Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 4 février 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2002166 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2021, M. C..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, notamment au regard de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et de l'absence de visa de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien modifié ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen effectif de sa situation personnelle ;
- le préfet n'a pas statué sur sa demande présentée sur le fondement de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien modifié ;
- le préfet n'a pas statué sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
- les décisions attaquées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6-5 de l'accord franco-algérien modifié ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- il justifie de circonstances exceptionnelles et de motifs humanitaires.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz, rapporteur,
- et les observations de Me Boudjellal pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 1er novembre 1997 à Hammamet (Algérie), est entré en France le 26 mai 2015, muni d'un visa à entrées multiples valable du 27 avril 2015 au 26 juillet 2015. Il a été mis en possession d'un titre de séjour mention " visiteur ", valable en dernier lieu du 14 mai 2018 au 13 mai 2019. Il a sollicité, le 4 avril 2019, un changement de statut et le renouvellement de son titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 4 février 2020, le préfet du Val-de-Marne a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 30 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France le 26 mai 2015, âgé de 17 ans, en compagnie de ses parents et de son petit frère. Après avoir été scolarisé au titre de l'année scolaire 2015-2016 à l'Ecole internationale algérienne de Paris, il a abandonné sa scolarité pour s'occuper à plein temps de sa mère atteinte d'une maladie grave, qui est décédée le 31 mars 2019. Il réside avec son père et son frère et soutient sans être contredit ne plus avoir d'attaches familiales en Algérie, ses grands-parents étant également décédés. Il est par ailleurs constant que sa présence sur le territoire ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Au vu des circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté attaqué doit donc être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de celles de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 février 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français, en fixant le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, l'exécution du présent arrêt implique que soit délivré à M. C... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de délivrer le titre de séjour sollicité par l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
8. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. C... au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er: Le jugement no 2002166 du tribunal administratif de Melun du 30 juin 2021 et l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 4 février 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au Préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
M. A...
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA05192 2