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28/07/2022 | FRANCE | N°21PA05584

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 juillet 2022, 21PA05584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 27 mai 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté leur demande de regroupement familial présentée au profit de leur fils aîné.

Par une ordonnance n° 2107836 du 3 septembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Mbaye, demande

nt à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoind...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 27 mai 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté leur demande de regroupement familial présentée au profit de leur fils aîné.

Par une ordonnance n° 2107836 du 3 septembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Mbaye, demandent à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de leur accorder le regroupement familial sollicité dans un délai d'un mois suivant la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en rejetant leur demande par voie d'ordonnance, le tribunal a méconnu leur droit à un procès équitable protégé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a également méconnu les droits de leur enfant mineur garantis par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que le premier alinéa de l'article 455 et le deuxième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'appréciation des conditions de logement ;

- elle méconnait en outre les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., ressortissants sénégalais ont sollicité le regroupement familial au bénéfice de leur fils aîné, C... D..., né le 16 novembre 2002, par une demande déposée le 7 octobre 2019. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande par décision du 27 mai 2021. M. et Mme D... demandent l'annulation de l'ordonnance du 3 septembre 2021 par laquelle le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...). ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents (...) de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) "

4. Ces dispositions, prises notamment aux fins d'éviter l'encombrement des tribunaux administratifs et de garantir le respect du droit à un jugement dans un délai raisonnable, permettent de rejeter par ordonnances, sans tenue d'une audience publique préalable, les requêtes qui ne comportent notamment que des moyens de légalité externe manifestement infondés ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Eu égard à leur objet, elles ne méconnaissent pas, en elles-mêmes, les garanties qui découlent des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit de toute personne à voir sa cause entendue publiquement, par un tribunal indépendant et impartial.

5. En première instance, les époux D... se sont bornés à affirmer que leur logement ne présentait aucun danger pour leur santé et celle de leurs enfants et n'ont, par suite, pas sérieusement contesté la motivation de la décision attaquée selon laquelle leur logement n'était pas conforme à la réglementation en vigueur et ne remplissait pas les conditions minimales de confort et d'habitabilité exigées, du fait notamment de la présence de traces de moisissure à certains endroits et de fils électriques apparents. Dans ces conditions, eu égard aux fins poursuivies et aux critères posés par les dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le premier juge a pu légalement, sans méconnaître le principe du contradictoire ni les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantissent le droit à un procès équitable, se fonder sur ces dispositions pour statuer sur la demande des requérants.

5. En second lieu, les dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile invoquées par les requérants ne sont pas applicables devant les juridictions administratives. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant et ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

6. Les requérants ne contestent pas les motifs de l'ordonnance attaquée selon lesquels leur demande ne comportait que des moyens de légalité externe manifestement infondés ou qui n'étaient manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

7. Au surplus et en tout état de cause, en premier lieu, les requérants reprennent en appel le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait insuffisamment motivée sans développer au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 434-7 du même code : " L'étranger qui en fait la demande est autorisé à être rejoint au titre du regroupement familial s'il remplit les conditions suivantes : /1° Il justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ; / 2° Il dispose ou disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; /3° Il se conforme aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. ". Aux termes de l'article R. 434-5 du même code : " Pour l'application du 2° de l'article L. 434-7, est considéré comme normal un logement qui : (...) 2° Satisfait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 : " Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires : (...) 4. La nature et l'état de conservation et d'entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ; 5. Les réseaux et branchements d'électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d'eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d'usage et de fonctionnement ; 6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ; (...) ".

9. En l'espèce, pour rejeter la demande de regroupement familial des époux D... au profit de leur fils aîné, le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que leur logement ne remplissait pas les conditions minimales de confort et d'habitabilité exigées, compte tenu notamment de la présence de traces de moisissures sur la fenêtre de la cuisine et sur l'une des chambres de l'appartement et dès lors que le branchement électrique de la cuisinière n'était pas conforme du fait de la présence de fils apparents. Pour contester cette appréciation, les époux D... se bornent à soutenir que leur logement doit être considéré comme normal au sens des dispositions précitées dès lors qu'il est loué par la société Group Action Logement qui ne peut donner à bail que des logements qui ne sont pas frappés d'inhabitabilité, sans toutefois remettre en cause les constatations de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour prendre la décision attaquée. Dans ces conditions, et dès lors que la présence de moisissures et de branchements électriques non conformes présente un risque pour la santé des locataires de cet appartement, c'est sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation que le préfet de la Seine-Saint-Denis a opposé aux époux D... la circonstance qu'ils ne remplissaient pas les conditions minimales de confort et d'habitabilité exigées de leur logement.

10. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. Si le préfet est en droit de rejeter une demande de regroupement familial au motif que l'étranger ne remplirait pas l'une ou l'autre des conditions légales requises, il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande en pareil cas s'il est porté une atteinte excessive au droit de l'étranger de mener une vie familiale normale, tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou lorsqu'il est porté atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

12. En l'espèce, M. et Mme D... soutiennent que la décision attaquée porte atteinte à leur vie privée et familiale en faisant obstacle à ce qu'elle s'exerce normalement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les époux D..., qui résident en France depuis au plus tard 2011, vivent séparés de leur fils aîné, âgé de 19 ans à la date de la décision contestée, depuis cette date au moins. Par suite, en rejetant leur demande de regroupement familial, le préfet n'a pas porté au droit des époux D... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision attaquée a été prise. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations susvisées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 21 mai 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de faire droit à leur demande de regroupement familial au bénéfice de leur fils aîné. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Mme F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.

Le rapporteur,

P. B...

La présidente,

M. A...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05584


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05584
Date de la décision : 28/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : MBAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-28;21pa05584 ?
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