Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2008253 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2022, Mme C... A..., représentée par Me Semak, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2008253 du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour "vie privée et familiale" dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de saisir les services ayant procédé au signalement dont elle fait l'objet dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour afin de procéder à la mise à jour des fichiers, en tenant compte de l'annulation de ladite interdiction ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, les premiers juges ayant commis une erreur de droit et inversé la charge de la preuve en rejetant les moyens tirés d'irrégularités de la procédure, sans mettre au préalable en œuvre leurs pouvoirs d'instruction pour demander au préfet de la Seine-Saint-Denis de communiquer l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) au motif qu'il lui incombait de produire celui-ci - qu'elle conteste avoir reçu concomitamment à l'arrêté - après en avoir fait la demande auprès du préfet ;
- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article 47 du code civil et insuffisamment motivé leur jugement sur ce point, en retenant, à tort, que le lien de filiation entre elle-même et son fils n'était pas établi ;
- le jugement est également insuffisamment motivé s'agissant de la présence de son fils sur le territoire français, de la réponse au moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait cru en situation de compétence liée et à celui tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire était insuffisamment motivée ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée :
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu son pouvoir d'appréciation et s'est cru en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- la procédure est irrégulière et il est impossible de vérifier l'existence et les mentions de l'avis du collège des médecins de l'OFII ; les médecins signataires de l'avis médical sont incompétents ;
- la décision méconnaît les articles des articles R. 313-23 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- la décision méconnaît les articles des articles R. 313-23 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- la décision méconnaît l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il est impossible de s'assurer de la collégialité de l'avis du collège des médecins de l'OFII ;
- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est entachée d'une exception d'illégalité ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision est entachée d'une exception d'illégalité ;
- la décision est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est entachée d'une exception d'illégalité ;
- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit et un défaut de base légale ;
- elle ne respecte pas le droit d'être entendu, du droit de la défense et de la bonne administration ;
- la décision méconnaît les articles L. 511-1 du code précité, 8 de la convention précitée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. B... a présenté son rapport lors de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., née le 18 décembre 1982, de nationalité congolaise, est entrée en France le 10 septembre 2009 selon ses déclarations. Le 5 juin 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du
8 janvier 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme C... A... relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité ni d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa numérotation alors applicable : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article
L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article
R. 313-23 du même code, dans sa numérotation alors applicable : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé prévoit que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en raison de son état de santé de se prononcer au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le caractère collégial de cette délibération constitue une garantie pour le demandeur de titre. Préalablement à l'avis rendu par ce collège d'experts, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin instructeur, doit lui être transmis. Le médecin instructeur à l'origine de ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. La circonstance qu'il siège au sein de ce collège est constitutive d'un vice affectant le déroulement de la procédure dans la mesure où le demandeur est privé d'une garantie. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui doivent permettre au juge un contrôle effectif de la régularité de la composition du collège de médecins.
4. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a émis, le 27 septembre 2019, un avis sur l'état de santé de Mme C... A.... Ni la requérante, ni le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ont produit à l'instance cet avis. Par ailleurs, si l'arrêté contesté mentionne qu'une copie de l'avis est jointe à cette décision, Mme C... A... conteste sans être contredite par le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit d'écritures en défense, qu'elle n'a pas été destinataire de cet avis. Alors que la requérante soutient qu'elle n'est pas en mesure de vérifier la régularité de cet avis ainsi que l'existence d'une délibération collégiale en l'absence de justificatif en ce sens, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a produit aucune observation en défense, ni en première instance, ni en appel, n'établit pas la régularité de cet avis au regard des dispositions précitées des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 et n'apporte aucun élément propre à établir que l'avis concernant l'état de santé de Mme C... A... a résulté d'une décision collégiale.
5. Il résulte de ce qui précède, eu égard à l'absence de production de l'avis concernant l'état de santé de la requérante, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler ce jugement ainsi que cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Eu égard au motif de l'annulation, il y a lieu uniquement d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de se prononcer à nouveau sur la demande de délivrance de titre de séjour présentée par Mme C... A..., dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme C... A..., Me Semak, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Semak renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2008253 du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 8 janvier 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de Mme C... A... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Semak la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Semak.
Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 août 2022.
Le président-rapporteur,
I B...L'assesseure la plus ancienne,
M. D...
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 22PA00358 2