Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 avril 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2104679 du 31 mai 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 septembre 2021, M. D... C..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- son droit à être entendu, énoncé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- le risque de fuite n'est pas établi, en l'absence notamment de production du procès-verbal d'audition ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant interdiction de retour pour une durée de trois ans :
- elle est insuffisamment motivée dans son principe et dans sa durée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 23 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., ressortissant sri lankais né le 21 décembre 1987, est entré en France en 2002 selon ses déclarations. Il a bénéficié d'une carte de résident valable du 8 décembre 2004 au 7 décembre 2014 en qualité de réfugié, statut qui a toutefois cessé de lui être accordé le 5 août 2008. Par un arrêté du 6 avril 2021, la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans. M. C... relève appel du jugement du 31 mai 2021 par lequel le magistrat désigné tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
3. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal dressé le 6 avril 2021 à 11h30, que M. C... a été entendu par les services de police et interrogé notamment sur son identité, sa situation administrative et ses ressources. Il a en outre été informé de la possibilité qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre et interrogé sur l'existence éventuelle d'autres éléments qu'il aurait souhaité porter à la connaissance de l'autorité administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire national sans délai aurait été prise en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté comme manquant en fait, alors en outre qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait disposé d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne fût prise la mesure d'éloignement qu'il conteste.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. C... se prévaut de sa durée de séjour en France et de son intégration professionnelle et sociale. Toutefois, si l'intéressé est entré mineur en France et justifie de sa résidence continue sur le territoire depuis à tout le moins l'année 2007, cette circonstance ne saurait, à elle seule, faire regarder la mesure d'éloignement comme constitutive d'une violation des stipulations précitées dès lors que l'intéressé, célibataire sans charge de famille en France, n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales au Sri Lanka. En outre, si les efforts que l'intéressé a pu fournir depuis 2009 en termes de parcours de soins et de réadaptation sont louables, celui-ci occupant notamment un emploi d'agent d'entretien à temps partiel au sein de la même entreprise depuis décembre 2018 et œuvrant comme bénévole au sein d'une association les mercredis après-midi depuis février 2018, ces éléments ne sont toutefois pas suffisants pour établir une intégration significative au sein de la société française. En effet, il ressort du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), produit par le préfet en première instance, que l'intéressé a été signalisé à de nombreuses reprises pour diverses infractions entre 2007 et 2017, à savoir, notamment, " dégradations volontaires de bien privés " en 2007, " violences avec arme " en 2009 et 2011, " port ou détention d'armes prohibées ", " menaces ou chantages " et " outrages à dépositaires de l'autorité publique " en 2010, " outrage sur agent chargé d'une mission de service public " et " incendies volontaires de biens privés " en 2011, " outrages à dépositaires de l'autorité publique " et " rébellion " en 2012 et " menace de crime contre les personnes matérialisée par écrit, image ou autre objet " en 2017. Dans ces conditions, la préfète du Val-de-Marne, en prenant la décision attaquée, n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision attaquée et désormais repris aux articles L. 612-1 et suivants du même code : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
8. En premier lieu, la décision contestée vise expressément le d) du 3° du 3ème alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne en outre que l'intéressé s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement qui lui a été notifiée le 13 mars 2019, qu'il existe ainsi un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement contestée et qu'en conséquence, " il n'a pas paru justifié de lui accorder un délai de départ volontaire ". Par suite, la décision, qui comporte les éléments de fait et droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée et ne révèle aucun défaut d'examen de la situation de l'intéressé.
9. En deuxième lieu, il est constant que l'intéressé a fait l'objet, le 11 mars 2019, d'un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours, notifié le 13 mars 2019. Si le tribunal administratif de Montreuil, par un jugement n° 1906181 du 23 septembre 2019, a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français dont était assorti cet arrêté, il a néanmoins rejeté les conclusions de M. C... dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire. Si l'intéressé a fait appel, le 16 octobre 2020, de ce jugement en tant notamment qu'il l'obligeait à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, cet appel ne revêtait pas de caractère suspensif de l'exécution de la mesure d'éloignement. Dès lors, le requérant se trouvait, à compter de la notification du jugement du 23 septembre 2019, tenu d'exécuter cette mesure. Ainsi, la préfète du Val-de-Marne a pu légalement, et sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. C..., lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire sur le fondement du d) du 3° du 3ème alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de regarder comme établi, sauf circonstance particulière, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :
10. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, et désormais codifiée aux articles L. 612-6, L. 612-10 et L. 613-2 du même code : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
11. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire. Ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie.
12. En premier lieu et ainsi qu'il a été dit précédemment, la préfète du Val-de-Marne a édicté une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai à l'encontre de M. C.... Cette décision devait dès lors nécessairement être assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français en application du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en visant le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en rappelant qu'aucun délai de départ volontaire n'avait été accordé à M. C..., la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée dans son principe. En outre, après avoir rappelé que l'intéressé était entré en France, selon ses déclarations, en 2002, la décision mentionne, d'une part, que M. C... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 11 mars 2019 et, d'autre part, que l'intéressé ne fait état d'aucune circonstance humanitaire de nature à justifier que l'interdiction de retour ne soit pas prononcée. Si l'autorité administrative doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme constituant une telle menace, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément si, comme en l'espèce, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'interdiction de retour doit être écarté.
13. En second lieu, si, ainsi qu'il a été dit au point 6, M. C... justifie résider en France de manière continue depuis 2007, il ne justifie toutefois ni d'une vie privée et familiale inscrite dans la durée sur le territoire national ni d'une intégration significative dans la société française, pour les motifs indiqués au point 6. Par ailleurs, l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, ainsi qu'il a été dit au point 9. Dans ces conditions, le requérant, qui ne justifie pas de circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle à l'édiction de la mesure contestée, n'est pas fondé à soutenir qu'en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, la préfète du Val-de-Marne aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est fondé pas à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.
Le rapporteur,
P. B...
La présidente,
M. A...
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04972 2