiette à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en application de l'article 1586 sexies du code général des impôts ;

- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;

- l'administration a renoncé en appel à la demande de substitution de motif présentée en première instance et se fonde en appel uniquement sur la prise en compte d'une subvention d'Etat dans les montants refacturés de sorte que le moyen tiré de ce que la société aurait été privée de garanties procédurales et notamment de la possibilité de demander la saisine de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est inopérant.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 21 juin 2021 et 12 juillet 2021, la société par actions simplifiées (SAS) STMicroelectronics Grand Ouest demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance ;

2°) d'annuler le jugement n° 1907583 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil en tant que son dispositif est entaché d'une erreur matérielle et prononce la décharge des suppléments de cotisation à l'impôt sur les sociétés ainsi que de contribution sociale et de contribution exceptionnelle sur cet impôt et des pénalités correspondante ;

3°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de ses taxes additionnelles et frais de gestion pour les exercices clos en 2012 et 2013 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS STMicroelectronics Grand Ouest fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que le ministre n'a aucun intérêt à faire appel ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée à défaut d'avoir utilisé un panel de comparables ou une méthode alternative recevable pour justifier le recours à l'article 57 du code général des impôts et cette irrégularité est substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- en produisant en première instance un panel de comparables à l'appui de son argumentation qu'elle n'avait pas produit antérieurement, l'administration l'a privée de la possibilité de soumettre effectivement à la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires un sujet relevant de sa compétence et a entaché la procédure d'une irrégularité substantielle ;

- les moyens présentés en appel par le ministre sur les modalités de mise en œuvre de l'article 57 du code général des impôts ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiées (SAS) STMicroelectronics Grand Ouest exerce une activité de développement et de recherche dans le domaine des technologies liées aux

semi-conducteurs pour laquelle elle perçoit de l'Etat des subventions et bénéficie d'un crédit d'impôt recherche. Elle a conclu avec sa société-mère, la société de droit néerlandais STMicroelectronics NV, un contrat-cadre dit " B... ". En vertu de ce contrat, la société STMicroelectronics Grand Ouest réalise des opérations de recherche et développement pour le compte de la société STMicroelectronics NV. Cette dernière définit le programme de recherche et est titulaire des droits de propriété intellectuelle résultant de ces opérations. Elle verse à la société STMicroelectronics Grand Ouest une rémunération calculée par application d'un taux de marge de 7% aux coûts des opérations de recherche et développement supportés par la société STMicroelectronics Grand Ouest, diminués du montant des crédits d'impôt recherche et des subventions publiques liées aux opérations de recherche qu'elle a reçus. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2012 et 2013, l'administration a estimé que la déduction des crédits d'impôt recherche et des subventions publiques de la base des coûts refacturés par la société STMicroelectronics Grand Ouest induisait un transfert indirect de bénéfice à l'étranger, au sens de l'article 57 du code général des impôts. Elle a rehaussé les produits comptabilisés par la société STMicroelectronics Grand Ouest à concurrence, notamment, de la réintégration du montant de ces subventions et du crédit d'impôt recherche dans le coût de revient retenu pour la détermination du prix de cession et lui a notifié des rehaussements des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés. Tirant les conséquences, pour la détermination de la valeur ajoutée de la société contrôlée, de la rectification des produits comptabilisés, l'administration a notifié à la société STMicroelectronics Grand Ouest des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de ses taxes additionnelles et frais de gestion pour les exercices clos en 2012 et 2013. Par sa requête enregistrée sous le n° 21PA00668, la SAS STMicroelectronics Grand Ouest demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1907583 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil en tant que son dispositif est entaché d'une erreur matérielle et prononce la décharge des suppléments de cotisation à l'impôt sur les sociétés ainsi que de contribution sociale et de contribution exceptionnelle sur cet impôt et des pénalités correspondantes. Par sa requête enregistrée sous le n° 21PA00960, le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du même jugement et demande que les impositions en litige soient remises à la charge de la société.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 21PA00668 de la SAS STMicroelectronics Grand Ouest et n° 21PA00960 du ministre de l'économie, des finances et de la relance, sont dirigées contre un même jugement du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. (...) / A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications (...), les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ".

4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont inférieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties aux moins équivalentes. A défaut d'avoir procédé à une telle comparaison, le service n'est, en revanche, pas fondé à invoquer la présomption de transfert de bénéfices ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en facturant des prestations à un prix insuffisant, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu.

5. Pour démontrer que la SAS STMicroelectronics Grand Ouest a procédé à un transfert indirect de bénéfices au profit de la société STMicroelectronics NV, sous la dépendance de laquelle elle est était placée, l'administration se borne à faire valoir en appel que le prix de vente des prestations facturées à cette société a été déterminé après déduction des sommes perçues au titre des crédits d'impôt recherche et que cette déduction constitue une renonciation à recettes. Toutefois, la déduction, opérée par une société française, pour la détermination du prix de cession du produit de sa recherche à facturer à une société étrangère qui lui est liée en application d'un contrat prévoyant une rémunération du type de celle prévue par le contrat mentionné au point 1, des subventions et sommes perçues au titre d'un crédit d'impôt recherche, ne saurait être considérée comme permettant, par elle-même et indépendamment du niveau du prix de cession auquel cette déduction conduit par application du mode de calcul contractuel, de présumer l'existence d'un transfert de bénéfices à l'étranger, au sens de l'article 57 du code général des impôts, à charge pour la société française d'établir l'existence d'une contrepartie. Ainsi, alors que le ministre ne conteste pas l'appréciation portée par les premiers juges sur le caractère non pertinent des comparables produits en première instance afin de comparer les prix facturés par la SAS STMicroelectronics Grand Ouest à sa mère néerlandaise et ceux pratiqués entre entreprises indépendantes et à défaut de proposer d'autres comparables ou une autre méthode alternative pouvant se substituer à cette comparaison, le ministre n'apporte pas la preuve que les sommes réintégrées dans les résultats de la contribuable constituaient des bénéfices indûment transférés à l'étranger au sens et pour l'application de l'article 57 du code général des impôts.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en appel par la SAS STMicroelectronics Grand Ouest, que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 17 décembre 2020. En revanche, les premiers juges, après avoir mentionné dans les visas du jugement comme dans ses motifs les conclusions dont ils étaient saisis qui tendaient à la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, des taxes additionnelles, frais de gestion et intérêts de retard, ont mentionné à tort, à l'article 1er de son dispositif, la décharge des suppléments de cotisation à l'impôt sur les sociétés ainsi que de contribution sociale et de contribution exceptionnelle sur cet impôt et des pénalités correspondantes et ont, ainsi, entaché leur jugement d'une erreur matérielle qu'il y a lieu de corriger. Il y a lieu, dès lors, d'annuler l'article 1er du jugement et de prononcer la décharge de la SAS STMicroelectronics Grand Ouest, en droits et majorations, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de ses taxes additionnelles et frais de gestion pour les exercices clos en 2012 et 2013.

Sur les frais liés au litige :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés par la SAS STMicroelectronics Grand Ouest et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 17 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La société par actions simplifiées (SAS) STMicroelectronics Grand Ouest est déchargée en droits et majorations, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de ses taxes additionnelles et frais de gestion pour les exercices clos en 2012 et 2013.

Article 3 : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 4 : L'Etat versera à la SAS STMicroelectronics Grand Ouest la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiées (SAS) STMicroelectronics Grand Ouest et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 16 août 2022.

La rapporteure,

M. FULLANA Le président,

J-E SOYEZ

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00668, 21PA00960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00668
Date de la décision : 16/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: Mme Maguy FULLANA
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : AKLEA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-08-16;21pa00668 ?
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